Le vote protestant est désormais minoritaire (47 % de l’électorat en 2016 et 43 % en 2018) ; le vote catholique est stable (environ 20 % de l’électorat) et le vote des "sans religion" en expansion (26 % en 2016 et 30 % en 2018). D’un point de vue global, la mouvance des "sans religion" est en pleine expansion ; elle touche près de 40 % des Américains les mieux éduqués (4 ans d’études universitaires et plus). On assiste donc, en matière de déchristianisation, à une lente convergence des sociétés américaine et européenne. Le pluralisme religieux est inséparable de l’irréligion.
Le vote catholique ne saurait être négligé. Biden est un catholique d’origine irlandaise, et s’il est élu, il sera seulement le deuxième président catholique après Kennedy. Comme Kennedy, il se refuse à mêler ses convictions intimes avec l’intérêt national du pays : il est personnellement contre l’avortement, mais il respecte la jurisprudence Roe v. Wade (qui légalise l’avortement). Or l’on sait qu’une large majorité d’Américains est favorable à l’avortement (61 %) ainsi d’ailleurs qu’une majorité de catholiques (56 %). Le vote catholique est important dans les États décisifs (battle ground states) pour la conquête du collège électoral, comme la Pennsylvanie, le Michigan, la Floride, l’Arizona. On peut donc s’attendre, avec la candidature de Biden, à un lent effritement du vote catholique jusque-là acquis au parti républicain. Mais les divisions, au sein même du catholicisme, limiteront cet effritement. En novembre 2019, lors d’une rare tournée électorale en Caroline du Sud, Biden assistait à une messe catholique dans l’Église de St Antoine (St Anthony’s Church), dans la petite ville de Florence. Alors qu’il s’apprêtait à recevoir la communion, Biden fut surpris : le prêtre local, Mgr Morey, refusa de déposer l’hostie dans la main de l’ancien Vice-président, au prétexte que "toute personne qui se dit favorable à l’avortement se place automatiquement en dehors de l’Église". Désagréablement surpris, Biden quitta précipitamment l’église et souligna son étonnement : "après tout, dit-il, même le Saint Père m’a donné la communion !". Pour l’évêque catholique de San Diego en Californie, Robert McElroy (un progressiste), "un prêtre ne devrait jamais refuser la communion à un fidèle, sinon se poserait la question : dois-je refuser la communion à une personne qui ne croit pas au réchauffement climatique ? ou encore à quelqu’un qui s’oppose aux programmes d’aides aux personnes sans ressources ? On n’en sortirait plus ! Le catholicisme ne saurait se réduire à un seul élément de doctrine, sinon il cesserait d’être en phase avec le pays réel." (John McCormick, "How Does Biden’s Catholicism Play to a Polarized Electorate ?", Wall Street Journal, 24 septembre 2020).
Bien sûr, les résultats des élections du 3 novembre 2020 ne seront pas déterminés par le seul vote religieux. C’est l’une des variables significatives parmi d’autres, à commencer par le lieu de résidence (urbains contre ruraux et résidents de petites villes), le genre (le "gender gap" des femmes en faveur de Biden sera décisif), l’âge, la classe sociale, le niveau d’études, l’appartenance ethnique... L’extrême personnalisation du politique, produit par le régime présidentiel américain, fera de cette élection un référendum portant sur le caractère d'un seul individu, Donald Trump et sur son incapacité à gérer la pandémie du Covid-19.
Copyright : Brendan Smialowski / AFP
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