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06/01/2017

Les primaires en Argentine : un pas en avant ?

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Les primaires en Argentine : un pas en avant ?
 Marc-Antoine Authier
Auteur
Chargé d'études - Energie, Développement durable

Pour la première fois en France, les candidats à l'élection présidentielle des deux grandes familles politiques seront issus de primaires ouvertes. D?autres pays ont déjà institutionnalisé cette innovation politique, au premier rang desquels figurent les États-Unis. En quoi ces primaires diffèrent-elles de celles que nous avons adoptées ? Un modèle français commence-t-il à se dessiner en creux ? Focus sur le modèle argentin.

PASO, un modèle unique

Les élections primaires ont été créées en 2009 en Argentine par une loi électorale. On les désigne par l’acronyme "PASO", pour Primarias Abiertas Simultáneas Obligatorias. Il en résume les principales caractéristiques : des primaires ouvertes, simultanées, obligatoires.

  • P pour Primarias :

Des élections primaires sont tenues par liste au sein des partis ou des coalitions de partis et permettent de désigner les candidats aux fonctions suivantes :

- Président et Vice-Président de la République (deux postes) ;

- Parlementaires du Mercosur (19 postes pour les districts nationaux + 24 pour les districts régionaux) ;

- Sénateurs nationaux (24 postes) ;

- Députés nationaux (130 postes).

Les primaires concernent donc toutes les élections tenues à l’échelle nationale. En France, elles ne concernent principalement que l’élection présidentielle.

  • A pour Abiertas :

Les élections sont ouvertes à tous les citoyens en âge de voter (c’est-à-dire à partir de 16 ans !). Elles sont organisées par l’État et ne sont pas payantes. Les bureaux de vote sont les mêmes que ceux utilisés pour les élections définitives.

En France, les primaires sont organisées à la seule initiative des partis, sans intervention de la puissance publique.

  • S pour Simultáneas :

Les primaires de chaque parti ou coalition de partis sont organisées en même temps. Chaque électeur ne dispose que d’un seul bulletin par poste, qu’il attribue à l’une des listes présentes. Autrement dit, un citoyen ne peut désigner que le candidat d’une seule liste.

En France, le fait de voter à une élection primaire n’empêche pas de voter à celles des autres camps.

  • O pour Obligatorias :

C’est sans doute la différence majeure avec les primaires en France : en Argentine, non seulement les partis sont obligés de recourir aux primaires, mais les citoyens sont obligés d’aller voter.

Les partis, même s’ils ne présentent qu’un seul candidat, doivent légalement présenter une liste aux primaires. Plusieurs partis peuvent se regrouper et présenter une liste commune. Ils ne pourront pas présenter, aux élections finales, d’autre candidat que le vainqueur de la liste.

Les citoyens argentins ont le droit et le devoir de voter à ces primaires. Concrètement, si une personne inscrite sur les listes électorales ne va pas voter, elle doit payer une amende d’un montant de 50 pesos argentins (environ 5 €) et ne pourra pas réaliser de démarches administratives auprès des organismes étatiques, nationaux, régionaux et municipaux pendant un an.

Choisir : droit ou devoir ?

Le modèle argentin des primaires se distingue notamment par leur caractère obligatoire, à l’instar de toutes les élections organisées par la puissance publique. Au demeurant, le taux de participation aux élections PASO du 9 août 2015, en vue des élections présidentielles, a été de 72 % seulement. Cette participation relativement faible pour une élection obligatoire peut s’expliquer par la méthode de calcul, qui ne met pas en évidence l’abstention à proprement parler : le taux est calculé sur la base du nombre de personnes habilitées à voter, ce qui inclut également les citoyens âgés de 16 à 18 ans et ceux âgés de plus de 70 ans pour lesquels la participation n’est pas obligatoire.

En France, le succès des primaires procède à la fois de l’initiative des partis qui les organisent et de l’implication des citoyens. Ainsi, lors du deuxième tour des primaires de la droite et du centre, organisé le 27 novembre 2016, plus de 4,4 millions de citoyens se sont rendus aux urnes, soit près d’un électeur français sur dix. Certes, cette participation demeure en France largement inférieure au taux de participation en Argentine ; mais, l’innovation politique réside dans la démarche volontaire des parties prenantes, sans intervention de l’État. Dans l’ouvrage Les primaires pour les Nuls, dirigé par Olivier Duhamel, l’Institut Montaigne formule dix propositions concrètes pour faire des primaires un véritable outil de redynamisation de la vie politique française. Ces propositions se fondent sur quatre principes : honnêteté, équité, pluralité, délibération.

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