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02/04/2015

Université : pour une nouvelle ambition - Nouvelle publication

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Université : pour une nouvelle ambition - Nouvelle publication
 Institut Montaigne
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A quelques jours de la présentation de la "Stratégie nationale de l'enseignement supérieur" (StraNES) au gouvernement, l'Institut Montaigne dessine une feuille de route pour faire rayonner l'enseignement supérieur français.

Douze propositions pour mettre l’excellence et la réussite au cœur de notre université, faire des enseignants les moteurs du changement, insuffler davantage d’autonomie dans la gouvernance et renforcer le rôle des universités dans le rayonnement des territoires.

L'enseignement supérieur et la recherche sont des enjeux majeurs pour le développement de notre pays.
À la croisée des politiques publiques, ils favorisent la croissance, l’insertion professionnelle des jeunes Français et la formation continue des salariés de nos entreprises. L’économie de l'innovation requiert une élévation massive du niveau de formation mais aussi une plus grande capacité d'initiative, une curiosité intellectuelle et une ouverture culturelle accrues. Si des progrès ont pu être réalisés ces dernières années, les universités souffrent encore d’un déficit de pluridisciplinarité, d’internationalisation et de professionnalisation.

L’instauration en France de ce modèle universitaire est un enjeu essentiel pour le développement économique, social et intellectuel de notre pays.
L’enseignement supérieur est le troisième poste de dépenses de l’État. En 2011, la France consacrait 1,3 % de son PIB à l’enseignement supérieur mais seuls trois établissements français apparaissaient dans le top 100 du classement de Shanghai, et seulement deux dans le top 100 du classement QS. Dans un contexte français marqué par de multiples fractures et segmentations, des gains d'efficacité importants sont possibles, à moyens budgétaires constants.

La loi LRU de 2007 a permis des avancées et a montré une prise de conscience forte du caractère stratégique de l’université. Cependant quinze années de réformes continues depuis le début des années 2000 laissent un paysage qui n’est pas conforme au rang de la France dans la compétition internationale. Les universités françaises reconnues mondialement sont trop peu nombreuses et notre système reste l’un des plus inégalitaires.

Les facteurs de succès sont pourtant connus : émergence de puissantes universités de recherche, universités technologiques, formations pluridisciplinaires, système incitatif de financement de la recherche publique, gouvernance agile mêlant orientations stratégiques externes et contrepoids académique interne… À bien des égards, la France semble en marge de certaines de ces innovations majeures, alors que d’autres systèmes d’enseignement supérieur publics – californien et suisse notamment – parviennent à de bien meilleurs résultats en termes d’insertion des étudiants et de développement des territoires.

À chaque réforme, chacun craint de perdre ce qui marche : il faudrait rénover le système sans toucher aux filières qui tiennent éloignées les élites de l’université, quitte à continuer de se plaindre de leur caractère endogamique. Depuis des décennies, la France a confié ses meilleurs étudiants et une grande partie de sa recherche publique à des écoles et des organismes séparés des universités, tout en cantonnant ces dernières à un rôle souvent plus social qu'économique.

Aujourd’hui, la sélection à l’université se fait par l’échec. Les taux de réussite en licence sont extrêmement faibles, notamment pour les bacheliers non généraux : seuls 2,2% des bacheliers professionnels et 7,1 % des bacheliers technologiques obtiennent leur licence en trois ans. Il faut adopter une vue globale : mettre des universités rénovées au cœur du système et s'interroger sur les conditions auxquelles il deviendrait, comme dans les autres pays du monde et comme nous le faisons en droit et en médecine, non seulement acceptable, mais aussi enviable de confier nos meilleurs élèves aux universités.

La France peut compter, tout particulièrement dans le domaine de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur des ressources exceptionnelles, à commencer par le talent de ses chercheurs ; elle ne peut plus se permettre de les négliger. Ce n’est qu’en s'appuyant sur leurs chercheurs, sur leurs territoires, sur une gouvernance renouvelée et une autonomie accrue que les universités françaises pourront proposer des parcours qui répondront aux besoins de qualification de notre population et permettront le développement et le rayonnement de nos territoires.

LES PROPOSITIONS
Mettre l’excellence et la réussite au cœur de l’université

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Source : Université : pour une nouvelle ambition - www.institutmontaigne.org

Proposition 1 : Encourager les établissements à développer des formations pluridisciplinaires, qui leur permettront d'attirer des étudiants plus motivés tout en leur laissant l’initiative de cursus plus variés. Ces formations pluridisciplinaires devraient pouvoir naître des rapprochements initiés avec la naissance des COMUE et seraient accréditées, dans le cadre des contrats d'établissement, par une évaluation ex post – conduite entre trois et quatre ans après leur mise en œuvre.

