C’est un message essentiel dix ans après l’éclosion et l’échec des printemps arabes. Au-delà de divisions sociales et générationnelles majeures, ces élections confirment l’extrême fragmentation du paysage politique irakien.
La fragmentation du camp chiite confirmée.
Le grand gagnant de l’élection est incontestablement la coalition sadriste (mouvement national irakien islamique dirigé par le chiite Moqtada al-Sadr) Sairoon, qui obtient 73 sièges, soit 19 de plus qu’en 2018. Très organisé, le mouvement a tiré parti de la nouvelle loi électorale pour enregistrer des victoires au-delà des zones qui lui sont historiquement acquises. Cette percée consacre le populisme nationaliste irakien. L’habileté politique de Moqtada al-Sadr lui a permis d’accompagner - jusqu’à un certain point - les mouvements de contestation depuis 2015 et de se faire le chantre de la lutte contre la corruption tout en faisant partie de l’équation gouvernementale. En miroir de cette victoire, fait notable : la coalition Fatah, qui regroupe la majorité des branches politiques du Hachd al-Chaabi, coalition paramilitaire formée en 2014 pour épauler l'armée irakienne dans sa lutte contre les djihadistes du groupe État islamique, a perdu 32 sièges. Ces élections signent donc la perte de l’avantage que ces branches avaient acquis en 2018, alors fortes de leur prestige de vainqueures de Daech. La coalition Fatah a pâti de dissensions internes et de la négligence des thèmes économiques et sociaux, au profit de considérations sécuritaires. Sans surprise, elle est l’instigatrice de la contestation des élections. Enfin, l’ex-Premier ministre Nouri al-Maliki, dont le long mandat avait favorisé la corruption et une division confessionnelle délétère, fait son retour au Parlement avec 35 sièges gagnés par sa coalition de l’État de Droit, avec laquelle Sadr devra donc composer.
Si, compte tenu de ces résultats, il y a fort à parier que le bloc sadriste fasse alliance avec la coalition sunnite Taqaddum (38 sièges) et le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) (33 sièges), ce sont les négociations intra-chiites qui détermineront ce jeu d’alliances. Il reviendra aussi aux sadristes de donner l’importance qui est due aux candidats issus des mouvements de contestation et aux indépendants. En tout état de cause, et à la lumière de la pratique politique en Irak des dernières années, il ne serait pas surprenant de retrouver le même trio de présidents à la tête des institutions du pays.
Implications régionales.
"Ni Est ni Ouest"?
À l’opposé des liens organiques qui lient une partie de la nébuleuse Hachd al-Chaabi à l’Iran, Sadr porte un discours virulent contre les ingérences étrangères, développé dès son entrée dans l’ère politique post-2003. Il conserve des relations ambiguës avec Téhéran, avec laquelle il est en désaccord sur les questions régionales, notamment la Syrie. Vu de Téhéran, les réactions à cette victoire sont divisées : tandis que les réformistes craignent qu’elle aboutisse à un approfondissement des liens irako-saoudiens rétablis depuis 2015-2017, les conservateurs estiment partager certains intérêts avec Sadr, notamment l’opposition à la présence américaine.
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