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15/05/2020

Les États face au coronavirus - En République tchèque, le masque jusqu’à quand ?

Les États face au coronavirus - En République tchèque, le masque jusqu’à quand ?
 Guillaume Narguet
Auteur
Journaliste à Radio Prague International

Chronologie

  • 1er mars : trois premières personnes en République tchèque sont diagnostiquées porteuses du virus. Toutes revenaient d’un séjour en Italie. Les jours suivants, augmentation du nombre de cas positifs.
  • 10 mars : le Conseil de sécurité de l’État décide de fermer toutes les écoles, à l’exception des maternelles, pour une durée indéterminée, alors que le nombre de personnes contaminées ne s’élève encore qu’à quelques dizaines.
  • 12 mars : l’état d’urgence sanitaire est décrété pour l’ensemble du territoire. Les rassemblements de plus de 30 personnes sont interdits, salles et terrains de sport sont fermés. Fermeture obligatoire des bars, restaurants et autres établissements similaires de 20h00 à 6h00.
  • 13 mars : le gouvermement décide de la fermeture des frontières à compter du 15 mars. Une liste de 15 pays à risque (parmi lesquels la France) est établie. Les Tchèques de retour de ces pays sont tenus de respecter une mise en quarantaine de 14 jours.
  • 14 mars : fermeture des commerces, à l’exception des magasins d’alimentation, des pharmacies, des stations-service et de quelques autres lieux considérés comme essentiels. Fermeture également de tous les restaurants. La vente via une fenêtre, de même que les distributions de repas restent néanmoins autorisées.
  • 15 mars : le gouvernement décide de l’activation de l’Équipe centrale de gestion de crise. Un épidémiologiste, vice-ministre de la Santé, est placé à sa tête. Dans la soirée, le gouvernement interdit la libre circulation des personnes sur tout le territoire, sauf pour le travail, des raisons familiales sérieuses, les courses d’alimentation et les soins de santé indispensables.
  • 16 mars : annonce des trois premières guérisons du Covid-19.
  • 18 mars : annonce de l’obligation du port d’une protection "quelle qu’elle soit" des voies respiratoires dans l’espace public, y compris en plein air, à compter de minuit. Dans les commerces d’alimentation, une tranche quotidienne de deux heures est réservée aux personnes âgées de plus de 65 ans.
  • 21 mars : le nombre de cas de contamination dépasse la barre des 1 000.
  • 22 mars : annonce du premier décès lié au Covid-19 : un homme de 95 ans qui était déjà gravement malade.
  • 24 mars : la Chambre des députés approuve l’augmentation du déficit du budget de l’État pour 2020, de 40 milliards de couronnes (1,5 milliard d’euros) à 200 milliards de couronnes (7,4 milliards d’euros).
  • 30 mars : le gouvernement prolonge les mesures de restriction de libre circulation et de vente jusqu’au 11 avril.
  • 6 avril : le nombre de guérisons dépasse la barre des 100.
  • 7 avril : la Chambre des députés approuve la prolongation de l’état d’urgence jusqu’au 30 avril.
  • 9 avril : le nombre de décès dépasse la barre des 100, tandis que le nombre de tests de dépistage s’élève désormais à plus de 100 000.
  • 14 avril : le gouvernement présente un plan de sortie de crise en cinq étapes étalées du 20 avril au 8 juin. Très vite, ce plan est révisé afin d’adapter la rapidité du processus de déconfinement à l’évolution favorable de la situations sanitaire.
  • 21 avril : le nombre de décès dépasse la barre des 200.
  • 22 avril : la Chambre des députés approuve l’augmentation du déficit du budget de l’État à un montant de 300 milliards de couronnes (11,1 milliards d’euros).
  • 23 avril : à Prague, suite à une plainte déposée par un expert du droit de la santé, un tribunal annule quatre mesures de restriction adoptées par le ministère de la Santé qui entravaient la liberté de circulation et le commerce de détail. Elles sont considérées comme "illégales" selon le verdict rendu. Dans la foulée, le gouvernement avance une première fois le calendrier de réouverture des commerces et autres services. L’interdiction de libre circulation des personnes est levée, les frontières sont rouvertes avec toutefois le maintien de certaines conditions pour entrer sur le territoire tchèque.
  • 28 avril : les députés acceptent de prolonger l’état d’urgence jusqu’au 17 mai.
  • 1er mai : après des tests dans les régions, lancement à l’échelle nationale du système appelé "quarantaine intelligente", basé sur le traçage numérique, qui doit permettre d'identifier les personnes susceptibles d’avoir été contaminées par un patient testé positif au Covid-19.
  • 3 mai : fin du pont aérien entre la République tchèque et la Chine instauré le 20 mars pour l’approvisionnement en matériel sanitaire.
  • 4 mai : le ministère de la Santé annonce le lancement de recherches par trois instituts nationaux pour le développement d’un vaccin contre le Covid-19.
  • 6 mai : annonce des résultats de l'étude du niveau d'immunité collective dans la population tchèque. Principale conclusion : le faible taux de contamination. Sur près de 27 000 tests effectués dans cinq régions du pays durant douze jours, seuls 107 se sont révélés positifs.
  • 11 mai : réouverture des classes pour les élèves qui s’apprêtent à passer les épreuves de la "maturita" (équivalent du baccalauréat) avec toutefois un nombre limité à 15, des terrasses des bars et restaurants, des centres commerciaux, des musées et galeries ou encore des salons de coiffure.
  • 13 mai : selon les données du ministère de la Santé, le nombre de personnes contaminées au Covid-19 s’élevait à 8 223 en République tchèque, pour 284 décès et 4 900 personnes déclarées guéries de la maladie. Près de 315 000 tests de dépistage ont été effectués depuis le début de l’épidémie.
  • 25 mai : réouverture prévue des écoles primaires. Le port du masque ne sera plus obligatoire en plein air. Lancement de la cinquième et dernière étape du plan de déconfinement et de relance de l’activité économique.

