Le 18 mars 2020, l’Allemagne comptait près de 10 000 cas porteurs, mais seulement 28 décès liés au virus, alors qu’à la même période la France comptabilisait 7730 cas et déjà 175 décès liés à l’épidémie. Cette identification précoce des porteurs a permis de gagner un temps précieux pour augmenter le nombre de lits, en particulier dans les systèmes de soins intensifs, et mobiliser le personnel soignant disponible, alors que le pays semblait encore relativement épargné. Avec l’une des populations les plus âgées d’Europe, l’Allemagne connaît sa vulnérabilité et son système de santé se prépare à un véritable "tsunami".
Réparer l’économie allemande
Avant même que l’Europe ne devienne l’épicentre de la pandémie, l’Allemagne a pris conscience du risque que faisait peser la crise sanitaire sur son économie. La diffusion du virus en Chine et la fermeture du pays a représenté un choc particulièrement douloureux pour la grande Industrienation, mettant à mal les chaînes de production alors que la diffusion du virus entraînait une réduction de la demande de produits allemands. Au cours de la dernière semaine, le DAX, le principal indice boursier allemand, a connu une chute d’une ampleur sans précédent. C’est donc avant tout pour tenter de rassurer les marchés que le ministre de l’économie, Peter Altmaier (CDU) et le ministre des finances Olaf Scholz (SPD) ont présenté un arsenal de mesures destinées à atténuer les conséquences de la pandémie sur l’économie allemande.
Un recours facilité au chômage partiel, la possibilité pour les entreprises de décaler le paiement de leurs impôts et la garantie des crédits offerts aux entreprises en difficulté par le biais de la KfW, la banque publique d’investissement, pour un montant équivalent à plus de 500 milliards d’euros, représentent une première série de mesures qualifiées par le ministre des finances de "Bazooka". Le gouvernement allemand n’exclut pas de compléter prochainement ces mesures par des prises de participation dans les sociétés en difficultés, ou par des subventions directes aux entreprises, tout en esquissant déjà la perspective d’un futur plan de relance.
Désormais, le dogme de la discipline budgétaire, l’un des derniers marqueurs du conservatisme allemand, s’efface au profit de la lutte contre l’épidémie et la protection de l’économie. Mais peut-on parler d’un véritable revirement ? Dans une interview publiée sur le site du journal Die Zeit le 18 mars 2020, le ministre allemand des finances, Olaf Scholz explique la position du gouvernement : "Il y a eu dans le passé des critiques à l’égard de mon attachement au budget équilibré et mon refus d’entretenir les déficits publics. J’ai toujours expliqué que ce n’était pas une fin en soi, mais que cela nous permettrait de faire face si une crise survenait. Aujourd’hui, grâce à la solidité de nos finances publiques, nous pouvons affronter la crise avec les coudées franches". Et de fait, avec un excédent budgétaire proche de 50 milliards d’euros, l’Allemagne est en mesure d’apporter un soutien durable à son économie.
Remettre l’Europe à demain
Mais qu’en est-t-il du soutien des autres États membres ? S’il confirme que le gouvernement fédéral prône désormais une approche "flexible" du Pacte européen de stabilité, qui limite en principe à 3 % par an le déficit public des différents États membres, le ministre allemand des finances juge prématuré d’activer le Mécanisme européen de stabilité (ESM), le dispositif de gestion des crises financières au sein de la zone euro. "Pour l’instant, je ne juge pas nécessaire d’activer l’ESM. Les États membres sont persuadés de pouvoir régler eux-mêmes leurs problèmes. S’il en allait autrement, nous saurions prendre nos responsabilités". Pour l’Allemagne, les réponses à la crise restent pour l’heure des réponses nationales, et le pays marque une distance nouvelle vis-à-vis d’une éventuelle solution européenne.
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