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11/02/2020

Municipales 2020 : la démocratie et la vie locale dans les grandes villes

Municipales 2020 : la démocratie et la vie locale dans les grandes villes
 Institut Montaigne
Auteur
Institut Montaigne

Dans le cadre de notre opération de chiffrage des élections municipales et communautaires de mars 2020, nous offrons, pour chacune des onze plus grandes villes de France, une photographie de sa situation pour sept thématiques identifiées, à travers une série d’indicateurs. Ces indicateurs, rapportés à la population, permettent dans certains cas des comparaisons entre les villes. En dédiant l’un des thèmes à la démocratie et à la vie locale, nous avons souhaité saisir la vitalité des villes, qu’elle s’exprime en termes de démographie, de démocratie ou d’offre commerciale. En mesurant l’évolution de la population, en reprenant les taux de participation aux élections municipales de 2014 et en répertoriant le nombre de commerces rapporté à la population, cette analyse fournit certains points de repères quant à l’attractivité des municipalités et aux efforts de proximité qu’elles fournissent. Que nous apprennent ces quelques indicateurs sur la santé démocratique de ces onze villes ? Quelles comparaisons pouvons-nous établir ?

Démocratie et vie locale : de quoi parle-t-on, et avec quels indicateurs ?

L’augmentation de la population d’une ville peut témoigner de son attractivité et de sa capacité à accueillir de nouveaux arrivants. Si une démographie dynamique est par essence un bon signe pour la vitalité d’une ville, elle n’est pas sans soulever des questions, qui ont un écho dans le débat public, que ce soit sur le front du logement (hausse des prix), sur celui de l’offre de services municipaux qui doit épouser cette évolution démographique, ou même en matière de mobilités - et potentiellement de congestion - urbaines. En cela, le premier indicateur choisi ici (évolution de la population entre 2011 et 2016) permet souvent d’éclairer nombre d’indicateurs issus d’autres thématiques (Urbanisme et logement / Politiques sociales et éducation / Sécurité, etc.).

L’augmentation de la population d’une ville peut témoigner de son attractivité et de sa capacité à accueillir de nouveaux arrivants.

Les taux de participation aux élections municipales sont un miroir de l’implication des citoyens dans la vie politique locale, bien qu’ils soient aussi parfois le résultat de déterminants sociologiques (propres à chaque ville) ou politiques : certaines villes présentent une continuité politique de longue date, qui peut rendre l’issue du scrutin si certaine que ce dernier mobilise peu.

L’Institut Montaigne a également choisi de s’intéresser à un secteur de l’action publique dans lequel les élus ont davantage un rôle à jouer pour servir la vitalité politique de leur commune, à savoir la démocratie locale. Sont répertoriés, pour chaque ville, le nombre de conseils de quartier rapporté à la population et la part du budget total définie de manière participative. La loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, dite loi Vaillant, rend l’existence de conseils de quartier obligatoire pour les communes de plus de 80 000 habitants ; ces conseils de quartier "peuvent être consultés par le maire et peuvent lui faire des propositions sur toute question concernant le quartier ou la ville". Il revient aux conseils municipaux de fixer le nombre, la composition et le périmètre des quartiers ; il faut néanmoins que le découpage en quartiers soit homogène. Les budgets participatifs ont quant à eux le vent en poupe puisqu’à titre d’illustration, même sans obligation légale en la matière, la majorité des municipalités étudiées permettent désormais aux administrés de s’exprimer sur une part limitée du budget d’investissement ; depuis 2014, le nombre de communes s’engageant dans ce dispositif de participation locale a doublé. Il est à noter que malgré l’absence de cadre national pour le moment, un avis sur le projet de loi de finances 2020 a été déposé fin 2019 pour proposer une loi-cadre qui permettrait de clarifier le cadre applicable aux budgets participatifs.

Évolution de la population des onze villes : neuf contre deux !

Sur la période 2011-2016, seules deux villes, parmi les onze étudiées, ont vu leur population baisser. La baisse la plus spectaculaire est parisienne : la capitale a perdu 2,7 % de sa population sur cette période. Notons toutefois, pour ce cas, qu’entre 2008 et 2018, le constat est à une augmentation de 3,8 % de la population au sein de la capitale ; si elle augmenté de 5,9 % entre 2008 et 2014, c’est au cours du dernier mandat, entre 2014 et 2018, qu’elle a fortement diminué.

Nice, ensuite, a perdu 0,6 % de sa population sur cette période, une baisse moins impressionnante mais tout de même significative compte tenu du fait qu’en moyenne, les onze plus grandes villes de France ont vu leur population croître de 2,9 %.

Parmi les villes les plus dynamiques, Nantes arrive en tête (+ 6,3 %), suivie par Bordeaux (+ 5,3 %) et par Montpellier (+ 5 %). Lyon et Toulouse se distinguent également avec, respectivement, une croissance de 4,9 % et de 4,5 % de leur population. Viennent ensuite Rennes ( + 4 %), Strasbourg (+ 2,4 %), Marseille et Lyon (+ 1,2 % chacune).

Démocratie locale : des avancées inégales mais un mouvement général

L’analyse des onze villes en matière de démocratie locale nous apprend que, dans l’ensemble, toutes les villes ont entrepris des actions visant à promouvoir l’implication des citoyens dans la vie de leur quartier et de leur commune. Puisque l’existence de conseils de quartier est une obligation légale pour les communes de plus de 80 000 habitants, toutes les villes étudiées en sont dotées, avec un maillage qui varie néanmoins. Lyon est celle qui présente le plus grand nombre de conseils de quartier pour 1 000 habitants, suivie par Paris et Rennes ex æquo. Certaines villes complètent ce maillage par d’autres espaces de dialogue civique, à l’image de Lille, qui a instauré son Conseil municipal d’enfants, le Conseil lillois de la jeunesse et le Conseil communal de concertation (acteurs du secteur associatif).  

