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22/04/2022

Le Pen et Macron : quels programmes pour l’Europe ?

Le Pen et Macron : quels programmes pour l’Europe ?
 Cecilia Vidotto Labastie
Auteur
Ancienne Responsable de projets - Programme Europe

Le destin de l’Europe et de l’Union européenne marque une des grandes différences entre les programmes des deux candidats. Si selon Emmanuel Macron, “cette élection est un référendum pour ou contre l’Union européenne et le lien qu’il y a entre la France et l’Allemagne”, pour Marine Le Pen il ne peut pas y avoir de souveraineté européenne car “il n’y a pas de peuple européen”. Au lendemain du débat d’entre deux tours qui a vu débattre les deux candidats à l’élection présidentielle, de nombreuses questions restent ouvertes. Que proposent exactement les deux candidats ? L’Institut Montaigne analyse leurs positions sur sept thèmes en lien avec l’Europe. 

Environnement

Depuis de nombreuses années, la question environnementale s’est immiscée dans les débats politiques et notamment parmi les jeunes qui condamnent l’inaction de la classe politique. Le dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) n’a fait qu’augmenter le sentiment d'urgence en annonçant qu’il restait trois ans pour inverser la courbe des émissions de gaz à effet de serre si nous souhaitons conserver un monde “vivable”.

Une partie de l’électorat aurait souhaité que le sujet soit au cœur des débats de cette élection présidentielle et déplore l’absence de programmes concrets en matière environnementale au second tour. 

La politique environnementale est une compétence partagée entre l'Union européenne et ses États membres. En d’autres mots, à la fois l’UE et les gouvernements nationaux peuvent légiférer dans ce domaine. L’Union européenne s'est saisie du sujet en proposant des textes d’avenir qui sont actuellement en négociation : le Pacte Vert pour l’Europe, le paquet législatif “Ajustement à l'objectif 55” et le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières.

  • Sortir du Pacte Vert européen

 
Le Pacte Vert pour l'Europe (ou “Green Deal”), est un ensemble de propositions présentées par la Commission européenne pour rendre l'Union européenne climatiquement neutre en 2050.

Le paquet législatif “Ajustement à l'objectif 55” est un des outils législatifs qui permettra à l'UE de concrétiser son ambition. Il est actuellement en négociation au sein du Conseil de l’UE et du Parlement européen, les deux co-législateurs.

  • Refuser l'application des réglementations européennes préjudiciables aux intérêts de la France

  • Mise en œuvre d'une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne pour éviter la concurrence déloyale

Dans le cadre du Pacte Vert, la Commission européenne a proposé un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières pour éviter que les objectifs climatiques de l'UE soient compromis par la délocalisation de la production vers des pays aux politiques moins ambitieuses.

Ce mécanisme permettrait également d’endiguer l'importations de produits à plus forte intensité de carbone au dépit de productions internes à l'UE.

Le texte est actuellement en négociation.

Comparaison et analyse des propositions

Emmanuel Macron veut accélérer les négociations du paquet législatif “Ajustement à l'objectif 55” et milite pour la mise en œuvre d'une taxe carbone aux frontières de l'Europe. Cette initiative, initialement promue par Jacques Chirac, est actuellement une priorité pour la France dans sa présidence du Conseil de l'UE. Le 15 mars dernier, le Conseil a trouvé un accord et lancera les négociations avec le Parlement européen dans les mois à venir.

Si Emmanuel Macron est réélu, il continuera de soutenir ces propositions de la Commission européenne au sein des négociations de l’UE. 

Si Marine Le Pen gagnait les élections, elle pourrait entraver les négociations mêmes de ces textes. La présidence du Conseil de l'UE (détenue par la France du 1er janvier 2022 au 30 juin 2022) sera un premier test pour évaluer sa stratégie.

En effet, la candidate affirme vouloir “sortir du Pacte Vert. Les textes de loi qui le composent sont actuellement en cours de négociation. Une fois adoptés, tout État membre qui n'en respectera pas le cadre juridique pourra faire l'objet d'une procédure d’infraction de la part de la Commission européenne. Ce choix de quitter le Pacte Vert ne sera donc pas sans conséquence.

De plus, la candidate refuse d'appliquer les réglementations européennes qu'elle jugera préjudiciables aux intérêts de la France. Cette approche oppose les intérêts économiques français à une lutte contre le changement climatique. Ce choix engendrera également une procédure d’infraction de la part de la Commission européenne qui se traduira par des sanctions économiques envers la France. 

