Un choix que font tout de même quatre États : la Californie, le Nevada, le New Jersey et le Vermont, rejoignant ainsi les cinq autres États qui conduisent déjà leurs élections presque exclusivement par voie postale. Sans succès jusqu’à présent, la campagne Trump a attaqué, au moyen de contentieux, le développement du vote par correspondance au Nevada, et le procureur général William Barr a prétendu, non sans grotesque, qu’avec ce genre de vote, il suffirait que Trump remporte le Nevada pour qu’à la minute même surgissent de nulle part des centaines de milliers de bulletins vote pour Joe Biden.
La stratégie de lutte contre le développement du vote par correspondance est double. L’équipe de Trump semble partir du principe qu'un taux de participation plus faible aux élections favoriserait la réélection du Président. Cela explique peut-être l’intention des Républicains de Pennsylvanie de contester, devant la Cour suprême des États-Unis, un arrêt de la Cour suprême de l'État qui autorise le dépouillement des bulletins de vote arrivés peu après le jour de l’élection sans cachet postal lisible. Pour les Républicains, cette décision prolonge inconstitutionnellement le jour du scrutin au-delà du 3 novembre et retire à l'assemblée législative de Pennsylvanie la possibilité de choisir ses grands électeurs.
Le premier argument est plutôt faible. La décision d'accepter des bulletins de vote sans cachet postal apparent après le jour du scrutin ne prolonge pas le jour de l’élection, mais met plutôt en avant la manière dont les agents électoraux détermineront si un bulletin de vote a été envoyé à temps - en tenant compte du fait que de nombreux bulletins de vote leur parviennent sans cachet de la poste et en considérant qu’un vote arrivé après l’élection équivaut à un vote dans les temps. La Virginie et le Nevada ont récemment adopté des règles similaires, compte tenu des retards de courrier liés à la pandémie. Le Honest Elections Project, rallié à la campagne Trump, lutte contre un consent decree (jugement convenu) établi à l’égard de prolongations du même ordre au Minnesota.
L'argument qui avance que l'arrêt de la Cour suprême de l'État usurperait les pouvoirs législatifs pour fixer ses règles des élections fédérales fait écho à une revendication similaire qui avait été faite lors des élections - très contestées - de 2000. Il s’agit de savoir si la Cour suprême d’un État usurpe le pouvoir législatif lorsqu'elle applique les règles électorales conformément aux lois et à la constitution de l'État. L'argument selon lequel, dans le cas d’un vote, la cour suprême d'un État appliquant la constitution usurpe le pouvoir législatif est plutôt faible à mes yeux, mais il était apparemment convaincant pour les membres les plus conservateurs de la Cour Suprême qui ont rendu l'Arrêt Bush v. Gore.
Les échauffements autour de sujets comme les règles du cachet de la poste sont des disputes de surface, le genre de guerre de tranchées qui n'aura d'importance que si, le jour des élections, le résultat ne se joue qu’à une centaine de bulletins dans un État-clé, au rôle essentiel pour la conclusion du Collège électoral. Mais le revers de ce jeu est encore plus inquiétant.
La manœuvre est de tant embrumer le processus, de tant semer le doute sur l’identité du vrai vainqueur de l'un de ces États-clés, en prétextant d’une part une importante fraude électorale, puis en pointant du doigt le manque de rigueur des règles relatives au vote par correspondance, que le sort de l’élection, le nom du vainqueur, ne sera plus décidé par les électeurs, mais par quelqu’un d’autre. Ce "quelqu’un d’autre" pourrait être la Cour suprême - maintenant privée de Ruth Bader-Ginsburg - qui démêlerait l’affaire à partir d’un échantillon de bulletins.
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