Rechercher un rapport, une publication, un expert...
L'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.
08/10/2014

Temps de travail : mettre fin aux blocages - Nouveau rapport

Temps de travail : mettre fin aux blocages - Nouveau rapport
 Institut Montaigne
Auteur
Institut Montaigne



Ce nouveau rapport de l'Institut Montaigne veut remettre le temps de travail au c'ur des politiques engagées pour le retour de la croissance. Ce document présente un bilan complet et inédit sur le temps de travail dans les secteurs public et privé. Il s'appuie sur de nombreuses comparaisons internationales. Le constat est sans appel : les salariés français à temps plein, qui représentent plus de 80 % du salariat français, travaillent moins que tous leurs voisins européens, dans des proportions inquiétantes, quelle que soit l'échelle de temps considérée (hebdomadaire, annuelle ou sur la durée totale d'une carrière).

Ce rapport, fruit des réflexions d’un groupe de travail composé de personnalités issues des secteurs public et privé, dresse dans une première partie un état des lieux exhaustif et inédit sur la question du temps de travail en France autour de plusieurs thématiques : la mise en place de la réduction du temps de travail et ses conséquences, l’effectivité du temps de travail, l’absentéisme, les comptes épargne-temps, les congés et ARTT, l’âge de départ à la retraite... Il formule des propositions concrètes pour augmenter le temps de travail en France dans les secteurs privé comme public afin de créer enfin un véritable choc de compétitivité.

1. Le temps de travail représente un enjeu majeur de compétitivité

Si la dégradation de la compétitivité française résulte évidemment d’une conjugaison de plusieurs facteurs, le faible nombre d’heures travaillées ainsi que la dérive du coût salarial horaire, auxquels s’ajoute une productivité en berne, figurent parmi les facteurs ayant le plus handicapé l’économie française au cours des dix dernières années.

À l’heure où la France traverse une crise économique majeure et connaît une croissance particulièrement atone, l’impact macroéconomique d’une réforme du temps de travail doit motiver un changement. Alors que près de deux Français sur trois se déclarent aujourd’hui favorables à l’idée d’autoriser les entreprises et les branches à déroger à la législation sur les 35 heures en cas d’accord avec les organisations syndicales, s’engager dans une réforme du temps de travail est devenu un enjeu majeur pour la santé économique de la France et le maintien de son système social. Cette réforme, pour réussir, devra s’appuyer sur la négociation dans les entreprises (ou au niveau des branches pour les TPE) et s’accompagner d’une réflexion quant à l’organisation du travail et le management intermédiaire.

2. Tous secteurs confondus, les salariés à plein temps travaillent en France moins que dans les pays européens et les économies comparables de l’OCDE

Selon Coe-Rexecode, la durée effective annuelle de travail des salariés à temps plein est en France la plus faible de tous les pays européens (avec la Finlande) : 1 661 heures en 2013, soit 186 heures de moins que l’Allemagne, 120 heures de moins que l’Italie et 239 heures de moins que le Royaume-Uni.

Enfin, la France fait partie des pays où l’âge effectif de départ à la retraite est le plus bas, les Français achevant leur vie professionnelle entre trois et quatre ans plus tôt que dans la moyenne des pays de l’OCDE.

3. Le temps de travail est très inégalitaire en fonction des secteurs d’activité et des métiers

Deux enseignements forts selon les statistiques :
la durée effective annuelle du travail est plus faible dans le secteur public que dans le secteur privé : 1 580 heures pour les salariés à temps plein dans le secteur public versus 1 670 heures dans le secteur privé ;
- au sein du secteur privé, les salariés des grandes entreprises travaillent moins que ceux des petites entreprises qui connaissent des durées de travail parmi les plus élevées d’Europe. En 2013, près de 30 % des salariés à temps plein des entreprises de moins de 20 salariés travaillaient plus de 39 heures par semaine contre moins de 2 % dans les entreprises de plus de 500 salariés.

De fortes inégalités sont également constatées entre salariés en matière de jours de congés. Ainsi, le nombre moyen de jours de congés s’élève à 45 jours ouvrables soit 7,6 semaines pour les trois versants de la fonction publique (hors enseignants et personnel militaire) alors qu’il n’est en moyenne que de 36 jours ouvrables, soit 5,9 semaines, dans les entreprises privées et les associations.

4. Le secteur public est marqué par une inquiétante absence de données et de fortes disparités entre fonctions publiques

Les trois fonctions publiques (État, collectivités territoriales et hôpitaux) se caractérisent par un manque préoccupant de données sur la durée effective de travail des 5,5 millions d’agents publics. Il n’existe à ce jour aucune obligation pour l’employeur public de rendre disponibles les données agrégées concernant ses agents sur ces questions, à la différence des bilans sociaux qui existent pour le secteur privé.