Commerce

La politique commerciale européenne est particulièrement importante car la négociation d’accords internationaux est une compétence exclusive de l'Union européenne, c'est-à-dire qu’elle seule peut légiférer dans ce domaine. 

Cependant, les accords dits “mixtes” (qui touchent les domaines de compétences partagées entre l’UE et ses États membres tels que l’agriculture, l’environnement ou la protection des consommateurs) sont conclus conjointement par les États membres et l’Union européenne. Dans ce cas, la pleine entrée en vigueur de l’accord est soumise à la ratification des 27 États membres.

L’UE est actuellement engagée dans huit négociations commerciales avec onze pays différents.

  • Exclure l'agriculture des traités de libre-échange
     
  • Interdire les importations de produits agricoles ne respectant pas les normes de production françaises

  • Faire en sorte que l’agenda commercial européen soit aussi un agenda climatique

Comparaison et analyse des propositions

Marine Le Pen souhaite exclure l'agriculture des traités de libre-échange et interdire l'importation de produits agricoles qui ne respectent pas les normes de production françaises.

Tout accord portant sur l'agriculture est négocié avec tous les États membres de l’UE et doit être ratifié selon leurs règles constitutionnelles pour entrer en vigueur.

Ainsi, la candidate prévoit de ne pas ratifier le traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada (CETA) et de s’opposer à la poursuite des négociations en cours entre l’Union européenne et respectivement l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le MERCOSUR (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay).

Pour y arriver, la candidate devra convaincre le Conseil, le Parlement européen et la Commission de ré-ouvrir les négociations ou de revenir sur les points d’accord qui ont déjà été clos. Il faudrait également que les pays tiers avec qui l’UE a conclu les accords acceptent d’entreprendre de nouvelles négociations.

La candidate ne mentionne pas si elle envisage de renégocier d'anciens accords ni si elle souhaite s’attaquer aux autres accords qui sont actuellement négociés comme celui avec le Japon.

À l’échelle nationale, l’Assemblée nationale a déjà ratifié l’accord de libre-échange avec le Canada (CETA). Si le Rassemblement National est majoritaire au Sénat, il pourra cependant choisir de ne pas ratifier cet accord et l'endiguer de fait pour la durée du quinquennat.

Emmanuel Macron souhaite que l'agenda commercial européen “soit aussi un agenda climatique”. Pour cela, la France devra négocier avec les autres membres du Conseil pour faire en sorte que les accords commerciaux respectent les objectifs climatiques de l’UE ainsi que les accords de Paris. 

Concrètement, le candidat envisage d’inclure dans les accords internationaux des clauses-miroirs. Ces clauses imposeraient aux produits importés sur le territoire européen des règles environnementales équivalentes à celles en vigueur dans l’UE. Pour concrétiser cette proposition, le candidat devra obtenir le soutien des autres membres du Conseil, du Parlement européen et de la Commission. 

De plus, il devra convaincre les pays tiers et partenaires commerciaux d’accepter des mesures qui impacteront leur système de production et qui sont parfois qualifiées de protectionnisme déguisé.

Relativement au traité de libre-échange avec les quatre pays du MERCOSUR, qui a été finalisé en juin 2019 après vingt ans de négociations, Emmanuel Macron a réaffirmé son intention de ne pas ratifier l’accord lors du débat d’entre-deux-tours

Migration et contrôle des frontières de l'Europe

Depuis les épisodes dramatiques de 2013, les pays européens et l’UE ont tenté à plusieurs reprises, sans succès, de trouver de nouvelles solutions pour organiser l'accueil de réfugiés en Europe.

La politique migratoire et les affaires intérieures sont une compétence partagée entre l'Union européenne et ses États membres, sans pour autant que la répartition soit nettement définie. Par exemple, c’est à l’UE que revient la compétence de fixer un cadre juridique commun en matière d'asile et pour autant, chaque État membre possède ses particularités nationales. Mais encore, c’est à l’UE que revient la compétence de l'espace de liberté, de sécurité et de justice et qui fixe les objectifs relatifs aux contrôles des frontières externes de l’UE.

L'afflux de réfugiés ukrainiens, la nouvelle stratégie de la Commission européenne pour renforcer l’espace Schengen et la volonté de la présidence française du Conseil de l’UE de réformer cet accord, marquent-ils une nouvelle étape ?