Analyse

Le Premier ministre Andrej Babiš n’a bien entendu pas manqué de s’en féliciter lors des conférences de presse qui ont suivi les innombrables réunions de son gouvernement :ces dernières semaines, la République tchèque a souvent été citée en exemple pour sa gestion d’une situation sanitaire qui, de crise, n’en a finalement eu que le nom. Les chiffres confirment le constat : avec moins de 300 décès recensés et un peu plus de 8 000 personnes contaminées en l’espace de deux mois et demi depuis l’annonce du premier cas positif, la République tchèque, qui compte une population de 10,5 millions d’habitants, n’a effectivement été que peu affectée par le coronavirus. Cela fait même désormais quelque temps que les Tchèques se posent entre eux, sur le ton de la plaisanterie, la question de savoir s’ils connaissent "quelqu’un qui a eu ce coronavirus". À titre de comparaison, la Belgique, distante de seulement quelques centaines de kilomètres et avec une population sensiblement identique, présente un bilan autrement plus sombre avec plus de 8 650 décès et quelque 53 000 cas diagnostiqués (à la date du 11 mai).

Ces dernières semaines, la République tchèque a souvent été citée en exemple pour sa gestion d’une situation sanitaire qui, de crise, n’en a finalement eu que le nom.

En attendant une éventuelle deuxième vague un peu plus tard dans l’année, comme le redoutent certains épidémiologistes, le coronavirus, bien qu’omniprésent comme partout ailleurs dans le monde dans tous les médias tchèques, a pour l’heure davantage ressemblé à ce fameux nuage radioactif de Tchernobyl qui n’aurait fait que passer au-dessus de nos têtes et se serait même arrêté aux frontières de certains pays selon les pouvoirs publics sans causer de graves conséquences.

Le fait est que la République tchèque, avec sa cousine la Slovaquie, et après l’Autriche et la Hongrie qui, dans la région, avaient à l’époque déjà instauré des restrictions d’entrée sur leurs territoires, a été un des tout premiers pays en Europe à s’isoler en fermant très hermétiquement ses frontières pour se protéger de la menace en provenance de l’étranger. Avant qu’eux-mêmes n’en fassent de même un peu plus tard, certains pays en Europe de l’Ouest avaient critiqué ces choix de Prague et de Bratislava de se couper du reste du monde, se demandant s’ils étaient conformes au droit européen. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, avait, elle, mis en garde contre des décisions qu’elle estimait trop hâtives et disproportionnées. "Les interdictions de voyage générales ne sont pas considérées comme très efficaces par l’Organisation mondiale de la Santé", avait déclaré la cheffe de l’exécutif européen.

