Mais une opération militaire s’adresse toujours à plusieurs publics et si les militaires ont tendance à ne voir que l’ennemi, le président de la République voit également l’opinion publique française à un an de l’élection présidentielle et il voit aussi les Alliés, dont l’État malien, dont la responsabilité dans la dégradation de la situation au Sahel depuis vingt ans est écrasante. Cette annonce, qui est d’abord une annonce de retrait du Mali, intervient quelques jours après un nouveau coup d’État au Mali, et même un coup d’État dans le coup d’État d’août 2020. Il faut donc sans doute la voir comme une expression de lassitude de la part du Président Macron et des Français dans leur ensemble devant la corruption et l’incapacité du système politique malien, prompt par ailleurs à utiliser la France comme bouc émissaire. Mais c’est aussi l’emploi de l’action militaire comme moyen de pression sur le gouvernement malien en le plaçant devant la perspective de ne plus bénéficier de la protection française.
Le Président Macron est un habitué des décisions rapides, parfois à contrepied. Si le changement de posture était "dans l’air" et aurait dû de toute façon survenir, cette annonce soudaine, après consultation quand même des chefs d’État du G5 Sahel, veut sans doute jouer de la surprise pour susciter un choc. Sa mise en œuvre est quand même suffisamment lente pour laisser à tous les acteurs de la région qui dépendent de l’opération Barkhane, et ils sont nombreux, de s’adapter.
Que peut-on attendre du nouveau dispositif ? Sera-t-il en mesure de faire face à la situation ?
Le principe est de se désengager autant que possible du Mali. Pour le reste, on reviendra sensiblement en 2023, en admettant que ce calendrier soit respecté, au volume de forces du début de l’opération Barkhane en 2014. À l’époque, c’était clairement insuffisant pour obtenir des effets sur l’ennemi. Aujourd’hui, c’est un peu différent. Pour une raison difficilement compréhensible, il a fallu attendre la fin de l’année 2019 pour que la France dispose de drones armés. Maintenant, ces drones armés éliminent plus de combattants ennemis que le Groupement tactique-Désert basé à Gao. D’une manière générale, la pression sur l’ennemi est exercée presque entièrement par le système de renseignement et de raids/frappes de l’armée de l’Air, des Forces spéciales, et du Groupement aéromobile basée à Gao. En se retirant complètement du Mali, ce système peut perdre un peu en efficacité, notamment pour la composante héliportée qui a besoin d’une base intermédiaire au Mali. Il faudra sans doute également faire avec une perte de renseignements. Dans l’ensemble cependant, même si on en donnera peut-être un peu moins, on pourra toujours donner beaucoup de coups à l’ennemi alors que l’on en recevra nous-même beaucoup moins.
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