  • Organiser un référendum national sur l'immigration en Europe
     
  • Maintenir la libre circulation des personnes au sein de l'Espace Schengen mais seulement pour les nationaux des pays membres de l'UE
     
  • Être en mesure de fermer les frontières européennes et nationales
     
  • Rétablir les contrôles permanents aux frontières nationales tout en maintenant des procédures simplifiées pour les ressortissants des États de l'Union européenne
     
  • Renégocier les accords de Schengen

  • Aller au bout de la réforme de Schengen pour renforcer les frontières européennes, dans le cadre d'un projet présenté aux ministres de l'intérieur européens à Tourcoing
     
  • Créer un conseil pilotant Schengen. Ce comité serait un système de gouvernance informel selon lequel, à intervalles réguliers, les ministres de l'Intérieur des États membres concernés se rassemblent pour discuter des questions qui concernent l'espace Schengen
     
  • Créer un dispositif intergouvernemental d'urgence pour aider l'agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, communément connue sous le nom de Frontex

Comparaison et analyse des propositions

Les deux candidats envisagent de réformer l’accord de Schengen mais leurs ambitions divergent drastiquement. 

Signé en 1985 et entré en vigueur le 26 mars 1995, l'accord de Schengen établit un espace de libre circulation des personnes. Il est composé de 26 pays européens (dont 22 sont membres de l'UE) au sein desquels tout ressortissant d'un pays signataire peut voyager, travailler et s’établir sans faire une demande de visa ou de permis de séjour. 

Une nouvelle stratégie pour renforcer et rendre plus résilient l’espace de libre circulation Schengen et une réforme du “Code Schengen” ont été dévoilées par la Commission européenne en 2021. Cette réforme, qui vise à renforcer la coordination au niveau de l’UE et proposer aux États membres des outils améliorés, sera discutée par le Parlement européen et le Conseil de l’UE dans les mois à venir.

Dans le cadre des ces négociations, le candidat En marche ! propose de réformer Schengen pour renforcer les frontières européennes, dans le cadre d'un projet présenté aux ministres de l'intérieur européens à Tourcoing.

Il préconise la création d'un conseil politique de pilotage de l'espace Schengen, à l’image du format existant pour la zone euro, et souhaite créer un dispositif intergouvernemental d'urgence. 

Pour réaliser son projet, Emmanuel Macron aura besoin du soutien du Conseil et de convaincre les autres chefs d'État et de gouvernement de l’utilité politique de ses solutions.

Marine Le Pen a l'ambition de rétablir les contrôles permanents aux frontières nationales tout en prévoyant “des procédures de franchissement simplifié pour les citoyens des États de l’Union européenne”. À ce jour, un État membre de l’espace Schengen ne peut rétablir les contrôles qu’en cas d’atteinte à l’ordre public ou à la sécurité nationale. Une telle mesure peut durer au maximum six mois et peut être mise en place uniquement après consultation des autres États du groupe Schengen.

Si la candidate parvenait à créer une coalition suffisante pour orienter les négociations en sa faveur, bien que les équilibres politiques actuels ne jouent pas en sa faveur, la mise en place de contrôles permanents aux frontières nationales serait du moins laborieuse. Une telle mesure nécessiterait des investissements conséquents pour assurer le recrutement de nombreux gardes frontières et la remise en état des anciens postes de frontière.

De plus, les “procédures de franchissement simplifié” restent floues (par manque de détails de la part de la candidate), semblent difficilement applicables et ne présentent aucune garantie de maintien du statu quo pour les citoyens des États de l’Union européenne.

Dans le programme de la candidate, rien n'est précisé quant aux ressortissants des quatre pays européens qui font partie de l'espace Schengen mais qui ne sont pas membres de l'UE.

En voulant maintenir la libre circulation des personnes au sein de l'Espace Schengen mais seulement pour les nationaux des pays membres de l'UE, la candidate souhaite de facto transgresser l’harmonisation des conditions d'entrée et des règles relatives aux visas de court séjour (jusqu'à 90 jours) actuellement en vigueur. Dans un premier temps, une telle initiative exposerait la France à une procédure d’infraction de la part de la Commission européenne. À terme, le pays serait contraint de négocier des nouvelles conditions d’obtention des visas avec les pays tiers.

Agriculture

L'agriculture et la sécurité alimentaire sont des compétences partagées entre l'Union européenne et ses États membres. Ainsi, l’Union européenne agit notamment dans le cadre de la Politique Agricole Commune (PAC), qui organise la distribution des aides européennes aux agriculteurs et la subvention de projets agricoles.

