Lors de cette deuxième étape, le gouvernement a commencé à instaurer des mesures d’endiguement à l’échelle nationale, sans pour autant imposer un confinement ou une distanciation sociale. Le 11 mars, Orbán a décrété l’état d’urgence, ce qui lui a permis de gouverner par décret pendant 15 jours, conformément à la Loi fondamentale hongroise. Cependant, Orbán a refusé de prendre des mesures restrictives sévères avant le week-end dramatique des 14 et 15 mars, partageant plutôt l’euphémisme dédaigneux de la pandémie du président américain Donald Trump et du président brésilien Jair Bolsonaro. De nombreux leaders mondiaux, du Premier ministre britannique Boris Johnson à la chancelière allemande Angela Merkel, s’accordaient alors sur la nécessité de maintenir le rythme habituel du commerce ("business as usual") et de préserver la capacité financière. Le 12 mars, Orbán s’est rendu en Moldavie dans le cadre d’une visite officielle et a choqué ses hôtes en leur serrant la main. Le lendemain, il s’est rendu à Belgrade pour rencontrer le président serbe Vucic. D’après les déclarations officielles, ils auraient discuté de la pandémie et de la question migratoire mais, pour certains, Orbán aurait tenté de contacter des entreprises étrangères afin d’accélérer l’acquisition d’équipements nécessaires. Néanmoins le 13 mars, alors que la majeure partie de l’Europe acceptait peu à peu l’idée d’un confinement afin d’endiguer la propagation mondiale du virus, Viktor Orbán s’est prononcé contre la fermeture des écoles et des administrations publiques en Hongrie. D’autre part, il a menacé les enseignants de leur imposer un congé sans solde pour le reste de l’année scolaire, et a prévenu les parents que les élèves ne pourraient pas rattraper cette année scolaire en cas de suspension.
Le jour même, cette annonce a provoqué un large mouvement d'opposition sur les réseaux sociaux et au sein du parti au pouvoir. Le 13 mars au soir, Orban a déclaré la suspension de toute activité normale dans les écoles hongroises à partir du 16 mars, et a promis de protéger la vie de ses citoyens. Le gouvernement a également annoncé la fermeture temporaire de ses frontières aux étrangers, tout en autorisant la répartition des ressortissants hongrois à l'étranger.
Orbán entrait ainsi dans l'étape suivante de la gestion politique d'un défi qui offrait à ce dirigeant, fatigué et usé par la politique, l'occasion d’incarner son rôle favori : un commandant en chef déterminé à sauver sa patrie. Sa stratégie politique face à la crise de Covid-19 est passée d'un euphémisme dédaigneux à une attitude plus paternaliste, autoritaire et militariste. Orbán a octroyé un pouvoir décisionnel à onze "groupes opérationnels" en charge d'un large éventail de questions publiques concernant la pandémie. L'une des mesures les plus importantes fut de permettre aux militaires de s'emparer et de prendre le contrôle de plus de cent "entreprises stratégiques", qu'il s'agisse d'entreprises hongroises ou de multinationales opérant en Hongrie.
Vers le 20 mars, alors que la courbe de la pandémie commençait à progresser de manière exponentielle en Hongrie, mais avant que le système de santé ne connaisse des perturbations majeures, Orbán et ses experts ont mis en place les prémices de la quatrième et dernière étape : la transformation des décrets d'urgence en une nouvelle norme juridique, en rendant le gouvernement non responsable et potentiellement inatteignable. Orbán a ainsi entamé une manœuvre complexe pour prolonger l'état d'urgence et introduire une "loi coronavirus" ; loi parlementaire permettant au gouvernement de diriger par décret sans délai prédéterminé. Selon l'explication officielle, il y aurait un vide juridique à partir du 26 mars si les décrets publiés 15 jours auparavant n'étaient pas convertis en loi.
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