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18/07/2017

Mieux vaut prévenir que guérir… Pourquoi faire de la prévention une priorité ?

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Mieux vaut prévenir que guérir… Pourquoi faire de la prévention une priorité ?
 Angèle Malâtre-Lansac
Auteur
Ancienne directrice déléguée à la Santé

Paquets de cigarettes à 10 euros, extension de la couverture vaccinale obligatoire : dans la continuité des annonces faites par Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle, Agnès Buzyn, nouvelle ministre des Solidarités et de la Santé, met la prévention au c'ur de la politique de santé. Angèle Malâtre-Lansac, Directrice déléguée à la Santé à l'Institut Montaigne décrypte ce sujet.

Des politiques de prévention trop souvent délaissées au profit du curatif

De quoi parle-t-on ? On distingue classiquement trois types de prévention : la prévention primaire qui agit en amont de la maladie ; la prévention secondaire qui agit à un stade précoce de son évolution ; et la prévention tertiaire qui agit sur les complications et les risques de récidive.

En France, les politiques de prévention, notamment primaires, font trop souvent l’objet de discours théoriques sans pour autant constituer un axe central de nos politiques de santé, trop centrées sur le curatif et insuffisamment sur la prévention des risques. Ainsi, le budget alloué annuellement à la prévention reste très faible en France où seuls 2 % des dépenses de santé sont dédiés aux politiques de prévention, contre 3 % en moyenne dans les pays de l’OCDE. La France se situe ainsi à la 25ème place sur 35.

La qualité du système de santé français est essentiellement liée aux soins et aux actions curatives, une fois la maladie déclarée. Quand il existe peu de possibilités thérapeutiques et que l’action doit se situer en amont, avec une vision de la santé comme un enjeu global (comportements, logement, modes de vie, etc.), notre pays ne parvient que rarement à avoir de bons résultats.

La prévention : une priorité pour améliorer l’état de santé de la population

Ainsi, si les Français bénéficient d’une des espérances de vie les meilleures au monde, notre système de santé pèche par le nombre de décès "évitables" notamment chez les personnes jeunes : un tiers des morts prématurées (avant 65 ans) seraient ainsi lié à des causes évitables.

Pour lutter contre les décès prématurés et améliorer l’état de santé de la population, des politiques de prévention ciblées doivent être entreprises notamment pour faire diminuer la consommation de tabac et d’alcool, améliorer les comportements alimentaires, baisser les taux de pollution et augmenter la couverture vaccinale de la population.

Avec 78 000 morts par an, la consommation de tabac constitue toujours l’un des facteurs de risque les plus importants. La lutte contre le tabagisme, menée avec succès dans de nombreux pays, reste au milieu du gué en France. Selon Santé Publique France (mai 2017), 30 % des adultes fument quotidiennement. La consommation d’alcool représente la deuxième cause de mortalité prématurée en France avec près de 50 000 décès annuels, dont près du quart des décès des 15-34 ans. La pollution et les particules fines seraient également responsables de près de 48 000 morts par an.

Les vaccins constituent également un outil essentiel de toute politique de prévention primaire. Ainsi, chaque année, la vaccination sauve plus de deux millions de vies dans le monde. Les objectifs de couverture vaccinale fixés par la loi française (95 % pour toutes les vaccinations et 75 % pour la grippe) sont pourtant loin d’être atteints pour la plupart des vaccinations. Ce phénomène inquiétant constitue une priorité de la nouvelle ministre de la Santé. 25 000 personnes ont ainsi contracté la rougeole en France entre 2008 et 2015 et 200 nourrissons de moins de six mois en moyenne sont hospitalisés chaque année pour cause de coqueluche…

La prévention primaire : un outil de lutte contre les inégalités sociales

A l’âge de 35 ans, un homme cadre supérieur a une espérance de vie supérieure de six ans par rapport à un ouvrier, faisant de la France l’un des pays de l’Union européenne où les écarts de santé entre les catégories socio-professionnelles sont parmi les plus forts. La France vient ainsi d’être classée par le CommonWealth Fund à la 10ème place sur 11 en matière d’équité du système de santé.

La moindre espérance de vie des personnes les plus défavorisées est étroitement liée à des facteurs comportementaux (consommation de tabac, nutrition, activité physique) sur lesquelles des politiques de prévention primaire ciblées peuvent avoir un fort impact. Ainsi, on sait que 39 % des adultes sans diplôme fument quotidiennement (contre 21 % des personnes ayant un diplôme supérieur au bac) et qu’un chômeur sur deux déclare fumer quotidiennement (un chiffre en hausse continue depuis 15 ans). Du côté du poids, un quart des femmes non diplômées souffrent d’obésité (1/5 pour les hommes non diplômés).  

Faire de la prévention un outil de baisse des coûts de santé

Il va de soi qu’une population en meilleure santé coûtera moins cher… à très long terme. Comment inciter des décideurs public en quête d’efficacité rapide et de baisse des coûts visibles d’une année sur l’autre à investir aujourd’hui dans la prévention pour des effets qui ne seront visibles que dans plusieurs années ?

C’est une politique de prévention à "plusieurs étages" qui doit être menée : des investissements dans une prévention primaire large pour lutter contre la consommation de tabac ou améliorer les comportements alimentaires doivent être engagés en même temps que des politiques de prévention à "retour sur investissement" rapide. Il en va ainsi de la prévention menée auprès des personnes âgées : par exemple, la fracture du col du fémur (qui génère environ 80 000 séjours hospitaliers par an chez les 55 ans et plus) peut être prévenue par des politiques de prévention simples qui ont un effet très rapide sur la baisse du nombre de consultations et d’hospitalisations chez les personnes âgées. Autre exemple, la prévention en entreprise : selon plusieurs études, un euro investi rapporterait deux à trois euros par année et par salarié (baisse du nombre d’accidents du travail, moindres troubles musculo-squelettiques etc.).

Le système de santé français doit changer de paradigme pour adopter une politique de prévention à la fois volontariste et pragmatique, cherchant la promotion des bons comportements en ciblant les populations les plus à risque. À ce titre, le développement des objets connectés peut être utile : l’engouement des français pour le quantified-self, nouvelle pratique de "mesure de soi" permise par le numérique, en donnant aux individus la possibilité de mesurer leurs actions, d’en étudier les conséquences et de constater leurs progrès au jour le jour, constitue une formidable opportunité d’améliorer les comportements.


 

Pour aller plus loin

Notre rapport Réanimer le système de santé

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