La crise actuelle aura des conséquences très lourdes dans les années, voire les décennies à venir pour Dominique Moïsi. Des décisions que nous prenons pour combattre l'épidémie et ses conséquences ravageuses, dépendent les contours de notre société future et nos relations avec le reste du monde.
"L'Histoire n'apprend rien, elle contient tout. Sauf peut-être, qu'il ne faut pas envahir la Russie à la fin de l'été", disait avec humour l'historien britannique du siècle dernier A.J.P. Taylor. Pourtant, alors que l'épidémie de coronavirus s'accélère en Europe et aux États-Unis et s'élargit dans le monde, on commence à prendre la vraie mesure de la crise. Elle est désormais décrite comme la pandémie la plus grave depuis la grippe espagnole de 1918-1919, la crise économique la plus sérieuse depuis celle de 1929. C'est désormais le Mexique, qui par peur de la contagion, ferme sa frontière avec les États-Unis. L'équivalent contemporain des Désastres de la Guerre gravés par Goya, ce sont ces camions militaires qui transportent dans la campagne italienne, des cercueils vers les crématoriums.
La peste d'Athènes
La génération des baby-boomeurs, née dans l'immédiat après-guerre croyait avoir échappé à tout ou presque. On lui prédisait une espérance de vie en bonne santé, unique dans l'histoire de l'humanité. Elle se retrouve désormais en première ligne, confinée et groggy.
Dans un tel contexte il peut être utile - nonobstant les avertissements d'A.J.P. Taylor - de se tourner vers le passé pour mettre en perspective le présent.
Trois périodes méritent toute notre attention : la peste d'Athènes entre 430 et 426 av. J.-C, la peste noire qui sévit en Europe et au-delà de 1345 à 1730, et tout particulièrement de 1347 à 1351. Enfin, beaucoup plus proche de nous, la grippe espagnole déjà mentionnée.
La peste d'Athènes est entrée dans l'Histoire par la description minutieuse qu'en fît Thucydide. Il s'agissait, d'ailleurs, probablement du typhus et non de la peste. L'épidémie causa la mort de dizaines de milliers de personnes y compris celle de Périclès. On estime qu'un quart à un tiers de la population d'Athènes disparut, marquant la fin d'une période privilégiée dans l'histoire de l'humanité. "Nous autres civilisations savons maintenant que nous sommes mortelles", aurait pu déjà écrire Paul Valéry parlant de la République athénienne.
Ajouter un commentaire