Du côté des budgets participatifs, les situations diffèrent davantage. Rennes arrive ainsi en tête au regard de la part du budget municipal total définie de manière participative (1 %), suivie par Paris et Bordeaux (0,5 %). Le budget participatif parisien a vocation à atteindre près de 500 M€ pour la période 2015-2020 et se décline en plusieurs volets (ville de Paris / arrondissements / écoles).

Dans l’ensemble, toutes les villes ont entrepris des actions visant à promouvoir l’implication des citoyens dans la vie de leur quartier et de leur commune.

Les villes de Marseille et de Montpellier n’ont pas mis en place de budget participatif. C’est également le cas de Nice, dont les documents budgétaires ne mentionnent pas ce poste de dépenses, malgré la création d’instances consultatives comme le Conseil communal consultatif et la récente transformation des conseils de quartier en "Conseils des territoires". Montpellier présente néanmoins la particularité d’un dispositif de création de liens de proximité depuis les années 1970, celui des "Maisons pour tous".

La ville de Strasbourg n’a adopté que récemment un premier budget participatif, d’un montant s’élevant à 1 M€ (1 % du budget d’investissement), inscrit au budget primitif 2019. En 2019, Toulouse a de même initié, à titre expérimental, un budget participatif à destination de ses quartiers prioritaires pour un total de 950 000 €.

Offre commerciale : des situations contrastées

En matière de commerce, le maire exerce la police des halles, foires et marchés (Code général des collectivités territoriales). Par ailleurs, par l’intermédiaire d’un plan local d’urbanisme (PLU), le maire peut également être plus ou moins prescripteur en matière de commerce (limitation de zones commerciales en périphérie, droit de préemption commercial, règlements). Compte tenu de ces compétences, nous nous sommes intéressés au nombre de commerces pour 1 000 habitants.

Si la question du commerce et celle du commerce de proximité ne seront probablement pas un marqueur aussi fort que d’autres problématiques (sécurité, environnement, logement) dans les campagnes électorales qui animent les onze plus grandes villes de France, celles-ci demeurent importantes dans les débats locaux. Selon un sondage CSA conduit fin 2018, 9 Français sur 10 estiment que les commerces de proximité animent les territoires, et près de 9 sur 10 (87 %) qu’ils créent du lien social et symbolisent le vivre-ensemble.

9 Français sur 10 estiment que les commerces de proximité animent les territoires, et près de 9 sur 10 (87 %) qu’ils créent du lien social et symbolisent le vivre-ensemble.

Bien sûr, la problématique de l’offre commerciale ne se pose pas dans les mêmes termes dans les grandes villes et dans les villes moyennes, qui connaissent des phénomènes de désertification des centres-villes bien plus préoccupants et des taux de vacance commerciale qui peuvent parfois atteindre 25 %. Ces centres-villes de taille moyenne subissent notamment les effets du développement de grandes surfaces commerciales en périphérie et les conséquences de l’essor du e-commerce.

Bien qu’il faille à nouveau considérer cet indicateur avec discernement, du fait des particularités de chaque ville, il est intéressant de noter que le nombre de commerces pour 1 000 habitants varie du simple au quintuple parmi les onze villes étudiées. Ainsi, Marseille est la championne de l’offre commerciale rapportée à la population, avec 16,1 commerces pour 1 000 habitants, contre 3,1 à Nice. En moyenne, les onze villes offrent 7,6 commerces pour 1 000 habitants. Paris (27 381 commerces recensés à l’échelle de la ville) et Bordeaux (2 164 commerces recensés) arrivent respectivement en seconde et troisième positions de notre palmarès, avec 12,3 et 8,4 commerces pour 1 000 habitants. Bordeaux est suivie de près par Lille (7,8) et par Lyon (7,7).

Que nous apprennent les premières propositions qui émergent en matière de démocratie et de vie locale ?

À Bordeaux, Thomas Cazenave (LREM) entend "donner la priorité aux commerces de proximité" et "créer une vraie démocratie participative, par un droit d’initiative citoyen". La Parisienne Anne Hidalgo (PS) a indiqué vouloir "soutenir le commerce de proximité" via le rachat par la ville de locaux commerciaux. Cédric Villani, lui, souhaite organiser plusieurs référendums de consultation sur la mandature et créer une "Agora de Paris". La Lilloise Violette Spillebout (LREM) a pour ambition de créer dans chaque quartier des "tiers lieux de proximité" tandis que le Bordelais Pierre Hurmic entend valoriser l’artisanat local et soutenir les commerces écologiques. À Montpellier, le projet commercial "Ode à la mer" s’est déjà invité dans la campagne, et nombreux sont les candidats à le remettre en question, au nom des menaces qu’il représenterait pour le commerce de centre-ville. Le maire toulousain sortant Jean-Luc Moudenc promet de "conforter le commerce de proximité".

Les programmes des candidats aux municipales sont encore en construction, et ce ne sont ici que leurs premiers échos, avec une liste non exhaustive des candidats et des villes. L’Institut Montaigne offrira, d’ici la fin du mois de février, un panorama complet des programmes des principales listes candidates, pour chacune des onze plus grandes villes de France, ainsi qu’un chiffrage de certaines propositions, au regard de ces sept thématiques.

 

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Copyright : JEFF PACHOUD / AFP

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