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04/11/2015

Réforme du code du travail - Angèle Malâtre-Lansac était sur LCI

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 Angèle Malâtre-Lansac
Auteur
Ancienne directrice déléguée à la Santé



Angèle Malâtre-Lansac, directrice adjointe de l'Institut Montaigne était l'invitée du 14-17 sur LCI pour parler de la réforme du droit du travail

Notre législation est devenue avec le temps illisible, c’est ce qu’affirmait François Hollande lors de la dernière conférence sociale, êtes-vous d’accord ?
Angèle Malâtre-Lansac : Remettons quelques éléments de contexte pour bien comprendre ce qu’il se passe, nous avons depuis plusieurs mois une sorte de consensus entre experts, différentes structures et institutions. Par exemple l’Institut Montaigne mais aussi Terra Nova, le conseiller d’Etat Jean-Denis Combrexelle, la CFDT, Robert Badinter. Plusieurs personnes se sont prononcées pour dire trois choses : le Code du Travail est devenu totalement illisible, il est trop épais et plus personne ne s’y retrouve. En France, la loi prédomine par rapport à la négociation d’entreprise, nous essayons d’appliquer quelque chose d’uniforme sur un tissu différencié, qui a des besoins différents en fonction des réalités des entreprises. Il faut redescendre au niveau de l’entreprise, de la réalité pragmatique pour avancer, et nous pouvons apprécier le fait que le gouvernement se soit emparé de cette question.


Est-il possible d’assouplir cet énorme Code du Travail en ne touchant ni à la durée légale du travail, ni au SMIC, ni même au contrat de travail ?
AM : Ce qu’il faut dire clairement c’est qu’il y a deux enjeux : un enjeu de lisibilité. Le Code du travail est devenu illisible et impraticable, notamment pour les petites entreprises et pour les salariés les plus fragiles qui n’arrivent pas à s’équiper et qui n’arrivent pas à comprendre leurs droits. L’autre enjeu très important est de ne pas déroger à l’ordre public absolu, c’est-à-dire le harcèlement, l’égalité homme-femme, la santé,  le fait de devoir motiver quand vous licenciez quelqu’un, tout cela doit être conservé. 


Cela constitue donc un socle auquel les accords d’entreprise de branche ne peuvent pas déroger ?
AM : Exactement, cela relève à la fois du droit international et de principes inaliénables qui protègent les salariés bien entendu. Ensuite, tout le reste devrait relever de l’accord d’entreprise, car c’est au sein de l’entreprise que l’on sait comment organiser son travail, que l’on connaît le temps de travail dont on a besoin, tout cela ne peut pas être appliqué de façon uniforme à toutes les entreprises.


Sauf qu’en France, c’est très compliqué, nous avons plus de 700 branches d’entreprise contre une cinquantaine seulement chez nos voisins en Allemagne, ne faudrait-il pas réduire dans un premier temps ce nombre de branches ?
AM : Exactement, nous pouvons saluer à ce propos l’initiative du gouvernement et espérer que cela se traduira assez rapidement dans les faits. Nous avons effectivement plus de 750 branches, avec une dynamique de négociation très variable, avec des branches quasiment mortes.  Ce qu’il faut c’est réduire le nombre de branches. Les accords d’entreprise sont essentiellement la priorité pour les grandes entreprises qui sont capables de mener le dialogue. Pour les TPE et les PME, il n’y que peu de représentation des salariés, d’où le besoin d’avoir des branches fortes afin de les aider à obtenir des accords et à pouvoir s’appuyer sur l’accord de branche.

Le MEDEF voudrait une réforme qui inclurait la remise en cause du CDI ou éventuellement une dérogation aux 35 heures, ce qui insurge les syndicats.
AM : Il faut réfléchir en termes de blocs, il y a un socle inaliénable en terme d’heures de travail, il y a des limitations européennes, vous ne pouvez pas dépasser un certain nombre d’heures. Cependant il est difficile de dire qu’il faut que sur toute la France, tout le monde travaille le même nombre d’heures. Il y a donc une logique à ce que les syndicats qui représentent les salariés et les chefs d’entreprises se mettent d’accord ensemble sur la nature de nos besoins et qu’ils s’interrogent sur la réalité du terrain. Il faut finalement avoir une démarche très pragmatique, aujourd’hui on a une loi qui s’applique de la même façon à tous les secteurs d’activité, sur l’ensemble du territoire, et cela ne fait plus sens.


Du côté du patronat, la CGPME et les artisans de l’UPA estiment ce que l’on appelle le « tout entreprise » n’est pas adapté aux petites sociétés, qui ne sont pas en mesure de négocier des accords.
AM : Tout à fait, c’est pour cela que la branche est extrêmement importante, et pour cela qu’il faut essayer, comme en Allemagne, d’avoir plutôt entre 50 et 150 branches très fortes, qui aient une dynamique de négociation régulière. Nous avons proposé dans notre rapport Sauver le dialogue social, que les accords de branches soient à durée limitée (3 à 4 années). Ainsi, vous forcez les branches à négocier régulièrement et à s’adapter aux réalités et aux évolutions du monde du travail et des technologies. 


Ces accords d’entreprises devraient être signés par des organisations qui représentent au moins 50% des salariés contre seulement 30% aujourd’hui ?
AM : C’est ce que l’on appelle l’accord majoritaire. Le paradoxe est que nous sommes un pays développé ayant l’un des taux de syndicalisation le plus bas. Quand on dit, il faut plus de de responsabilité et plus d’accords d’entreprise, il faut que les partenaires sociaux prennent leurs responsabilités, mieux former les représentants des salariés, également que les chefs d’entreprises prennent leurs responsabilités, s’engagent à permettre des déroulés de carrière satisfaisants. Cela veut dire aussi limiter les mandats dans le temps : on ne peut pas passer plus de 50% de son temps à avoir des fonctions syndicales puisqu’il faut avoir un pied dans l’entreprise afin de connaître au mieux sa réalité. Il faut donc une légitimité plus forte des différents interlocuteurs pour que la négociation se fasse. Mais si vous donnez des vrais sujets à négocier, l’on peut se dire qu’ils vont prendre leurs responsabilités et de ce fait être plus légitimes et plus forts, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.


Le syndicat réformiste tel que la CFDT est d’accord pour plus de souplesse, mais se dit opposé à ces référendums d’entreprise car cela contournerait les représentants du personnel. Nous en avons eu un exemple ces derniers temps chez Smart, à propos du temps de travail.
AM : Tout à fait, les syndicats sont extrêmement importants, la dimension consultative du référendum d’entreprise est intéressante mais le vrai enjeu est d’avoir des partenaires avec lesquels vous pouvez négocier et d’avoir des accords d’entreprise solides et majoritaires qui permettent à la fois d’être à l’appui des besoins des salariés mais aussi du besoin des entreprises.

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