Le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, a montré un biais évident dans sa tendance à prendre les déclarations et le déni chinois pour argent comptant - une attitude à l'origine, pour partie, d'un retard dans les réponses internationales apportées à la crise du coronavirus. Ceci ne tient pas aux contributions chinoises à l'OMS, qui restent très limitées. La situation rappelle la faiblesse d'autres organisations des Nations Unies face aux campagnes d’influence de la Chine. Quand la Chine elle-même a pris l'épidémie à bras le corps, l'OMS est redevenue un outil irremplaçable au service des urgences sanitaires.
Chronologie des actions de l'OMS
14 janvier 2020 - approbation par l’OMS de la conclusion de l'enquête préliminaire des autorités chinoises selon laquelle il n'y a pas de preuve évidente de transmission interhumaine
23 janvier - reconnaissance de la transmission interhumaine du COVID-19 et recommandation de dépistages à la sortie dans les aéroports ; première réunion du Comité d'urgence
4 février - prise d’un engagement visant à partager l'information avec les gouvernements
7 février - mention d’une pénurie mondiale d'équipements de protection individuelle (EPI)
12 février - publication de lignes directrices de planification opérationnelle à destination des États
20 février - avertissement selon lequel la fenêtre d’opportunité visant à contenir l’épidémie "pourrait se fermer"
24 février - reconnaissance du potentiel pandémique de l’épidémie
27 février - énumération de "questions essentielles" à destination des ministères de la Santé
28 février - publication du rapport de la mission conjointe OMS-Chine sur le Covid-19
5 mars - adresse recommandant le recours à des tests à grande échelle
11 mars - déclaration d’une pandémie
Analyse
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) peut-elle faire mieux que les États membres des Nations unies qui, en fin de compte, ont un droit de regard considérable sur ses activités ? Avec la coïncidence d’une influence chinoise croissante au sein du système des Nations Unies et l’apparition d’une pandémie qui, selon toute vraisemblance, a pour berceau la Chine, cette question est aujourd’hui particulièrement criante. Les éloges du directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, à l’égard de l’attitude chinoise n’ont d’ailleurs pas manqué de l’exacerber.
L'OMS est une organisation clé des Nations Unies ; en 2020, son budget prévisionnel de base (hors polio et autres programmes spéciaux) s’élève à 3,8 milliards de dollars. L’OMS a un rôle majeur dans la recommandation, la coordination et l'aide à la prévention et au traitement des principaux enjeux sanitaires mondiaux. Lorsque des épidémies surgissent, elle est régulièrement sujette à controverse, car son rôle, ses réussites et ses échecs sont alors examinés à la loupe et servent parfois de bouc émissaire. À titre d’illustration, il lui a été reproché d’avoir tardé à reconnaître que l’explosion des cas d’Ebola en Afrique relevait d’une épidémie, ou encore sa lenteur, quelques années plus tôt, dans la prise en considération du SRAS.
La permanence et la vigueur du soutien du directeur général de l’OMS aux mesures prises par la Chine tout au long de la crise a bien sûr déclenché une contre-réaction : l'organisation elle-même est désormais accusée d'avoir manqué l'occasion de prévenir une pandémie mondiale. C'est le résultat de deux décisions. Premièrement, l'incapacité de l'organisation à reconnaître l’existence d’une transmission du virus d’homme à homme avant le 23 janvier, abondant ainsi dans le sens de la Chine et relayant la position des autorités chinoises le 14 janvier. Ceci se fait en dépit de nombreux signaux forts et répétés suggérant le contraire et malgré les alertes émises par les responsables sanitaires taïwanais, directement transmises à l'OMS. Deuxièmement, l'organisation tarde à déclarer une pandémie jusqu’au 11 mars, date à laquelle 114 pays avaient déjà signalé, au total, 118 000 cas. Ces décisions ont eu des conséquences mondiales, car les directives de l'OMS sont, pour le meilleur ou pour le pire, suivies par les pays et même par les acteurs privés qui peuvent fonder - et ensuite justifier - leurs actions sur la base de ces directives. Le cas français l’illustre bien : le 20 janvier, les autorités françaises continuaient à affirmer qu'il n'y avait pas de preuve de transmission interhumaine. Au-delà même de la question de savoir quel rôle l'OMS peut jouer en cas d'épidémie, ses déclarations ont un effet d'entraînement.
Ajouter un commentaire