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27/01/2017

Transition énergétique : engagements tenus ?

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Transition énergétique : engagements tenus ?
 Marc-Antoine Authier
Auteur
Chargé d'études - Energie, Développement durable

 

La loi sur la transition énergétique, promulguée en août 2015, a fixé des objectifs ambitieux pour réduire la part du nucléaire dans notre mix énergétique. La fermeture de la centrale de Fessenheim, dont la première étape vient d'être franchie, doit accélérer le rythme de cette transition. Sera-t-elle suffisante pour tenir nos engagements ?

Fermeture de la centrale de Fessenheim : un accord sur le fil

Ce mercredi 24 janvier, le conseil d’administration d’EDF a donné son accord pour le protocole d’indemnisation relatif à la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim. À quelques mois de l’élection présidentielle, c’est une étape symbolique qui est franchie pour ce qui constituait l’une des mesures emblématiques du candidat François Hollande en 2012. La fermeture anticipée de la doyenne des centrales françaises était initialement prévue pour 2016.

La proposition formulée par l’État n’a pourtant pas fait l'unanimité. Si les six administrateurs indépendants l’ont approuvée, les six administrateurs représentant les salariés ont, eux, voté contre. L’indemnisation prévoit une “part fixe initiale” de 490 millions d’euros payable en deux fois - 20 % en 2019 puis 80 % en 2021 -, destinée notamment aux reconversions des quelques 850 salariés de la centrale ; à laquelle pourra s’ajouter une “part additionnelle variable”, correspondant à l’éventuel manque à gagner d’EDF jusqu’en 2041. Malgré l’absence de consensus, la décision est revenue au président-directeur général, dont la voix l’emporte en cas de dissension.

Les six administrateurs représentant l’État se sont, quant à eux, abstenus lors du vote afin d’éviter tout conflit d’intérêt avec la proposition émanant de l’exécutif. Autrement dit, l’actionnaire majoritaire de l’entreprise, qui détient 86,5 % du capital, ne s’est pas prononcé lors de la décision. Cette situation illustre bien la difficile articulation de la logique de rentabilité économique, qui doit guider la prise de décision de l’actionnaire, avec celle de la responsabilité politique, qui doit respecter les engagements programmatiques sur la base desquels le gouvernement est constitué. Dans la note de David Azéma, L’impossible État actionnaire ?, publiée en janvier 2017, nous interrogeons la pertinence de ce concept à l’aune de cette contradiction intrinsèque.

Pourquoi ce choix ?

La loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTE), promulguée en août 2015, introduit deux contraintes portant sur le parc nucléaire français :

  • la limitation de la capacité installée à son niveau actuel, soit 63,2 gigawatts, d’une part ;
  • la réduction de la part du nucléaire dans le mix électrique de 75 % à 50 % à l’horizon 2025, d’autre part.

La fermeture des deux réacteurs de Fessenheim est motivée par la première des deux contraintes et doit également permettre la mise en service de l’EPR - Réacteur Pressurisé Européen - actuellement en construction à Flamanville. Cependant, la fermeture de la centrale alsacienne ne constitue, en aucun cas, un progrès par rapport à la trajectoire de transition énergétique prévue par la loi puisqu’il s’agit de substituer de nouvelles capacités nucléaires à des anciennes.

Pour un pilotage rationnel de notre production électrique

Bien que la centrale nucléaire de Fessenheim, dont les deux réacteurs ont été construits entre 1970 et 1977, soit la plus vieille du parc nucléaire français, sa fermeture ne semble pas obéir à une démarche purement rationnelle, que ce soit sur le plan économique comme sur le plan de la sûreté d’exploitation. Ainsi, son exploitation continue d’être source de profits pour EDF ; et, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a donné son accord, lors des troisièmes visites décennales en 2009 et 2012, pour dix années d’exploitation supplémentaire. D’où les divisions au sein du conseil d’administration.

Nous proposons d’opter pour une approche plus rationnelle dans le pilotage de notre politique énergétique. Dans le rapport Nucléaire : l’heure des choix, l’Institut Montaigne recommande ainsi :

  • de réviser au plus vite l’article L100-4 alinéa 5 du Code de l’énergie, qui fixe l’objectif de réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2025,;
  • d’abroger l’article L 311-5-5 du Code de l’énergie, qui plafonne la capacité totale autorisée de production d’électricité nucléaire à 63,2 gigawatts.

La combinaison d’un plafonnement et d’une trajectoire de réduction de l’atome dans le mix électrique nous expose effectivement à des contradictions dont les seuls fondements sont politiques.

Pour aller plus loin

Sortie du nucléaire en Suisse : vite ou bien ?

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