La conclusion du discours d’Armin Laschet au congrès : "Je n’ai pas un grand sens de la mise en scène, mais je suis Armin Laschet et vous pouvez compter sur moi" apparaît comme une allusion directe à la campagne de la Chancelière en 2013 dont le slogan était résumé dans la phrase : "Vous savez qui je suis".
Les défis de la CDU en 2021
La volonté d’inscrire l’avenir du parti dans la continuité de l’ère Merkel témoigne incontestablement du pragmatisme de la CDU. Alors que l’autre grand Volkspartei, le SPD, a choisi de se recentrer sur le cœur de son électorat en élisant à sa tête un duo incarnant l’aile gauche du parti, la CDU reste convaincue que les élections en Allemagne, se gagnent au centre. "Mass und Mitte", la modération et le centre, s’imposent ainsi comme les mots d’ordre du nouveau président de la CDU.
Armin Laschet - dont la force réside dans le fait qu’il fut toujours sous-estimé - devra cependant affronter en 2021 trois principaux défis pour maintenir au pouvoir la démocratie chrétienne allemande.
- Il lui faudra tout d’abord rassembler un parti divisé entre les tenants de la ligne Merkel et ses détracteurs, dont le résultat de Friedrich Merz samedi 16 janvier (46 % des suffrages) révèle l’importance au sein du parti. La force d’Armin Laschet réside précisément dans sa capacité à incarner les différentes tendances de la CDU : Catholique pratiquant, reçu en audience par le Pape en octobre 2020, Armin Laschet fut l’un des principaux soutiens de la politique migratoire de la Chancelière à laquelle l’aile chrétienne sociale reste profondément attachée. Allié en Rhénanie du Nord aux libéraux, Armin Laschet incarne également une politique favorable aux milieux d’affaires et s’est imposé au milieu de la crise comme le défenseur d’une politique de lutte contre la pandémie attachée à minimiser l’impact des mesures restrictives sur l’économie. Président d’un Land traumatisé par les agressions perpétrées par des migrants le soir de la saint Sylvestre en 2015, Armin Laschet a également fait de la sécurité intérieure en NRW son cheval de bataille, ce qui peut lui permettre de s’attacher le soutien des conservateurs allemands.
- Le nouveau président devra également se confronter à la question délicate du candidat à la Chancellerie (K-Frage). Son élection à la présidence du parti ne signifie pas en effet qu'il parvienne à s’imposer comme le candidat de la droite aux prochaines élections. Au sein de la CDU circulent depuis plusieurs mois des spéculations autour d’une possible candidature du Ministre de la Santé Jens Spahn, qui avait choisi de candidater en tandem avec Armin Laschet, mais dont l’étoile commence à pâlir désormais. Une sortie inappropriée lors du congrès et le risque de voir son action comme Ministre remise en cause à mesure que l’Allemagne perd le contrôle de l’épidémie, pourrait ternir la popularité de cette éternelle figure montante de la CDU. Markus Söder, le ministre-président de Bavière particulièrement populaire dans les sondages apparaît comme un rival bien plus dangereux. Récemment converti à l’écologie, Markus Söder se présente comme une figure volontariste et déterminée, capable de séduire à la fois les conservateurs et la frange du parti la plus modérée, qui voit dans une alliance avec les verts le meilleur moyen de régénérer la démocratie chrétienne allemande. La façon dont l’épidémie évolue en Bavière et en Rhénanie du Nord, tout comme les résultats de la CDU aux élections régionales prévues dans le Baden Wurtemberg et le Palatinat en mars prochain, détermineront la capacité d’Armin Laschet à s’imposer contre le chef des conservateurs bavarois.
- Armin Laschet devra enfin définir les contours idéologiques de son parti. Bien qu’un travail collaboratif ait été engagé depuis 2018 pour produire un nouveau Grundsatztprogramm (le dernier date de 2007), la finalisation de ce programme semble aujourd’hui renvoyer à un avenir incertain. C’est sans doute sur ce terrain qu’Armin Laschet semble le plus fragile. Lors du congrès de la CDU, ses deux concurrents se sont attachés à définir dans leurs discours le contenu qu’ils entendaient donner aux trois lettres qui forment le nom du parti. Armin Laschet au contraire s’est contenté de produire un récit centré sur sa personne et sur la nécessité de restaurer la confiance des citoyens... La question des valeurs ou les projets d’avenir portés par la CDU est laissée de côté et c’est là l’une des principales faiblesses de la CDU. Si pendant des années, la figure d’Angela Merkel a permis de conduire son parti à la victoire, la personnalisation du pouvoir a également contribué à effacer les contours de son parti.
La CDU face au vide
Comme l’explique le spécialiste des sondages Matthias Jung dans un article du Zeit, les résultats élevés de la CDU dans les derniers sondages sont tirés par le fait "qu’une partie de la population n’a pas encore compris que l’époque Merkel touchait à sa fin. La prise de conscience du départ de Merkel aura un impact négatif sur les résultats de la CDU". Lors des derniers sondage en vue des élections fédérales, la CDU reste à 37 % d’intention de votes, contre 20 % pour les verts et 15 % pour le SPD. Mais la figure d’Angela Merkel, qui a fait la force de la CDU, pourrait devenir prochainement sa pierre d’achoppement.
La popularité de la Chancelière a permis à la CDU de garder sa cohérence pour ne pas connaître le même déclin que les autres partis traditionnels d’Europe, mais Armin Laschet, en proposant un weiter so qu’il voit comme "la continuation du succès" prend le risque d’occulter les fragilités de la CDU. Profondément divisée, la CDU est également marquée par un recul du nombre d’adhérents (entre 2000 et 2020, le nombre d’adhérents de la CDU passe de 616 000 à 405 000). Elle est désormais privée de marqueurs idéologiques clairs, en particulier depuis que la nécessité de lutter contre la pandémie a levé la pertinence, à court terme, d’une parfaite maîtrise des dépenses publiques. La CDU, qui a connu au cours des deux dernières années d’importants revers au niveau régional et européen, voit sa base électorale s’éroder au profit des Verts et de l’AfD...
La volonté d’incarner l’héritage d’Angela Merkel ne peut suffire à donner à la CDU un nouvel élan. Dans sa lettre à la FAZ qui marque en 1999 l’achèvement de la période Kohl, Angela Merkel pose les conditions permettant au parti de tracer son propre chemin : "il lui faut disposer de valeurs fondamentales, de militants convaincus, d’un mélange de volonté de conservation et d’expériences nouvelles, mais également d’un concept pour l’avenir". Ce sont précisément ces éléments qui font défaut à la CDU.
Copyright : Odd ANDERSEN / AFP
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