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19/10/2018

Nouveau système des données de santé : quelles ambitions pour le futur Health Data Hub ?

Trois Questions à David Gruson

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Nouveau système des données de santé : quelles ambitions pour le futur Health Data Hub ?
 David Gruson
Directeur du Programme Santé Jouve et fondateur d’Ethik-IA

Suite à la remise du rapport sur la mission de préfiguration du Health Data Hub ce vendredi 12 octobre à la Ministre de la santé et des solidarités, David Gruson répond à nos trois questions sur l'avenir du traitement des données de santé en France, et la libéralisation de leur accès. 

Dans son rapport publié en septembre 2018 sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale, la Cour des comptes porte un jugement critique sur la transformation digitale du système de santé français. En se livrant à une analyse comparée sur dix ans des systèmes de santé au niveau européen, la Cour montre que la France a su d’abord structurer des bases de données spécialisées puis poser les fondements d’un système national des données de santé (SNDS), institué par la loi de modernisation du système de santé du 26 janvier 2016, qui les intègre. Pour autant, selon la haute juridiction financière, l’utilisation de ces bases reste, en l’état, insuffisante.

Dans son avis préalable à la révision bioéthique rendu public le 25 septembre dernier, le CCNE propose que soit créée une plate-forme nationale sécurisée de collecte et de traitement des données de santé pour articuler, entre eux, les différents enjeux éthiques afférents aux données de santé. La création d’un Health Data Hub vise précisément à apporter une réponse opérationnelle sur ce point en créant une infrastructure nationale sécurisée permettant notamment des traitements croisés entre base de données médico-administratives type SNIIRAM et données cliniques détenues par les professionnels de santé libéraux ou stockées dans les entrepôts de données des établissements de santé.

Du Système national des données de santé (SNDS) au Health Data Hub (HDH), comment la France entend libéraliser l'accès aux données de santé et dans quel objectif ?

Il convient de définir ce que sont le Système national des données de santé (SNDS) et le Health Data Hub (HDH). Le premier correspond à la mise à disposition d’un ensemble de données (données de l’Assurance Maladie, données des hôpitaux, causes médicales de décès, données relatives au handicap, un échantillon complémentaire de l’Assurance maladie) rendues accessibles car elles sont utiles aux travaux d’intérêt public. En second lieu, le Health Data Hub vise à élargir les données du SNDS aux données cliniques et à rendre l’exploitation de celles-ci particulièrement efficaces. Le renforcement du partage des données est absolument nécessaire pour améliorer la qualité et l'efficience du système, et permettre un véritable pilotage territorialisé en fonction des problématiques de santé publique rencontrées par la population. Mais la constitution d'un hub de données vise aussi à permettre l'entraînement d'algorithmes qui permettront de mieux prendre en charge les patients. Le basculement vers l'intelligence artificielle est déjà en cours au niveau mondial : la France accuse jusqu’ici un certain retard sur la constitution de bases de données qui permettront de fiabiliser les algorithmes d'aide à la décision médicale de demain. Nous venons encore de voir cette semaine, aux Journées francophones de radiologie, qu'un potentiel très important existait à partir de la technique de reconnaissance d'image (IRM, scanner…). La France ne pouvait pas rester sur le banc de touche, d’autant plus que sa médecine est mondialement reconnue. 

Cette mission de préfiguration va-t-elle dans le bon sens à la fois pour permettre un meilleur accès aux données et pour assurer leur confidentialité ? 

Ce rapport va effectivement clairement dans le bon sens car il cherche à combiner opérationnellement la nécessité d'un partage plus large des données avec l'impératif de leur protection, dans le nouveau cadre juridique tracé en 2018 par le Règlement général sur la protection des données (RGPD). La mission menée par Dominique Polton a donné un cadrage pragmatique et relativement ouvert pour avancer dans cette direction et c'est une réelle avancée. Dans son avis préalable à la révision bioéthique publié le 25 septembre dernier, le Comité consultatif national d'éthique avait d'ailleurs préconisé le développement d'un hub de ce type pour répondre aux enjeux éthiques associés au pilotage par les données de santé. La mission de préfiguration nous en donne le début du mode d'emploi, qu'il faudra bien sûr préciser dans les prochaines semaines. Le rapport prévoit un calendrier cadencé et heureusement : dans un contexte de compétition mondiale très forte sur l'intelligence artificielle en santé, le temps est réellement compté.

Le Health Data Hub prévoit-il des mesures d'accompagnement dans le cadre des bouleversements concernant les ressources humaines en santé ?

Ce volet reste, à ce stade, relativement peu abordé, que ce soit dans le Plan Ma Santé 2022, le rapport de la mission Annelore Coury et Dominique Pon Accélérer le virage numérique ou le rapport de la mission de préfiguration du Health Data Hub. Il s'agit pourtant d'un volet essentiel pour accompagner la transformation profonde des métiers de la santé associée à la diffusion du numérique et de l'intelligence artificielle.Le rapport Intelligence artificielle et travail publié par Salima Benhamou pour France Stratégie en mars dernier en avait tracé les enjeux transversaux. Comme nous l'avions annoncé dès le 2 juillet lors du colloque Ethik IA au Sénat, l'Institut Montaigne portera une première grille d'analyse de ces enjeux RH dans une note d'analyse spécifique au secteur sanitaire et médico-social qui sera diffusée très prochainement.

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