Pour réussir cette transition, il faudra que nous soyons capables de résister à la pression exercée par ces trois facteurs, d’empêcher les ruptures et de façonner le changement structurel tel que nous le souhaitons. Cela signifie avant tout que nous devons garantir l’emploi et former les actifs aux nouvelles technologies. La pandémie agit ici comme un accélérateur. Nous devons faire attention à ce que la situation sociale déjà très délicate que connaît l’Union européenne, comme le monde entier d’ailleurs, ne soit pas encore aggravée par la pandémie et la transformation écologique. Actuellement, ce danger existe bel et bien. Il faudrait que nous comprenions que nous pouvons tirer doublement profit de cette situation : actuellement, des milliards de fonds publics sont injectés directement dans les entreprises afin d’atténuer les conséquences économiques de la crise. Il serait insensé de ne pas en profiter pour réaliser les investissements d’avenir nécessaires dans les nouvelles technologies propices au climat et à l’économie circulaire, le développement des énergies renouvelables et des technologies hydrogène, et les mobilités respectueuses du climat. Et malgré des critiques de détail, je salue l’approche commune mise en place par la France et l’Allemagne dans ce domaine.
Quels sont les défis spécifiques des régions charbonnières dans ce contexte et est-ce que la "transition juste" ne concerne que ces régions ?
Wolfgang Lemb
En Allemagne, la "Commission Charbon" vient tout juste de se mettre d’accord sur un objectif : d’ici 2038, sortir de la production d’électricité à partir de charbon. Cet engagement politique est important, mais c’est maintenant que démarre le processus à proprement parler : qu’allons-nous faire des 40 milliards d’euros mis à disposition pour le changement structurel ? Quelles seront les conséquences pour les trois régions concernées, c’est-à-dire le bassin d’Allemagne centrale, le bassin rhénan et les zones du Brandebourg et de Saxe orientale, où la population, depuis des décennies, vit de la houille ? Quel est notre concept pour l’avenir, quelles alternatives peut-on envisager ? Le Brandebourg, par exemple, où il existe déjà une initiative hydrogène et une unité de production de batteries de Mercedes, se demande comment s’appuyer sur ces éléments pour devenir une "région à énergie d’avenir". J’oserais pronostiquer que les cinq à dix prochaines années seront fortement marquées par la mise en œuvre de ces transformations concrètes dans les régions charbonnières. Pour que ce soit une réussite, il faudra que de nouveaux emplois industriels soient créés, et surtout que nous parvenions à faire adhérer la population à ces projets et à lui faire accepter ces mesures. Bien entendu, les régions charbonnières ne sont pas les seules à devoir relever le défi de la transition juste, bien au contraire. D’autres régions sont touchées par les mutations structurelles de l’industrie automobile dues à l’évolution des mobilités : la Basse-Saxe, la Thuringe, de vastes zones économiquement importantes de la Bavière, et aussi la région de Stuttgart, axée sur la high-tech, dans le Bade-Wurtemberg. Et puis la totalité de la Sarre, où sont installés de nombreux équipementiers, et où la sidérurgie est confrontée à la nécessité de produire de l’acier climatiquement neutre. Actuellement, rien que dans la métallurgie et l’industrie électrique, 200 000 emplois sont menacés. Cet exemple concret montre que les défis restent immenses - du moins en ce qui concerne l’Allemagne.
Ajouter un commentaire