Proposition 2 : Pour lutter contre les taux d’échecs massifs à l’université, permettre la mise en place de filières sélectives comportant des exigences plus fortes, et pour lesquelles la validation de prérequis sera une condition nécessaire à l’inscription. Cette sélection s’accompagnera de dispositifs permettant des remises à niveau et de processus d’orientation alternatifs destinés aux étudiants pour lesquels ces dispositifs ne suffiraient pas à remplir les prérequis attendus.

Proposition 3 : Augmenter les droits d'inscription en licence, de façon à ce qu’ils atteignent environ 500 € par an, et donner la liberté aux universités de les déterminer en master, tout en continuant à en dispenser les étudiants boursiers.

Proposition 4 : Inciter les universités à utiliser les possibilités dont elles disposent pour fixer des droits d’inscription plus élevés pour les étudiants non communautaires. Les nouvelles ressources ainsi dégagées seront prioritairement destinées à un accompagnement et à suivi renforcés auprès des étudiants, ainsi qu’à l’attribution des bourses au mérite attribuées aux étudiants non communautaires.

Proposition 5 : Encourager l’emploi étudiant dans les universités par une exonération de charges sociales.

Faire des enseignants les moteurs du changement

Proposition 6 : Faire converger les statuts des enseignants et des chercheurs à l’université sur la base d’une annualisation de leur temps de travail. Cette disposition permettra de revaloriser et de mieux partager les activités d’enseignement en rapprochant les corps d'enseignants, d'enseignants-chercheurs et de chercheurs.

Proposition 7 : Mettre en place des procédures d’évaluation régulières et transparentes des enseignants-chercheurs, qui incitent à l’adoption de bonnes pratiques, dans le respect de règles déontologiques claires, comme cela se fait couramment dans certains pays étrangers.

Insuffler davantage d’autonomie dans la gouvernance

Proposition 8 :
Encourager les expérimentations concernant les modes de gouvernance dans le sens d’une plus grande autonomie afin que les établissements puissent se doter d’une gouvernance en adéquation avec leurs ambitions.

Proposition 9 : Créer une agence indépendante – remplaçant à terme le secrétariat d’État chargé de l’Enseignement et de la Recherche – ayant pour mission la répartition, le suivi des moyens, la définition et la mise en œuvre d’un système véritablement incitatif d’allocation des moyens – la part allouée selon les indicateurs de performance mériterait à ce titre d’être revalorisée ; à l’inverse alléger l’emprise de l’administration centrale sur l’organisation et le fonctionnement des établissements évalués positivement.

Renforcer le rôle des universités dans le rayonnement des territoires


Proposition 10 : Renforcer, dans les contrats d'établissement passés avec l’État, la définition des missions confiées aux universités et la clarification d'indicateurs, qui permettront d'en évaluer la réalisation. Les établissements d’enseignement supérieur doivent endosser un rôle de développement de leur territoire et de qualification des populations en formation initiale et continue.

Proposition 11 :
Proposer une offre de formation cohérente sur un même territoire en incitant, dans le cadre des contrats de site, les établissements d’enseignement supérieur à se différencier.

Proposition 12 :
Favoriser et encourager des partenariats durables entre les universités et les entreprises – et leurs représentants –, amenant une modification des comportements tant dans le fonctionnement des universités que dans les formes de management des entreprises. Multiplier les occasions de rapprochement, de réflexions et d'activités partagées, favorisera la qualité et la pertinence des formations universitaires, initiales et continues et permettra une meilleure lisibilité des compétences des étudiants – et une meilleure insertion professionnelle.

L’auteur :
Jean-Marc Schlenker est universitaire et mathématicien.
Il a été Maître de conférences à l'Université Paris-Sud puis Professeur à l'Université Toulouse III, et est aujourd’hui Professeur à l'Université du Luxembourg.
Observateur attentif du système universitaire en France et à l'étranger, il a présidé en 2011 et 2012 le Comité de Suivi de la loi LRU (Liberté et Responsabilités des Universités).

Consulter le rapport et son résumé

Aller plus loin :
Business schools : rester des champions dans la compétition internationale, rapport, novembre 2014.
Adapter la formation de nos ingénieurs à la mondialisation, étude, février 2011.
Gone for Good' Partis pour de bon ? Les expatriés de l’enseignement supérieur français aux États-Unis, étude, octobre 2010.
Pour une contribution plus juste au financement de l’enseignement supérieur, note, octobre 2008.
Avoir des leaders dans la compétition universitaire mondiale, rapport, octobre 2006.
Enseignement supérieur : aborder la compétition mondiale à armes égales ?, rapport, novembre 2001.

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