Si la population algérienne rejette massivement l'élection présidentielle du 12 décembre prochain, quelle peut être l'issue pour le pays ? Une porte de sortie autre que militaire peut-elle être envisagée ?
Il est très probable qu’une large partie de la population algérienne rejette ces élections, ou bien, résignée, n’y prête pas attention, ce qui revient au même. Le régime aura beau recourir à ses ficelles habituelles, faites de contrôle maximal sur les opérations de vote, d’opacité sur le dépouillage et de tripatouillage des résultats, ceux qui seront annoncés ne tromperont personne. Il en sortira un chef de l’État qui n’aura pas été élu mais choisi par l’armée, et qui sera donc privé de légitimité. Sous la houlette, sinon la férule, de l'État-major, il entreprendra de faire quelques réformettes, censées donner satisfaction au hirak. Il continuera de parier sur le pourrissement du mouvement, ses divisions, son incapacité à faire front commun, en agitant comme d’habitude les mêmes chiffons rouges : la "main de l’étranger", de la France en particulier, la question identitaire, la peur du chaos. Peut-être que c’est ce qu’il se passera, car les gens en ont marre, l’hiver est là et avec lui son cortège de plaies en termes d’inondations, de chutes de neige, de froid. En outre, et ce n’est pas négligeable dans l’analyse, la situation économique se dégrade à vive allure, les réserves s’épuisent, l’administration ne fonctionne plus, le tissu économique est moribond…
Mais il peut également se passer autre chose. Ces élections peuvent agir comme un catalyseur de la contestation, un accélérateur de changement.La mobilisation, cela paraît évident, ne faiblira pas après l’élection, en dépit de toutes les contraintes que le régime fait peser sur elle, dont une répression croissante des militants et des journalistes. La défiance à l’égard du pouvoir est telle, le rejet du système est si massif, que le mouvement ne s’éteindra pas après l’élection, et pourrait même s’en voir revivifié – et d’une certaine manière relégitimé à proportion inverse de la délégitimation du président qui sortira des urnes.
Alors, combien de temps tout cela durera-t-il ? Difficile de le dire car tant du côté de l’armée que de la mobilisation, on ne veut rien céder, rien lâcher. Il n’est pas impossible que l’on entre alors dans un cycle manifestations-répression qui peut encore durer de longs mois et s’achèvera par un durcissement sans précédent du régime, sous l’œil inquiet mais tétanisé par la peur du chaos des puissances partenaires de l’Algérie, la France en tête. Le seul moyen d’éviter cela est, comme je le disais, de revenir à la politique, à la négociation, au dialogue. Les forces et acteurs multiples qui constituent le mouvement doivent continuer à se structurer, à trouver les moyens de "faire front", d’élaborer une plateforme. Le régime, même après la présidentielle, doit engager un véritable processus de transition. Tout cela prendra du temps, sans doute. Et le temps, comme toujours dans ces situations-là, a plutôt tendance à jouer en faveur du régime en place.
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