Des voix s’élèvent pour proposer un reconfinement total de la population afin d’éviter une nouvelle saturation des hôpitaux. Dans cette interview, nous avons demandé à Thomas Barnay, professeur de sciences économiques à l'Université Paris-Est Créteil, économiste de la santé, son point de vue sur la question d’un nouveau confinement en France.
La situation sanitaire en France semble se détériorer rapidement, selon-vous un nouveau confinement est-il envisageable et surtout souhaitable d’un point de vue sanitaire ?
En effet, les taux d’incidence et de positivité augmentent continûment, avec de plus en plus de cas symptomatiques positifs (plus de 60 %). Ces chiffres, qui ont doublé en un mois, atteignent respectivement 116 cas sur 100 000 habitants la dernière semaine de septembre et près de 12 % en date du 12 octobre et traduisent l’accélération de la circulation du virus mais également un meilleur ciblage des dépistages. Mathématiquement, ce mouvement vient accroître les hospitalisations pour cause de Covid-19 (3 % des personnes infectées sont hospitalisées). Avec une nouvelle pression sur les lits de réanimation, la tentation d’un confinement complet apparaît de plus en plus forte.
Cependant, le nombre de patients Covid-19, actuellement en réanimation ou en soins intensifs (soient 1500), est cinq fois moins élevé qu’au plus fort de la crise sanitaire, le taux de reproduction du virus reste contrôlé (légèrement supérieur à 1 contre 3 au début de l’épidémie) et les chiffres de la mortalité entre le 1er mai et début septembre 2020 sont identiques à ceux observés en 2019 selon l’Insee. Cet épisode n’est pas, pour l’heure, comparable à la vague épidémiologique de mars-avril mais le risque de saturation hospitalière est fort et s'accroît (le nombre de patients en réanimation a été multiplié par 3,5 depuis le 1er septembre et le taux d’occupation des lits est localement supérieur à 40 % c’est le cas de Paris notamment), obligeant les pouvoirs publics à prendre de nouvelles dispositions.
L’efficacité absolue du confinement du printemps semble démontrée bien que son ampleur reste incertaine. Ainsi de 62 000 à 690 000 décès auraient été évités en France au premier semestre 2020. Néanmoins, ces évaluations sont établies en référence à une situation épidémiologique pré-confinement plus grave que celle que nous observons actuellement mais également à l’absence de toute stratégie sanitaire.
Contrairement au mois de mars dernier, nous disposons en effet d’une stratégie, perfectible certes, mais réelle et perçue, par beaucoup, comme déjà coercitive. Elle combine port du masque, mesures d’hygiène, distanciation sociale, dépistage organisé à grande échelle et intégralement pris en charge, traçage des cas contacts et de multiples restrictions locales. Par ailleurs, même si la souffrance au travail des personnels soignants requiert une action plus significative des pouvoirs publics,les services hospitaliers ont gagné en expérience, opérant une remarquable réorganisation des lits et gagnant en expertise. Le taux de décès est aujourd’hui plus faible en réanimation notamment parce que l’incertitude sur le traitement a été réduite.
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