À plus long terme, quelles sont selon vous les perspectives italiennes, y compris au-delà du politique et notamment dans le cadre de la lutte contre la crise sanitaire et économique ?
Ces perspectives sont assez sombres. Cette crise politique s’est jouée et continue de se jouer en décalage complet par rapport aux attentes des Italiens. Toutes les enquêtes d’opinion démontrent qu’ils n’ont pas compris celle-ci, mais que surtout leurs principales préoccupations concernent leur santé, la situation sociale et celle de l’économie. Ils manifestent une forte demande de protection et de sécurité qui explique au demeurant et en partie la confiance qu’ils manifestent à Giuseppe Conte, non pas tant pour sa personne que pour son rôle institutionnel.
La question essentielle est bien celle du plan de relance de 223 milliards d’euros en provenance de l’Union européenne, l’Italie étant le pays qui reçoit le plus d’aides, de fonds et de prêts de Bruxelles. Les critiques de Matteo Renzi, mais aussi celles du Parti démocrate, avant le déclenchement de la crise, ont contraint le gouvernement à revoir sa copie. 70 % des ressources européennes seront destinées aux investissements pour relancer la croissance. Les priorités indiquées sont l’écologie, le numérique, la cohésion sociale et territoriale, et la santé (21 milliards au total pour celle-ci). La culture, l’enseignement et la recherche devraient aussi bénéficier de cet argent. Or ce plan devra être discuté avec les partenaires sociaux et adopté par le Parlement : les jeux restent donc ouverts. L’Union européenne s’inquiète non seulement de l’instabilité politique qui règne à Rome mais encore se demande, comme beaucoup d’acteurs - le patronat, les organisations syndicales - et d’observateurs, si ces sommes colossales seront utilisées pour enfin relever les défis structurels que l’Italie doit relever depuis des décennies, comme, par exemple, la compétitivité des entreprises, les investissements dans la recherche, l’éducation et l’innovation, le développement du Mezzogiorno ou encore la réforme de l’administration publique. La préoccupation porte enfin sur la dette publique estimée désormais à 158 % du PIB et du déficit public qui devrait atteindre 5,7 % à la fin de cette année. Or la faiblesse du gouvernement de Giuseppe Conte et de sa majorité sont de sérieux motifs de préoccupation. Au lieu de saisir l’opportunité que représentent les aides de l’Union européenne pour déployer une politique ambitieuse de réformes sur le long terme, l’Italie risque de pratiquer une navigation à vue peu cohérente. Pourtant, cette année, elle assure la présidence du G20. Cela lui fournit l’occasion d’asseoir sa crédibilité internationale. C’est dire que de tout point de vue, 2021 sera une année cruciale pour l’Italie.
Copyright : Yara NARDI / POOL / AFP
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