Dans l’objectif d’harmoniser la Politique Agricole Commune avec le Pacte Vert, la Commission européenne a développé la stratégie Farm to fork (littéralement "de la ferme à la fourchette") visant à créer une chaîne alimentaire décarbonée, nutritive et abordable à l'échelle européenne. 

  • Refuser la stratégie Farm to fork

  • Changer la stratégie Farm to fork

Comparaison et analyse des propositions

Les deux candidats sont critiques de la stratégie Farm to fork, partie intégrante du Pacte Vert, mais leurs positions divergent. 

Concrètement, la candidate du Rassemblement National dit refuser la stratégie Farm to fork alors que Emmanuel Macron souhaite la modifier pour la rendre cohérente avec l'actualité de la guerre en Ukraine

D’ici à 2030, la stratégie préconise la réduction par deux du recours aux pesticides, une baisse de 20 % du recours aux engrais chimiques et l'augmentation des terres non productives. L’inquiétude des candidats dérive du fait que ces mesures pourraient réduire les rendements agricoles à court et moyen terme

Ce texte n’ayant aucune portée contraignante, et n’ayant pas été traduit dans l’adoption de PAC, ils n’auront aucun problème à mettre en place leur mesure respective à court terme. 

Cependant, la Commission européenne envisage de proposer un texte de loi pour la mise en œuvre de cette stratégie dès 2022, ce qui pourrait poser problème aux candidats dans le long terme.

Il est probable que Marine Le Pen envisage de faire obstruction lors des négociations de ce texte au sein du Conseil de l'UE. Si le résultat de ces négociations ne correspond pas à ses attentes, il se peut que la candidate décide de ne pas transposer le texte de loi dans le droit français. Ce dernier cas de figure exposerait la France à une procédure d'infraction de la Commission européenne.

Si Emmanuel Macron veut endiguer tout risque de réduction des rendements agricoles à court et moyen terme, il est probable qu’il choisisse de négocier des éléments clés au sein du Conseil. 

Il pourrait notamment revoir à la baisse la proposition de réduction par deux du recours aux pesticides en Europe, ainsi que la baisse de 20 % de l’utilisation des engrais chimiques et l'augmentation des terres non productives. Il est également possible qu’il propose de retarder la mise en application du projet à après 2030. 

De fait, cette approche risque de vider de son sens et son utilité la stratégie Farm to fork.

Le candidat veut également intensifier le plan protéines végétales. Cette initiative a comme objectif de doubler en dix ans les surfaces de plantes riches en protéines afin de diminuer la dépendance européenne des autres continents. 

Un plan français existe déjà depuis 2014 et plusieurs États membres, dont la France et l’Autriche, poussent pour une mise à l’agenda européen. Cependant, la Commission ne semble pas souhaiter adopter un plan similaire. Pour concrétiser une telle proposition, la France devra convaincre les autres membres du Conseil, le Parlement européen, ainsi que la Commission même.

Énergie

L'énergie est une compétence partagée entre l'Union européenne et ses États membres. Si à la fois les États membres et l’UE sont légitimes pour légiférer en la matière, cette dernière est particulièrement force de proposition.

Le 22 mai 2019, le Conseil a adopté le “Paquet Énergie Propre pour tous les Européens”, qui contribue à la décarbonisation du système énergétique de l'UE, conformément aux objectifs du Pacte Vert européen.

Une partie de ce paquet vise à établir un marché européen de l'électricité plus flexible et mieux placé pour intégrer une part plus importante d'énergies renouvelables.

  • Sortir du marché européen de l'électricité pour retrouver des prix décents

  • Réformer la régulation des prix de l’électricité européens pour mieux refléter les mixes énergétiques de chaque État membre
     
  • Accélérer la décarbonation et le déploiement des énergies propres à l'échelle européenne

Comparaison et analyse des propositions

Le marché européen de l'électricité est un cadre permettant aux États qui en font partie d'atténuer les pics sur leur réseau électrique. Il regroupe à ce jour les marchés de 19 pays qui représentent plus de 80 % de la consommation d'électricité européenne

Grâce aux règles communes du marché de l'énergie et aux infrastructures transfrontalières, l'énergie peut être produite dans un pays de l'UE et livrée aux consommateurs dans un autre. Par ailleurs, dans le contexte de la guerre en Ukraine, le 16 mars 2022, les réseaux électriques ukrainien et moldave ont été reliés au réseau d'Europe continentale sans pour autant faire partie du marché commun.

Bien que les exportations d'électrons de la France sur ce marché génèrent des bénéfices importants pour les producteurs français et malgré la garantie de sécurité que représente un tel réseau, Marine Le Pen souhaite que la France cesse d'en faire partie.