Le masque, un symbole

Pas très efficaces non plus, voire inutiles, étaient aussi considérés les masques de protection des voies respiratoires. Le débat sur la question a toutefois été de courte durée en République tchèque. Le port d’un masque ou au moins d’un foulard recouvrant bouche et nez a été imposé par le gouvernement dès le 19 mars. Quelques jours plus tard, l’hebdomadaire Respekt sortait avec en couverture le dessin d’une vieille machine à coudre et d’un masque portant l’inscription "Une Tchéquie forte". Face à l’importante pénurie de matériel de protection respiratoire, "les citoyens se débrouillent et s’entraident", soulignait le magazine. "Ces masques sont devenus le symbole de l’approche tchèque du coronavirus et de la prise de conscience du danger. Ils sont l’illustration de la défaillance du gouvernement qui n’a pas su se les procurer à temps, mais aussi de la capacité d’agir de la société civile, qui a réagi à sa manière."

Dans les rues, les transports en commun ou dans les commerces encore ouverts, il est alors devenu très rare, à Prague comme en pleine campagne, de voir des gens sortir hors de chez eux – où ils étaient tenus de rester autant que possible depuis l’instauration de la quarantaine une semaine plus tôt – et de se déplacer sans protection. Des masques aux motifs les plus divers ont fleuri partout dans le pays, tandis que des milliers de volontaires ont cousu dans l’urgence pour tous ceux qui en avaient besoin, des personnes âgées aux professionnels des services sociaux et parfois même de santé. "La Tchéquie est une puissance du masque", s’est réjoui Andrej Babiš qui, depuis, même lors de ses allocutions télévisées, et comme tous les autres dirigeants politiques et autres personnalités, n’est plus apparu autrement que masqué.

Parallèlement, en Slovaquie voisine, le 23 mars à Bratislava, lorsque le nouveau gouvernement formé par Igor Matovič a prêté serment, c’est masqués et même gantés que tous ses membres et la présidente de la République, Zuzana Čaputová (avec un masque framboise assorti à sa robe très remarqué par les médias internationaux), ont participé à la cérémonie solennelle avant de poser pour la postérité. L’image peut sembler anodine, mais elle résumait fidèlement, d’un côté comme de l’autre de la frontière, la volonté du plus grand nombre de respecter les nouvelles règles de vie en commun.

Même la fausse affaire des centaines de milliers de masques en provenance de la Chine destinés à l’Italie et prétendument détournés par la République tchèque, fausse accusation de vol largement reprise par de nombreux médias européens et notamment français, n’a pas remis en cause cette détermination.

Désormais, dans les semaines à venir, Tchèques et Slovaques, qui ont formé un État commun jusqu’en 1993 et entre lesquels les liens culturels et politiques restent très forts, pourraient devenir les premiers pays en Europe centrale à lever toutes les mesures de restriction à la frontière et ainsi permettre à leurs ressortissants de se déplacer de nouveau librement. Comme dans les cas de l’Autriche et de la Croatie, destinations estivales privilégiées des vacanciers tchèques, avec les gouvernements desquelles les négociations sont déjà bien avancées, l’idée est aussi de sauver ce qui peut encore l’être de la saison touristique.

Lorsque le nouveau gouvernement a prêté serment, c’est masqués et même gantés que tous ses membres ont participé à la cérémonie solennelle avant de poser pour la postérité.

Ce port du masque n’a toutefois pas eu que des partisans. Récemment, un sénateur et cancérologue l’a qualifié de "symbole de la peur et de la docilité des Tchèques". Dans un article intitulé "Face au coronavirus, pourquoi l’Europe de l’Est s’en sort mieux que l’Ouest", publié le 15 avril dans le quotidien économique Hospodářské noviny, un journaliste avait justement avancé l’idée, parmi sept raisons possibles à ses yeux comme le vaccin obligatoire contre la tuberculose, la discipline et le respect des règles hérités des années passées autrefois sous les régimes communistes, que la peur inscrite dans la mentalité des gens face à l’État tout puissant et la crainte d’une dénonciation (le non-respect du port du masque est passible d’une lourde amende) avaient contribué à éviter une détérioration de la situation sanitaire semblable à celle qu’ont connue les pays d’Europe de l’Ouest.