Au-delà de ce constat, la faible durée du travail constatée au sein du secteur public en France par rapport aux autres pays européens résulte de plusieurs facteurs :
-  de nombreux dispositifs dérogatoires permettent de diminuer légalement la durée du travail demandée ;
-  les agents travaillant à 80 % ou 90 % bénéficient d’un surplus de rémunération ;
-  très peu de cadres de la fonction publique sont soumis au régime du forfait, entraînant une multiplication des congés ;
-  enfin, l’absentéisme est particulièrement marqué, notamment dans les collectivités locales.

5. La faible durée du travail en France représente des coûts importants pour les finances publiques

Au-delà des fortes disparités entre les secteurs d’activités, la réduction du temps de travail mise en place depuis les « lois Aubry » a généré des coûts très importants pour les finances publiques. Le coût total de l’application des 35 heures dans le secteur privé résulte essentiellement des allègements de cotisations sociales mis en place.

Dans les trois fonctions publiques, ce coût est essentiellement lié à l’impact budgétaire des créations d’emplois (53 000 emplois créés dans la fonction publique entre 2002 et 2005) auquel il faut ajouter le coût des jours stockés sur les comptes épargne-temps ainsi que celui des heures supplémentaires.


PROPOSITIONS

1. Augmenter le temps de travail dans les secteurs public et privé

> Pour le secteur privé, deux scénarios sont possibles :

Un scénario progressif : augmenter la durée légale annuelle à une durée comprise entre 1 740 et 1 830 heures (équivalent annuel de 38 à 40h hebdomadaires) sans remise en cause des accords existants. Pour les entreprises s’engageant dans cette voie, la loi pourrait prévoir l’absence de compensation salariale et l’accord collectif négocié s’imposerait au contrat de travail des salariés. Les nouvelles entreprises seraient directement régies par la nouvelle durée légale.

Un scénario plus volontariste : supprimer la durée légale du travail (seuls seraient conservés les seuils plafonds déterminés par les textes européens). La durée du travail serait ainsi fixée par accords collectifs de branche ou d’entreprise. En cas d’absence d’accord, la décision unilatérale du chef d’entreprise serait autorisée.

> Pour le secteur public : augmenter la durée légale de travail dans la fonction publique

- déplacer le seuil de déclenchement des heures supplémentaires à une durée comprise entre 1 740 et 1 830 heures sans compensation salariale. Cette absence de compensation salariale pourrait être limitée à trois ans ;
- s’appuyer sur le dialogue social et octroyer un délai de deux ou trois ans pour renégocier les modalités d’organisation du travail.

2. Lutter contre l’absentéisme

- instaurer au moins un jour de carence dans la fonction publique comme dans le secteur privé, où il serait rendu obligatoire ;
- donner au management intermédiaire de la fonction publique les moyens de mener une véritable GRH de proximité : formation des managers aux enjeux liés au temps de travail, indexation des primes d’objectifs à l’effectivité du temps de travail des agents, généralisation des badgeuses, renforcement des contrôles.

3. Augmenter la durée de travail effective des agents publics

- mettre en place des outils de suivi du temps de travail dans la fonction publique en élaborant des statistiques détaillées (absentéisme, congés, etc.) de manière harmonisée dans les trois fonctions publiques ;
- rendre obligatoire la publication annuelle de ces données ainsi qu’une discussion au Parlement sur les heures effectives de travail réalisées dans les trois versants de la fonction publique dans le cadre du Projet de loi de finances ;
- supprimer l’incitation financière pour les agents à 80 % et 90 % ;
- augmenter fortement l’application du régime du forfait aux cadres A.

4. Agir en fonction des spécificités de chaque fonction publique

- Pour la fonction publique territoriale : indexer la dotation de l’État aux collectivités locales sur la durée effective de travail des agents ; 
- Pour les enseignants : annualiser le temps de travail des enseignants du secondaire, limiter les décharges de service obsolètes et favoriser la polyvalence des enseignants ;
- Pour la fonction publique hospitalière : agir sur la connaissance et le management du temps de travail des médecins à travers la mise en place d’outils de suivi et le renforcement du binôme chef de service / cadre de santé.

5. Donner plus de souplesse aux entreprises pour organiser le travail

Afin de simplifier la mise en place d’organisations du travail correspondant aux besoins de l’entreprise et leur permettre une plus grande souplesse d’action, il serait pertinent qu’une partie des sujets concernant l’organisation du travail puisse être décidés de façon unilatérale par le chef d’entreprise qui en informerait les partenaires sociaux via la procédure d’information-consultation (par exemple pour la mise en place d’astreintes, les équipes alternantes hors horaires de nuit ou encore la création de CET).

>> Consulter le rapport Temps de travail : mettre fin aux blocages

Recevez chaque semaine l’actualité de l’Institut Montaigne
Je m'abonne