En prévision de la prochaine élection présidentielle, l’Institut Montaigne s’intéressera aux idées et propositions formulées par les différents partis politiques français. Toutes les propositions suffisamment précises auront vocation à être analysées, sans considération idéologique, afin d’en évaluer l’impact sur les finances publiques, ainsi que leur faisabilité.
Le texte ci-dessous a été rédigé par François Ecalle, ancien rapporteur général du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques et président de l’association Fipeco. Il s’intéresse aux propositions formulées dans le livret "Convention, travail, Entreprises et Pouvoir d’achat" du parti Les Républicains. Ce livret fait suite à la tenue, le 8 décembre 2020, d’une convention nationale de ce parti.
La "Convention Travail, Entreprises et Pouvoir d’achat" tenue le 8 décembre 2020 par Les Républicains (LR) a donné lieu à la publication d’un livret dans lequel plusieurs propositions sont formulées. Le présent article a pour objet d’en examiner certaines, parmi celles qui auraient le plus d’impact sur les finances publiques. D’autres mesures proposées par LR pourraient avoir des conséquences non négligeables sur les comptes publics, comme la réforme du code du travail à travers ses effets sur l’emploi et le chômage, mais cet article n’a pas l’ambition de présenter une évaluation complète des propositions de ce livret et de leur impact sur les finances publiques. Les propositions des Républicains sont résumées en italiques et les observations qu’elles appellent sont en caractères normaux.
Les mesures qui contribueraient à dégrader les comptes publics
Diviser par deux la CSG sur les revenus du travail
LR propose de diviser par deux le taux de la CSG sur les revenus du travail des 90 % de Français les moins aisés et d’augmenter ainsi leur salaire net de 5 %. Le coût en serait d’environ 25 Md€ pour les finances publiques. Un couple dont chaque membre a un salaire brut mensuel de 2 000 € gagnerait 200 € de plus.
Selon le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2020, le produit de la CSG était de 127 Md€ en 2019 dont 90 Md€ sur les revenus d’activité des salariés des secteurs privé et public et des non-salariés. La distribution des revenus salariaux montre que les ménages des neuf premiers déciles payent environ 75 % de la CSG assise sur ces revenus. Le coût de cette mesure serait donc d’environ 90 x 0,75 x 0,5 = 34 Md€ (et non 25 Md€).
Le taux de la CSG sur les salaires passant de 9,2 à 4,6 %, un couple dont la rémunération mensuelle brute de chaque membre est de 2 000 € gagnerait 4 000 x 0,046 = 184 € par mois, soit 4,6 % du salaire brut et 5,2 % du salaire net. Le gain en pourcentage du salaire net varie avec le montant du salaire brut, car le taux des cotisations sociales salariales varie lui-même avec le salaire brut, mais ce gain serait d’environ 5 % du salaire net sur une large plage de salaires bruts
Une telle réforme rendrait la CSG plus complexe (il y aurait un taux de plus sur les revenus d’activité), plus progressive et plus concentrée, avec un important effet de seuil au passage dans le dixième décile : celui-ci commençant avec les ménages dont le salaire brut mensuel est d’environ 3 200 €, son franchissement entraînerait une hausse du montant de la CSG de presque 150 € par mois, son taux passant de 4,6 à 9,2 %.
Le gain de pouvoir d’achat des ménages bénéficiaires aurait un effet keynésien de relance de la consommation et de l’activité économique à court terme, mais il n’est pas sûr qu’une telle relance soit encore nécessaire quand cette mesure pourra être mise en œuvre (deuxième semestre 2022 au plus tôt). Au-delà de ses effets keynésiens à court terme, une réduction de l’imposition des revenus du travail aurait un impact favorable à long terme sur l’offre de travail et l’emploi. Cet effet est discuté par les économistes car il pourrait en théorie être négatif, la hausse du salaire net horaire pouvant conduire à moins travailler, mais les études empiriques montrent qu’il est plutôt positif. Le surcroît de recettes publiques induit par cet effet sur l’emploi serait toutefois limité et insuffisant pour compenser le coût budgétaire de cette mesure.
Annuler les hausses de CSG sur les retraites
LR considère que les hausses de CSG de 2018 et la désindexation des retraites en 2019 et 2020 ont été injustes. L’annulation de ces hausses de la CSG coûterait 2,8 Md€.
La désindexation partielle des retraites en 2019 et 2020 a eu peu d’impact car l’inflation a été faible. Malgré la hausse de la CSG sur les retraites en 2018, qui a épargné les plus modestes et a été partiellement abandonnée en 2019, le niveau de vie moyen des retraités était égal à 103 % de celui de l’ensemble de la population en France en 2019, ce qui était le ratio le plus élevé de l’OCDE. Si la crise sanitaire a particulièrement touché les personnes les plus âgées, la crise économique les a épargnées. Le taux moyen de remplacement des revenus d’activité par les pensions diminuera certes dans le futur mais cette baisse concernera surtout les futurs retraités. Cette mesure n’est donc pas particulièrement pertinente.
Elle contribuerait toutefois à simplifier la CSG, en supprimant un taux sur les retraites, et à réduire sa progressivité.
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