Rechercher un rapport, une publication, un expert...
L'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.
02/12/2016

Sortie du nucléaire en Suisse : vite ou bien ?

Imprimer
PARTAGER
Sortie du nucléaire en Suisse : vite ou bien ?
 Marc-Antoine Authier
Auteur
Chargé d'études - Energie, Développement durable

Les Suisses ont refusé par référendum une sortie accélérée du nucléaire. Convoqués aux urnes ce dimanche 27 novembre suite à une initiative des Verts soutenue par la gauche, les citoyens ont rejeté à 54,2 % la proposition qui prévoyait de limiter à 45 ans la durée de vie des réacteurs. Concrètement, cette limitation aurait entraîné la fermeture de trois des cinq réacteurs dont le pays est actuellement équipé.

La Suisse a déjà acté une sortie progressive du nucléaire. Suite à la catastrophe de Fukushima au Japon, en 2011, le gouvernement fédéral a décidé d’inscrire cet objectif dans la loi sur la transition énergétique, l’Energiewende. À l’instar de l’Allemagne, la Suisse a donc construit sa stratégie de transition sur un abandon du nucléaire, en admettant un éventuel recours aux énergies fossiles pour compenser le cas échéant les besoins en production électrique induits par la fermeture de centrales. L’objectif est donc assumé d’abandonner à terme le nucléaire, quitte à devoir augmenter les émissions de gaz à effet de serre (GES). L’horizon fixé pour l’atteinte de cet objectif est 2050.

En Allemagne, la décision de sortie du nucléaire a été beaucoup plus précipitée. Il est d’ores et déjà possible d’en mesurer deux effets :

  • selon les données Eurostat, les émissions de GES ont augmenté de 5 % entre 2009 et 2013 malgré la dynamique de décarbonation de l’économie dans laquelle l’Allemagne s’était engagée ;
  • le prix de l’électricité a nettement augmenté, du fait notamment de l’adaptation des réseaux impliquée par le déploiement rapide de capacités renouvelables.

nucleaire-suisse-1.png

En outre, le remplacement des capacités de production par des énergies fossiles (notamment lignite et charbon) et renouvelables (éolien et solaire principalement) a provoqué de fortes déstabilisations sur les réseaux de la plaque européenne.

nucleaire-suisse-2.png

Une question de mise en œuvre

Tout porte à croire que la Suisse aura progressivement réalisé sa sortie du nucléaire bien avant l’horizon 2050. Les réacteurs sont en effet âgés de 47 ans pour la plus ancienne (Beznau I) et de 32 ans pour la plus récente (Leibstad). Or, la durée légale d’exploitation est actuellement fixée à 50 ans. En outre, la Suisse a prévu de ne pas construire de nouvelles capacités nucléaires, conformément aux objectifs de la loi de transition énergétique.

Pour autant, les citoyens ont refusé d’accélérer cette dynamique. Ce choix ne remet aucunement en cause la décision collective qui a été prise de construire un mix électrique sans nucléaire, quitte à augmenter le recours aux énergies fossiles pour pallier la demande. Il s’inscrit dans le cadre d’un projet de société porté par le gouvernement. Mais la mise en oeuvre de cette décision reste empreinte de pragmatisme et ne cède pas à la précipitation, comme l’a démontré le résultat du référendum. En effet, la fermeture anticipée de trois réacteurs aurait privé le pays de plus de 10 % de la puissance installée dès 2017.

Pour un débat pragmatique et rationnel

Quelles leçons peut-on tirer de ces décisions collectives prises en Suisse ? Si la définition d’un projet de société engage tous les citoyens, elle n’implique pas nécessairement que la précipitation prenne le pas sur la résolution. En France, la loi de transition énergétique (LTE) a prévu une réduction d’un tiers des capacités nucléaires en une décennie. Cependant, la production nucléaire y est quinze fois plus importante que la production des cinq centrales suisses. Peu ou prou, nous avons donc choisi de faire cinq fois plus en dix ans que ce que les Suisses ont choisi de faire en près de quarante ans.

nucleaire-suisse-3.png

Comme le montre le rapport de l’Institut Montaigne, Nucléaire : l’heure des choix, il est nécessaire d’acter que le rythme de transition fixé par la LTE n’est pas tenable pour notre pays. Aussi un nouveau calendrier doit-il être proposé. Ce besoin de visibilité est nécessaire à la fois pour la crédibilité des pouvoirs publics qui fixent des objectifs qu’ils ne parviennent pas à atteindre et pour l’anticipation des acteurs industriels qui piloteront cette sortie. Espérons que les débats qui se tiendront en amont des élections présidentielles de mai 2017 porteront davantage sur la visibilité de la transition que sur les sempiternelles et stériles oppositions entre pro et anti-nucléaire.

nucleaire-suisse-4.png

Recevez chaque semaine l’actualité de l’Institut Montaigne
Je m'abonne