Pour que tous les biens soient également affectés, une taxe à la frontière de l'UE, proportionnelle au contenu carbone et autres gaz à effet de serre des biens importés, devra être instaurée. Aussi bien les modalités d'imposition d'un prix du carbone que celles de la restitution aux citoyens des revenus ainsi générés devront être laissées à la discrétion des pays, voire des régions, selon le principe de subsidiarité.
Éviter le gaspillage de fonds publics
Le climat est un bien public mondial et l'Europe ne peut à elle seule mener le combat pour sa préservation. Mais elle dispose d'un marché intérieur d'une taille suffisante pour inciter d'autres pays à la rejoindre et ainsi créer ce "club climat" que le Prix Nobel d'économie William Nordhaus appelle de ses vœux. L'incitation est simple : exemption de taxe à la frontière de l'Union pour les pays qui imposent un prix du carbone sur leur propre marché, et réciproquement. C'est précisément l'absence d'incitation qui explique l'échec des accords internationaux sur le climat. Basés sur le volontariat, ils ne parviennent pas à résoudre le problème des "fuites de carbone".
Instaurer un prix carbone unique en Europe aura des impacts économiques différenciés, pénalisant les secteurs les plus intensifs en carbone. La taxe à la frontière les mettra à l'abri d'une concurrence inégale, mais les coûts de transition seront élevés car, avec un meilleur signal-prix, les préférences des consommateurs se modifieront vite.
À chaque chose malheur est bon
Pour amortir le choc, et faciliter le phénomène de destruction créatrice cher à Schumpeter, des aides aux investissements décarbonants pourraient être prélevés sur ce dividende. Elles devront être uniquement guidées par le critère carbone. Il serait par exemple absurde de subventionner le gaz au détriment de sources d'énergie décarbonées comme le nucléaire. L'immense avantage d'un prix unique du carbone est sa neutralité technologique et politique, évitant le gaspillage de fonds publics pour subventionner telle ou telle filière.
À quelque chose malheur est bon. L'Europe doit profiter de la crise sanitaire pour concilier l'indispensable aide à la reprise et une stratégie verte refondée, grâce à un système de prix prenant enfin en compte l'impact écologique des gaz à effet de serre. Grâce à son marché unique, elle pourra ainsi inciter d'autres pays à la rejoindre dans la lutte contre le réchauffement climatique. L'échelle, le timing et la méthode sont les bons pour mettre en place ces nouveaux outils qui permettront de gérer l'autre crise majeure qui nous attend si nous n'agissons pas dès maintenant.
Copyright : BORIS HORVAT / AFP
Avec l’aimable autorisation de L’Express (publié le 09/05/20)
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