L’enjeu peut être compris comme étant géostratégique, et les conditions d’adoption du Cloud Act confortent cette analyse, au sens où celui-ci manifeste une volonté de développer une emprise sur les données, fussent-elles localisées hors des Etats-Unis. Mais c’est sans compter aussi sur le fait que les données personnelles sont au cœur d’enjeux commerciaux, et qu’elles ont vocation à circuler de manière globale.
Le RGPD est souvent critiqué comme étant un frein au développement technologique. Quels motifs poussent des géants numériques à aller dans le sens d'une plus haute protection des données ?
Annie Blandin
C’est justement ce qui motive certaines entreprises à s’investir dans ce sujet de la protection des données personnelles, laissant de côté le débat sur la difficulté de concilier protection des données et innovation pour s’intéresser à celui de l’innovation responsable.
Historiquement, il y a des éléments de convergence entre les régimes européen et américain, notamment en matière de co-régulation sur ces sujets, ce qui a bien évidemment facilité la mise en œuvre successive du Safe Harbor, puis du Privacy Shield. On sait combien ces dispositifs sont insuffisamment protecteurs. C’est une évidence, s’agissant du Safe Harbor, qui a été invalidé par la Cour de justice de l'Union européenne en raison de la perméabilité entre le traitement des données à des fins commerciales et à des fins sécuritaires. Concernant le Privacy Shield, examiner les engagements volontaires des entreprises pro-RGPD dans le cadre qu’il propose reste éclairant pour tester leur sincérité. Un second élément de convergence vient aussi du fait que certains Etats américains se sont dotés de lois ad hoc, comme c’est le cas en Californie.
Dans le contexte de la révélation de failles de sécurité récurrentes, certaines entreprises veulent créer plus de confiance auprès des clients et utilisateurs. Elles se placent dans une perspective de long terme, préférant construire la confiance plutôt que de surexploiter les données. La sécurité des données devient à ce titre une priorité, alors qu’elle ne l’est pas dans les cadres juridiques initiaux. Toutefois, une lecture plus critique amène à penser que le fait de souhaiter une loi n’est pas sans arrière-pensées. A cet égard, le consentement au traitement des données ne valide-t-il pas les modèles des grandes plateformes, en particulier les réseaux sociaux qui incitent à la surexposition de soi, moyennant un consentement sans substance ?
Benoit Tabaka
De plus en plus, l’utilisateur est au centre de toutes les réflexions et décisions prises par les grandes plateformes numériques pour développer des services innovants (une approche “user-centric” en bon français). De ce point de vue, la protection des données est un enjeu clé pour les utilisateurs et pour ces entreprises, car un traitement des données responsable et en toute sécurité est le fondement d’une relation de confiance et donc d’une innovation durable et bénéfique pour tous.
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