Si la candidate ne préconise pas de déconnecter la France des lignes à haute tension et des gazoducs qui la relient à ses voisins, elle envisage pourtant la sortie d’un marché unique où les échanges, libéralisés, sont guidés par les prix et la concurrence. Cette possibilité inquiète autant les économistes que les entrepreneurs.

Elle espère ainsi faire baisser les prix de l'énergie pour les consommateurs français. Cependant les experts estiment que les conséquences sont difficiles à évaluer en l'absence de précédents et ne garantissent pas de réels bénéfices. Notamment, un isolement énergétique de la France aurait un impact négatif direct en cas de panne ou de toute difficulté entraînant une baisse de la production d'électricité au niveau national. Si le marché européen permet aujourd'hui de pallier rapidement à ce type d’éventualité, en cas de sortie il serait nécessaire de développer des stratégies alternatives.

Emmanuel Macron propose une nouvelle régulation des prix de l’électricité européens pour faire en sorte que les prix reflètent les mixes énergétiques des différents États membres. 

Jugeant le mécanisme de fixation des prix de l'énergie obsolète, le candidat souhaite utiliser le contexte géopolitique actuel pour pousser les autres membres du Conseil à revoir les règles de fixation des prix de l’électricité. Plus précisément, il envisage d’éliminer le lien tarifaire établi entre gaz et électricité.

L'accélération de la décarbonation et le déploiement des énergies propres fait également partie du programme du candidat. Cette stratégie n’a rien d’étonnant car elle est nécessaire pour que la France respecte ses engagements pris dans le cadre de la COP21 et du Pacte Vert. 

De plus, le Haut Conseil pour le Climat (HCC) a déjà souligné le retard accumulé par le pays qui devra redoubler d’efforts au niveau national pour éviter une nouvelle condamnation par le tribunal administratif de Paris.

Numérique

Le numérique n'est pas une compétence explicitement mentionnée par les traités de l'Union européenne. Néanmoins, l’Union européenne a beaucoup légiféré dans ce domaine ces dernières années. 

Par exemple, l’Union européenne travaille pour actualiser les règles régissant les services numériques sur le marché européen. Les deux propositions de la Commission européenne sont les règlements relatifs aux législations sur les services numériques (“Digital Services Act”) et sur les marchés numériques (“Digital Markets Act”) qui seront normalement adoptées avant la fin de la présidence française du Conseil de l’UE. L’UE travaille également à la mise en place de nouvelles stratégies et textes de loi au service de la souveraineté numérique européenne sur la protection des données, de la cybersécurité ainsi que le développement de l’intelligence artificielle.

  • Favoriser l'émergence d'acteurs français ou européens dans tous les domaines du numérique 
     
  • Mettre en place une fiscalité européenne sur les géants du numérique 
     
  • Respecter strictement le droit européen et français en matière de protection des données personnelles
     
  • Mettre en place des géants européens du numérique

  • Investir dans la construction des métavers européens pour proposer des expériences en réalité virtuelle, autour des musées, du patrimoine et des nouvelles créations, en protégeant les droits d’auteur et droits voisins
     
  • Assurer l'autonomie technologique de l’Europe, en investissant pour développer ses champions, en se protégeant dans les domaines les plus stratégiques, en se dotant des infrastructures essentielles, comme un “cloud” et une constellation de satellites

Comparaison et analyse des propositions

Parmi ses propositions, Marine Le Pen souhaite favoriser l'émergence d'acteurs européens dans tous les domaines du numérique. Ceci n’est pas une proposition nouvelle : en 2012, la France lançait “La French Tech”, un écosystème unique pour soutenir les startups et d’investisseurs dans le domaine du numérique. En mars 2021, Cédric O, secrétaire d’État chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques, et Mariya Gabriel, Commissaire européen à l’Innovation, ont annoncé la création de l’initiative Scale up Europe dont les recommandations serviront à accélérer l’émergence de champions technologiques européens, notamment dans le domaine du numérique.

