La France est-elle devenue le pays de la défiance ? Qu’en est-il de nos voisins allemands et britanniques ? Décryptage des résultats du Baromètre de la confiance politique réalisé chaque année par le Centre de recherches politiques de Sciences Po dont l’Institut Montaigne, Terra Nova et la Fondation Jean-Jaurès sont partenaires avec Bruno Cautrès, chercheur au CNRS et au CEVIPOF, et contributeur au Baromètre des Territoires 2019 de l’Institut Montaigne.
Peut-on encore dire en 2020 que la France est le "pays de la défiance" ?
Dans la limite d’une comparaison européenne entre trois pays (France, Royaume-Uni, Allemagne), on peut effectivement dire que notre pays est bien "le pays de la défiance". C’est une observation que nous faisions jusqu’à présent, mais en observant seulement la France… Et c’est là l’un des intérêts majeurs de la vague 11 du Baromètre de la confiance politique : pour la première fois, nous avons comparé le rapport des Français à la politique et à la confiance dans une perspective de comparaison européenne. Pour réaliser cet objectif ambitieux le CEVIPOF s’est associé à des fondations partenaires, dont l’Institut Montaigne.
Les données collectées cette année permettent de tester l’hypothèse d’une "spécificité française". La France est, il est vrai, un cas national de premier choix pour analyser et comprendre les mécanismes et les formes de la défiance politique : la récente crise démocratique que la France a vécue lors du mouvement des Gilets jaunes, prend place dans une série de crises et crispations nationales plus anciennes (21 avril 2002, référendum de 2005, crise des banlieues la même année, confirmation de l’ancrage territorial et sociologique du vote populiste lors des élections de 2012 et de 2017). Pour autant, on ne peut en conclure directement à une "spécificité française". D’autres pays européens connaissent également la défiance politique et la crise de confiance dans la démocratie représentative. Les exemples ne manquent pas en Europe depuis ces dernières années : Brexit (Royaume-Uni), gouvernements d’orientations populistes, succès électoraux de partis nationalistes et populistes, contestations de l’Europe, tensions internes au sein de l’UE. Il n’y a sans doute pas eu, dans l’Europe d’après la chute du Mur de Berlin, autant de tensions et de risques pour la démocratie libérale et représentative qu’aujourd’hui et autant de situations nationales difficiles sur ces questions.
Dans ce contexte, pour mieux comprendre s’il existe, au sein des toutes ces tendances, une "spécificité française", nous avons décidé de comparer la France a peu de pays mais en allant en profondeur à chaque fois dans l’observation des mécanismes qui produisent la défiance politique. Le choix s’est porté sur le Royaume-Uni et l’Allemagne afin de comparer la France à des pays européens sensiblement comparables en termes socio-économiques. Notre projet s’étendra à d’autres pays dans les années suivantes. Les données que nous avons réunies montrent très clairement que même après trois ans de Brexit douloureux, même si le modèle allemand connaît de réelles difficultés au plan économique et politique, les britanniques et les allemands sont à la fois moins pessimistes au plan social, plus confiants dans les autres et nettement moins défiants vis-à-vis des institutions politiques ou vis-à-vis du personnel politique ! La France reste ce pays qui n’arrive pas (ou plus ?) à produire une "société de confiance" pour reprendre l’expression de Yann Algan. La comparaison avec les deux autres pays est très parlante : ce ne sont pas des écarts de quelques points qui séparent notre pays du Royaume-Uni ou de l’Allemagne en matière de confiance en soi, dans les autres, dans la politique ou l’économie, mais des écarts parfois de 10 à 15 points !
Quelles institutions suscitent le plus de défiance ? Et au contraire, le plus de confiance ? Voit-on une évolution significative par rapport aux précédentes éditions ?
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