Une économie qui permet de faire face à la crise

Dans un pays qui affiche des indicateurs économiques très enviables avec le plus faible taux de chômage au sein de l’Union européenne (3 % en mars, légère hausse à 3,4 % en avril malgré la crise), un taux de croissance de 2,5 % en 2019 (une contraction de 7,8 % est prévue pour 2020 par le ministère des Finances, mais un rebond à 5,8 % est déjà annoncé pour 2021), où le niveau des salaires augmente régulièrement (montant moyen de 1 365 euros en 2019) et qui est peu endetté (32,7 % de son PIB en début d’année), la mise à l’arrêt de l’économie, avec l’application de mesures radicales, a été globalement plutôt bien acceptée par une large majorité de la population, consciente que la priorité était d’abord d’ordre sanitaire. En réaction aux derniers chiffres du chômage, la ministre du Travail et des Affaires sociales, Jana Maláčová, a mis en garde la population le 4 mai dernier : "Les chiffres sont toujours très corrects, mais il n'y a pas encore lieu de s'en réjouir. Les prochaines semaines constitueront un meilleur indicateur de la réalité et nous montreront dans quelle mesure le nombre de chômeurs peut augmenter. Nous prévoyons un tournant pour fin mai, début juin."

Moteur de l’économie tchèque, les usines des constructeurs automobiles, et notamment celles de Škoda Auto à Mladá Boleslav (à 80 km au nord de Prague), filiale du groupe Volkswagen qui emploie près de 34 000 personnes, ont interrompu leur production le temps de plusieurs semaines, tandis que les rues de Prague, entre autres, se sont vidées de leurs millions de touristes.

La relative confiance des autorités – nettement moins des entreprises - dans la relance de l’activité s’explique aussi par la faculté qui a été celle de la République tchèque en 2008-2009 à traverser moins douloureusement que d’autres la crise financière. Même si celle-ci était d’une tout autre nature que celle actuelle, elle avait alors confirmé la bonne santé du secteur financier tchèque et plus largement de l’ensemble d’une économie pourtant très ouverte sur l’extérieur et très dépendante de la condition du marché européen, et plus particulièrement de celui de l’Allemagne, son principal partenaire commercial. C’est en effet à l’intérieur des frontières de l’UE que la République tchèque réalise chaque année plus de 80 % de ses exportations (dont plus d’un tiers en Allemagne).

Toutefois, dès le 19 mars, quelques jours seulement après l’adoption des premières mesures de confinement, dans une tribune publiée dans Hospodářské noviny, deux anciens dirigeants de la Banque centrale tchèque évoquaient un "hara-kiri économique" injustifié.

C’est en effet à l’intérieur des frontières de l’UE que la République tchèque réalise chaque année plus de 80 % de ses exportations (dont plus d’un tiers en Allemagne).

"Laisserons-nous mourir toute l’économie tchèque dans l’intérêt de protéger la vie ?", se demandaient ouvertement les deux hommes, qui regrettaient que les gouvernements de nombreux pays se concentrent exclusivement sur l’aspect sanitaire sans tenir suffisamment compte des conséquences socio-économiques des mesures adoptées, enclenchant aussitôt une importante vague de réactions très diverses. Les financiers avançaient plusieurs chiffres pour étayer leur froid raisonnement.

"Toute société ne peut consacrer qu’une partie de ce qu’elle produit aux dépenses de santé. Dans le cas de la République tchèque, cela représente environ 7,5 % de son produit intérieur brut. Dans la situation actuelle, si nous considérons les estimations des pertes économiques et du nombre de morts qu’il pourrait y avoir avec des mesures moins drastiques, nous parvenons à une somme de plusieurs dizaines voire de plusieurs centaines de millions de couronnes pour chaque vie sauvée. C’est une disproportion qui saute aux yeux, sans oublier que cet argent manquera ensuite pour soigner d’autres malades. Si nous sommes en guerre, un terme politique forcément exagéré, il convient alors de définir clairement le moment où nous considérerons que nous l’avons gagnée. Tout cela est-il donc bien raisonnable ?" Très controversée, la question a néanmoins eu le mérite d’être posée.

Malgré tout, avec l’octroi d’une indemnité journalière (à hauteur de 60 %, puis de 80 % du salaire brut) pour les parents contraints de rester chez eux pour garder leurs enfants et ne pouvant plus exercer leur activité professionnelle suite à la fermeture des écoles le 11 mars, d’une aide aux travailleurs indépendants et micro-entrepreneurs – un statut très répandu en République tchèque - appelée "bonus compensatoire" (18,50 euros/jour), l’instauration d’un système de "kurzarbeit" dans lequel l’État apporte une contribution aux entreprises pour le règlement des salaires de leurs employés placés en chômage partiel, le report du versement de certaines cotisations, la prise en charge d’une partie des loyers des entreprises ou encore le gel des montants des loyers pour les particuliers jsuqu’à la fin des mesures anti-coronavirus, le gouvernement s’est efforcé de tenir compte de l’impact des mesures de restriction sur l’activité économique pour limiter les dégâts.

