Pour des États comme la Chine, la question des infrastructures est inséparable de celle de l'information. Depuis 2013, la Chine a conclu des accords avec plus de 60 pays en soutien aux énormes dépenses d'infrastructures de ses nouvelles routes de la soie (Belt and Road Initiative, BRI). En avril 2019, 37 dirigeants étrangers et plus de 5 000 représentants de 100 États ont participé au deuxième sommet de cette initiative à Pékin. À la veille du sommet, le numéro un de la diplomatie chinoise et ministre des Affaires étrangères Wang Yi déclarait que les partenariats liant la Chine à ces différents pays ne constituaient "pas un outil géopolitique, mais une plateforme de coopération".
Au-delà des infrastructures commerciales des nouvelles routes de la soie, comme les routes ou les ports, il y a les infrastructures de communication associées, dont on parle moins. En avril dernier, Le Quotidien du Peuple - organe de presse officiel du Parti communiste chinois - annonçait le lancement du Belt and Road News Network, nouveau rouage dans la machine d’influence chinoise. Le gouvernement et les entreprises chinoises ont ainsi construit d'importants réseaux internationaux d'information, par l'intermédiaire de l'agence de presse Xinhua, d’une chaîne de télévision par satellite en langue anglaise (China Global Television Network) et, du côté des réseaux sociaux, d’applications comme TikTok, application la plus téléchargée aux États-Unis actuellement. L'influence médiatique de la Chine a une grande portée ; à titre d’illustration, le projet Chinfluence est en train de pénétrer les pays d’Europe centrale et orientale. Ce projet a déjà démontré combien, pour la Chine, le fait d’entrer dans le capital des médias tchèques peut conduire à un traitement bien plus positif de l’actualité chinoise. L’initiative BRI est en cela bien plus qu’une nouvelle route de la soie ; on pourrait parler, si l’on veut redonner de l’actualité à une expression longtemps oubliée, d’une véritable autoroute informationnelle du XXIe siècle.
En Chine donc, infrastructures et information sont inextricablement liées. Cela implique que les États décideront, et cela n’est pas surprenant, d’investir dans leurs propres infrastructures afin de contourner les structures existantes dans lesquelles ils ont le sentiment d’être emprisonnés. Le cas allemand est à ce titre particulièrement instructif, comme je le documente dans mon nouvel ouvrage, News from Germany.
Les premiers câbles sous-marins, apparus dans les années 1850 et 1860, ont été développés par un nombre réduit d'entreprises anglo-américaines. En 1875, l'Union télégraphique internationale créait un système réglementaire double pour les câbles de communication : la convention signée distinguait les câbles sous-marins, dont la gestion revenait à des acteurs privés, et les câbles de terre, qui en Europe étaient la propriété des États - bien que ce n’était pas le cas en Amérique du Nord. L'accord autorisait ainsi les fournisseurs de câbles de communication sous-marins à fixer les prix qu’ils souhaitaient.
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