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18/05/2016

Français de l’étranger : l’égalité sur le papier ?

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Français de l’étranger : l’égalité sur le papier ?
 Marc-Antoine Authier
Auteur
Chargé d'études - Energie, Développement durable

Pour les Français de l'étranger : vote électronique ou vote papier ? Comment les Français de l'étranger voteront-ils à la primaire de la droite et du centre qui se tiendra les 20 et 27 novembre prochains ? La question, qui a été réglée par la voie du compromis ce mardi 17 mai, avait agité les préparatifs du scrutin. Comme expliqué dans un communiqué de presse de la Haute Autorité de la primaire ? structure indépendante créée pour la seule organisation de l'élection ? le scrutin sera double, à la fois papier pour les Français expatriés dans trente grandes villes et électronique pour les autres. Retour sur ce premier débat des primaires.

Selon le guide électoral du scrutin diffusé le 22 avril, les Français de l’étranger devaient voter par voie électronique. Selon la décision du bureau politique du parti Les Républicains (LR) rendue le 3 mai, sur des bulletins en papier. Celui-là précisait que "la Haute Autorité est responsable du traitement constitué pour le vote électronique des Français établis hors de France" ; celle-ci avait rappelé que la charte de la primaire, adoptée en 2015, prévoyait "un mode de vote identique pour tous les Français quel que soit leur territoire, en métropole, en outre-mer ou à l'étranger, afin de respecter – comme pour l'élection présidentielle elle-même – le principe constitutionnel du maintien de l'égalité des citoyens devant le vote."

Dans un communiqué daté du 4 mai, la Haute Autorité de la primaire avait attiré "l’attention sur les difficultés propres à l’organisation du scrutin pour les 1,2 million de Français établis hors de France inscrits sur la liste électorale consulaire et aux conséquences qui peuvent en résulter". À l’argument théorique répondait l’argument pratique. Quel est donc le mode de vote le plus sûr pour garantir la confidentialité et la sincérité du vote ?

Cryptage et décryptage

Parfois présenté comme une des solutions pour lutter contre l’absentéisme, le vote électronique concerne déjà de nombreuses élections, même s’il n’est que peu utilisé pour des élections politiques, où il reste l’apanage des Français installés à l’étranger (élections législatives et des conseillers consulaires) pour des raisons pratiques d’accès aux bureaux de vote.

Une distinction s’impose pourtant : le vote électronique peut renvoyer à la fois au vote par internet et au vote par machine électronique au sein des bureaux de vote. Ce dernier est déjà largement répandu pour les élections professionnelles ou au sein des mutuelles ou des associations dont la gouvernance s’appuie de plus en plus sur cette solution.

Dans le cas d’un vote par internet, login et mot de passe sont envoyés aux électeurs par deux canaux différents. C’est notamment la solution choisie pour le vote des Français de l’étranger. Il leur suffit alors de se connecter à une plateforme pour s’identifier et voter pour le candidat de leur choix. Cependant, ce système présente au moins trois difficultés :

  • un contrôle doit être exercé sur l’entité récoltant les votes pour garantir que tous les suffrages ont bien été comptés et correctement comptabilisés ; 
  • il convient de s’assurer que le droit de vote est exercé par le citoyen correspondant, et non revendu sur internet à une tierce personne (l’un des spécialistes du vote électronique, Roberto di Cosmo, estime ainsi que le droit de vote peut se céder pour 50 € par bulletin) ;
  • enfin, la possibilité d’une infection par un virus qui permettrait de connaître l’expression du suffrage au moment du vote et, éventuellement, de la modifier, ne peut pas être exclue.

Le procédé pour un vote électronique confidentiel et sincère existe déjà.  Il consiste à crypter le choix fait par l’électeur selon un code qui est public mais dont la clé de décryptage n’est pas connue de tous. De plus, il faut rappeler que les cas avérés de fraude concernent aussi (et surtout !) le vote classique. Rappelons ainsi que durant les élections municipales de mars 2008, à Perpignan, le président d’un bureau de vote partisan du maire, candidat au renouvellement de son mandat, glissa dans ses chaussettes nombre de bulletins de vote en faveur du maire… Mais il se fit prendre lors du dépouillement.

Le vote électronique : une innovation politique

Le vote par correspondance peut certes permettre une plus grande participation des Français de l’étranger, mais il ne doit pas remettre en cause la bonne tenue du scrutin dans l’Hexagone. Lors de la primaire ouverte de 2011, les socialistes avaient opté pour un vote par correspondance "traditionnel", à savoir l’envoi du bulletin dans une double enveloppe pour garantir confidentialité et sincérité du vote. Quelques exemples étrangers, au reste, constituent des exemples à examiner pour améliorer la mise en œuvre du vote électronique à grande échelle : en Estonie, le recours au vote par internet est régulier depuis 2005 ; en Australie, il est réservé à certaines personnes pour qui il constitue une avancée très favorable ; en Suisse, il monte rapidement en puissance. Ainsi, il a déjà été déployé à grande échelle à titre expérimental. En revanche, la Norvège a essayé de recourir à ce mode de scrutin deux fois avant d’arrêter...

Pourtant, il serait dommage de se priver d’un mode de participation démocratique qui s’empare des nouvelles technologies et qui soit plus en phase avec nos modes de vie. Notamment, la simplicité de cette interaction pourrait séduire les jeunes générations, parmi lesquelles les taux d’abstention aux élections demeurent élevés. D’autant plus que la primaire, lieu de participation citoyenne, constitue un cadre privilégié pour l’innovation politique.

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