Cela n’empêche cependant pas la coalition composée du mouvement populiste ANO et du parti social-démocrate d’être de plus en plus critiquée par ses opposants, nombreux il est vrai comme l’avaient démontré les grandes manifestations contre Andrej Babiš en 2019. Mais c’est là aussi, après tout, le signe d’un retour à une certaine normalité dans un pays dont le fonctionnement démocratique n’est pas menacé comme en Hongrie et en Pologne, ses partenaires au sein du groupe de Visegrád (qui réunit également la Slovaquie).

Le traçage numérique pour mieux cibler les foyers de contamination

Au final, les hôpitaux tchèques, leurs services de soins intensifs et de réanimation n’ont jamais été débordés. Mardi 12 mai, seuls 16 % des personnes contaminées recensées étaient hospitalisées. Le suivi de l’évolution dramatique de la situation en Italie, en Espagne, en France ou au Royaume-Uni, a aussi permis aux Tchèques de se rendre compte que leur système de santé, malgré une importante pénurie de médecins et d’infirmières et des moyens financiers très insuffisants, n’était peut-être pas dans un état aussi déplorable que parfois dépeint.

S’ils ne sont finalement pas venus contrairement à ce qui avait été annoncé la veille par les gouvernements des deux pays, six patients français atteints du Covid-19 dans un état grave devaient même être accueillis, début avril, dans un hôpital de Brno, dans le sud du pays. "La France nous a demandé de l’aide. Comme nous avons des capacités suffisantes, nous avons répondu favorablement", avait expliqué un Andrej Babiš, pas peu fier d’être en position de pouvoir tendre la main à un "grand".

Au final, les hôpitaux tchèques, leurs services de soins intensifs et de réanimation n’ont jamais été débordés.

Avec le retour des beaux jours et la perspective des vacances, un nombre croissant de Tchèques doutent néanmoins désormais du bien-fondé du maintien de certaines mesures, parmi lesquelles plus particulièrement celles du port du masque, de la fermeture de la majorité des collèges et lycées jusqu’à la prochaine rentrée en septembre ou encore de celle des brasseries et restaurants dans un pays qui est le plus gros consommateur de bière par habitant au monde. "Masques : combien de temps encore ?", pouvait-on d’ailleurs lire en une de Respekt lundi 11 mai, au-dessus d’un dessin montrant le ministre de la Santé toujours masqué lui aussi. Au fil des semaines, le masque est devenu pour les Tchèques aussi indispensable pour mettre le nez hors de chez eux qu’une paire de chaussures, même si son port en extérieur ne sera plus obligatoire à compter du 25 mai.

 Le 6 mai, l’annonce par le ministère de la Santé des résultats de l’étude sur "l’immunité collective" menée dans cinq régions du pays ont démontré que le taux de contamination était très faible. Les 26 549 tests sérologiques effectués en l’espace d’une douzaine de jours sur des volontaires de tous âges ont permis de relever à peine un plus de 100 cas positifs. Une bonne nouvelle qui en est aussi une mauvaise, puisqu’elle signifie que le niveau d’immunisation de la société tchèque est particulièrement bas.

Tout en l’incitant donc à rester prudent tant il est difficile d’anticiper l’évolution de l’épidémie dans les prochains mois, ces résultats ont néanmoins poussé le gouvernement à enclencher la vitesse supérieure dans son plan de déconfinement et de relance de l’économie. Quoique ne fonctionnant encore qu’imparfaitement, les autorités entendent désormais s’appuyer sur le système dit de "quarantaine intelligente" lancé à l’échelle nationale et basé sur le traçage numérique. Sa réussite, qui dépend toutefois encore de la faculté à réaliser jusqu’à 30 000 tests par jour (ce qui est pour l’instant loin d’être le cas) permettrait alors au gouvernement de concentrer les moyens disponibles sur les éventuels foyers de contamination. Et probablement aux Tchèques de faire tomber enfin leurs masques...

 

Copyright : Michal Cizek / AFP

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