En 2006, les actions initialement menées par des villes sont formalisées par l’adoption, au niveau fédéral, de la politique dite des 4 piliers.
En ce qui concerne les salles de consommation supervisée à moindre risque, elles ont été placées dans des endroits "stratégiques", à proximité des lieux de consommation ou proche d'institutions médicales. Les retours d’expérience ont été positifs (recul des overdoses et des infections par le VIH ou l’hépatite), et les riverains ont été soulagés de certaines nuisances.
Au niveau du volet répressif, le Tribunal fédéral a fixé des seuils tolérés de consommation et de possession de drogues, ce qui a permis une forte réduction du nombre de personnes pénalisées. La consommation et ses actes préparatoires ne donnent désormais lieu qu’à des amendes, ou à l’imposition de mesures médicales pour des personnes dépendantes. Par ailleurs, l’autorité compétente peut, dans les cas bénins (définis par le Tribunal fédéral pour la plupart des drogues) renoncer à infliger une peine.
Enfin, plus récemment, le parlement suisse a adopté une modification de la loi sur les stupéfiants permettant la réalisation d’essais pilotes de régulation du marché du cannabis consommé de façon récréative, dûment évalués par des équipes scientifiques multidisciplinaires. Ces travaux ont pour ambition d’éclairer la décision publique future concernant une possible généralisation.
Suite au débat actuel en France sur le crack ou les salles de shoot, quelles sont vos recommandations ?
La problématique du crack est assez spécifique, car il n’existe pas de produit de substitution à ce jour. Néanmoins, des expérimentations prometteuses ont été conduites en France autour de lieux de consommation supervisée (c’est le cas notamment de l’espace Gaïa, à proximité de la gare du Nord à Paris). Il est regrettable qu’elles peinent à se déployer. Les résistances émanent tant des décideurs que des riverains.
En ce qui concerne les riverains, il est important qu’ils soient étroitement impliqués dans les projets d’installation de salles de consommation à moindre risque et ce tout au long du processus : informations préalables, réunions régulières avec les habitants, mobilisation de l’ensemble des acteurs concernés, écoute attentive des craintes exprimées et mise en place de lignes d’appel pour que la population puisse signaler troubles et désagréments sont des prérequis.
Par ailleurs, il est important de comprendre que ces lieux de consommation doivent faire partie d’une réponse plus large et plus complète à l’égard de ces populations consommatrices. Le développement d’une offre sociale et d’un accompagnement des usagers sont indispensables pour assurer l’efficacité de ces lieux. Le Portugal a créé un modèle intéressant avec la mise en place de commissions de dissuasion qui pourrait servir d’inspiration à la France. Celles-ci se composent de conseillers juridiques, de psychiatres et de travailleurs sociaux. Elles peuvent imposer des amendes (environ 10 % des cas) ou des services communautaires, ainsi qu'une aide à trouver un emploi et un logement. Néanmoins, leur rôle est aussi d'orienter des personnes dépendantes vers des traitements qu'elles sont désireuses et capables de suivre.
L'État a un rôle central à jouer pour convaincre les acteurs concernés et impulser une politique qui aborde les dépendances comme une maladie chronique nécessitant prévention, soins et accompagnement. Une maladie chronique implique que des rechutes sont toujours possibles, mais des rémissions également. L'État se doit d’adopter une attitude transparente sur les conséquences positives comme négatives de ces mesures, en s’appuyant sur les données d’efficacité parmi lesquelles on compte la limitation des risques sanitaires (réduction des contaminations des usagers de drogue, des overdoses, des risques de décompensation psychiatrique), l’amélioration des conditions d’hygiène, l’instauration de parcours de soins et de sevrage, la réintégration sociale ou encore la réduction des nuisances pour les riverains.
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