Madame Le Pen envisage de mettre en place une fiscalité européenne (ou au niveau de l'OCDE) régulant les géants du numérique. Des textes similaires sont déjà en cours de négociation au sein des institutions européennes. Il s'agit notamment du règlement sur les marchés numériques (Digital Markets Act) et du règlement sur les services numériques (DSA). En septembre 2020, la Commission européenne a également présenté un paquet législatif appelé le “Digital Finance package” contenant notamment une proposition réglementaire pour encadrer les crypto-actifs au niveau européen ainsi que des dispositifs pour renforcer la résilience numérique. Ces quatre textes devraient être adoptés avant la fin de la présidence française du Conseil de l’UE en juin 2022. L’OCDE s’est accordée sur un nouveau système de taxation des multinationales dont les géants du numérique en juillet 2021. En décembre 2021, la Commission européenne a présenté une directive pour transposer l’accord au niveau européen, avec une mise en œuvre prévue pour 2023. Enfin, la candidate préconise le respect du droit européen et français en matière de protection des données personnelles, soumises à ce jour au Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD). Ce texte est en application depuis le 25 mai 2018.

Dans le cadre de la présidence française du Conseil de l'UE, Emmanuel Macron veut encourager les investissements pour construire des métavers européens et proposer des expériences en réalité virtuelle, autour des musées, du patrimoine culturel et de nouvelles créations. Si réélu, il envisage de poursuivre cette politique tout en protégeant les droits d’auteur et droits voisins.

De plus, Emmanuel Macron prône l'autonomie technologique de l’Europe en deux volets. Il souhaite protéger les domaines les plus stratégiques en dotant l'UE de ce qu'il qualifie d'infrastructures essentielles, notamment un “cloud européen” ainsi qu'une constellation de satellites. Une stratégie pour mettre en place un “cloud computing” européen existe déjà, avec en son cœur le projet GAIA-X qui développe cette infrastructure de données.

Institutions et Traités

  • Instaurer une alliance européenne de nations libres et souveraines
     
  • Instaurer la primauté du droit national sur le droit européen
     
  • Baisser la contribution française au budget de l'UE

  • Consolider la puissance de l'Europe en “assurant son autonomie stratégique

Comparaison et analyse des propositions

Les positions des candidats vis-à-vis des institutions européennes sont diamétralement opposées. Si la candidate du Rassemblement National souhaite diluer l’Union européenne, Emmanuel Macron veut en consolider la puissance.

Marine Le Pen propose d'instaurer une alliance européenne de “nations libres et souveraines”. En son sein, chaque nation choisirait les règles à suivre, y compris concernant le respect de l'État de droit. Selon les observations de certains experts, ces propositions marqueraient la fin du projet européen tel que nous le connaissons.

Elle envisage l'organisation d'un référendum pour instaurer la primauté du droit national sur le droit européen. Cependant, l'article 11 de la Constitution française dispose qu’il est impossible de modifier le texte constitutionnel par référendum. Ainsi, cette proposition nécessiterait une première modification constitutionnelle pour être appliquée. 

Par ailleurs, un retrait unilatéral de la France exposerait le pays à des sanctions financières ainsi qu’à une mise de côté sur le plan politique au sein de l’UE.
En cas de victoire, elle abandonnerait toute notion de “souveraineté européenne” et mettrait un terme aux projets d’élargissement de l’Union. 

Enfin, elle souhaite réduire la contribution française au budget de l'Union européenne de 5 milliards d'euros. La contribution est calculée proportionnellement aux richesses d'un pays en fonction du revenu national brut (RNB). Toute diminution unilatérale de la participation budgétaire serait une violation du droit européen. Cela ouvrirait la possibilité de poursuites et donc de sanctions financières à l’encontre de la France. Autrement, Marine Le Pen pourrait attendre les prochaines discussions du budget européen prévues pour 2027 et tenter de négocier à la baisse la contribution de la France.

En qualité de Président, Emmanuel Macron a axé sa politique européenne sur la consolidation de la puissance de l'Europe en “assurant son autonomie stratégique.

Pour assurer cette autonomie stratégique, le candidat En Marche ! envisage de définir une doctrine commune européenne et de réinvestir dans le fonds européen de défense afin de renforcer les capacités des armées européennes et leur coordination.

Ce projet est déjà en cours et se reflète notamment dans l'adoption de la Boussole stratégique, premier Livre blanc de la défence européenne, adoptée le 24 mars 2022.

Bien que le contexte de guerre en Ukraine ait suscité un engouement nouveau en faveur des investissements militaires en Europe, Emmanuel Macron devra obtenir le soutien du Conseil pour pouvoir réellement lancer une politique de réinvestissement dans le fonds européen de défense. Dans le passé, des initiatives similaires ont régulièrement échoué.

 

L’auteure remercie Georgina Wright et Maxime Cayrou de l’Institut Montaigne pour leurs relectures et leurs appuis au cours de la rédaction de ce billet.

Copyright : FREDERICK FLORIN / AFP

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