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22/10/2015

Conférence sociale, et si on parlait des vrais sujets ?

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Conférence sociale, et si on parlait des vrais sujets ?
 Laurent Bigorgne
Auteur
Ancien directeur


Tribune de Laurent Bigorgne, directeur de l'Institut Montaigne, parue sur Le Huffington Post, le 18 octobre 2015

Le débat autour de la réforme de la négociation sociale et des adaptations nécessaires de notre droit du travail a été très riche depuis l'été. L'ouvrage important de Robert Badinter et d'Antoine Lyon-Caen, les rapports Terra Nova, Institut Montaigne et Combrexelle ont tracé un chemin possible de réforme, dessinant une base assez large de consensus et de soutien à un tel effort. Chacun reconnaît l'urgence dans laquelle nous nous trouvons, rappelée chaque mois par la dégradation du marché du travail. Dans ce contexte, la décision de ne pas inscrire ce sujet au menu de la conférence sociale du 19 octobre est à la fois surprenante et décevante.

Création du compte personnel d'activité, enjeux pour l'emploi de la transition énergétique et nouvelle industrie à l'ère numérique : voici les trois thèmes retenus pour cette quatrième édition d'une formule qui semble s'essouffler. Dans le meilleur des cas, on peut formuler l'hypothèse que l'exécutif veut attendre les élections régionales avant d'avancer sur ce sujet... Pourquoi pas' Mais cette prudence serait contradictoire avec tous les sondages qui montrent que les Français interrogés ressentent le besoin d'un tel mouvement.

Certes, ces sujets sont importants pour comprendre les grandes évolutions de notre marché de l'emploi. Certes, le compte personnel d'activité soulève des inquiétudes opérationnelles qu'il faut lever et les questions liées à la transition énergétiques sont à l'honneur grâce à la COP21. Mais quand on sait que le nombre de demandeurs d'emploi de catégorie A a atteint fin août un nouveau record avec 3.571.600 personnes sans emploi (catégorie A) soit une hausse de 4,6% sur un an, les sujets choisis pour les débats de lundi peuvent sembler moins directement préoccupants. La question de la lutte contre le chômage, si prioritaire dans les discours, sera ainsi la grande absente des discussions qui devraient pourtant porter avant tout sur la formation des demandeurs d'emploi et des moins qualifiés, l'apprentissage, l'assurance chômage...

Derrière ces questions, c'est celle de la réforme du dialogue social et de la négociation collective, tant débattue depuis la rentrée, qui semble ainsi contournée. Si la complexité du droit du travail est loin d'être seule responsable du chômage, elle reste un verrou à toute réforme du cadre, ou même du cadenas, normatif qui régit les relations du travail. C'est pour cela que le front largement ouvert par ceux qui proposent de rapprocher ces enjeux au plus près des entreprises, des entrepreneurs et de leurs salariés, constitue une opportunité à saisir. En effet, malgré quelques divergences, toutes les propositions formulées ont souligné la complexité de notre droit social et la nécessité de permettre de faire de l'entreprise, et dans une moindre mesure de la branche, le lieu de régulation des relations sociales. Ces idées ont été relayées largement, tant au sein des organisations syndicales que du pouvoir exécutif qui a annoncé un projet de loi dans les prochains mois.

Comment comprendre dès lors que la rencontre de lundi, qui réunira autour de la table les partenaires sociaux ainsi que des représentants de l'Etat, fasse l'impasse sur un tel sujet? Ainsi vidée de sa substance la plus directement utile pour nos citoyens, la conférence va achever de délégitimer une certaine conception des négociations interprofessionnelles. Les promoteurs du dialogue social au niveau de l'entreprise pourraient s'en réjouir pour le moyen et long terme. Mais c'est ici et maintenant qu'ils plaident pour qu'évolue un système normatif qui bride l'emploi, l'investissement et donc la croissance dans notre pays.

Consulter le rapport ''Sauver le dialogue social'', septembre 2015

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