Rechercher un rapport, une publication, un expert...
L'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.
30/10/2012

Taxe professionnelle et finances locales : vers une réforme globale ?

Imprimer
PARTAGER
Taxe professionnelle et finances locales : vers une réforme globale ?
 Institut Montaigne
Auteur
Institut Montaigne



Tribune de Jean-Luc Bœuf et Paul Teboul, parue dans la rubrique Idées du Monde.fr le 29 octobre 2012.

La fiscalité locale est par essence sujette à polémiques par sa complexité et son manque de lisibilité. L'enchevêtrement des impôts et des niveaux de perception rend toute réforme difficile à mener. Pendant longtemps, la taxe professionnelle a constitué un véritable point de fixation. Le remplacement de cette taxe par la contribution économique territoriale (CET) a été considéré comme un soulagement par les entreprises mais comme un risque pour les collectivités.

La taxe professionnelle était une taxe essentielle aux collectivités mais jugée pénalisante par les entreprises. Tout son paradoxe tenait dans cette assertion. Elle reposait principalement sur les entreprises du secteur industriel et les modalités de calcul de l'assiette pénalisaient les investissements. Elle était considérée comme un impôt particulièrement illisible et complexe puisque coexistaient plusieurs assiettes. Les taux locaux étaient votés par chaque niveau de collectivité. La dernière réforme de la taxe professionnelle a représenté un coût important pour l'Etat, de plus de 4,5 milliards d'euros. Elle se traduit par une perte d'autonomie financière et surtout fiscale pour les collectivités et une spécialisation accrue de leur fiscalité, en particulier pour les régions.

La réforme a conduit à une augmentation des impôts sur les ménages dans les ressources fiscales du bloc communal. Dans les départements, le niveau de la fiscalité pesant sur les ménages et sur les entreprises est resté stable. Dans les régions enfin, la réforme a conduit à un recentrage de la fiscalité sur les seules entreprises, mais sans que les régions n'en décident le taux. La suppression de la taxe professionnelle s'est traduite par un allègement sensible de la fiscalité des entreprises pour deux millions d'entreprises, sur un total de 3,2 millions d'entreprises assujetties à la CET, qui ont bénéficié de la réforme en 2011. Au contraire, 845 000 entreprises paient plus, notamment celles dont la valeur ajoutée dépend des ressources humaines ou des activités financières.

Cette réforme doit être replacée dans le cadre d'ensemble de la fiscalité locale. Il est en effet indispensable de concevoir une réforme d'ensemble qui assure sa neutralité pour les finances publiques, la rende acceptable pour les collectivités locales, la mette au service de la justice sociale et la rende intelligible pour le citoyen. La réforme doit permettre aux collectivités locales de continuer à exercer leurs missions, sans dégrader la compétitivité française. Pour cela, elle doit garantir un maintien des recettes des différents niveaux de collectivités locales et une stabilité de ces recettes au cours du temps. Cela implique également d'éviter les assiettes trop volatiles. Pour ce qui est des entreprises et des particuliers, elle ne doit pas se traduire par une acceptation de la charge contributive.

Une imposition locale juste appelle à réformer en priorité les taxes assises sur les valeurs locatives cadastrales, qui sont déterminées selon des règles qui ont près de 40 ans. Cette réforme peut passer par une révision progressive de ces valeurs cadastrales ou par un abandon pur et simple de cette assiette et par son remplacement par une assiette plus juste et plus pérenne.

La complexité du système fiscal actuel le rend illisible pour les citoyens. Au problème du manque de spécialisation fiscale s'ajoute une insuffisante spécialisation de l'action des collectivités locales. La pratique des financements croisés ou "pluriels" est à cet égard coûteuse en temps de montage et d'aboutissement des projets dans les territoires.

De groupes d'experts en rapports, de commissions en livres blancs, tout a été écrit sur la fiscalité locale. Pour réussir la réforme, il faut repenser la fiscalité locale dans son ensemble, en prenant en compte le contexte de resserrement de la dépense publique et les difficultés qu'ont les collectivités à accéder au marché financier pour emprunter. Car l'élément le plus nouveau pour les collectivités – et sans doute le plus anxiogène – est de devoir désormais construire leurs budgets à partir de leurs recettes et non à partir de leurs dépenses comme cela s'est passé des années 1980 à la fin des années 2000.

Et si l'on s'orientait résolument vers un scenario de rupture ? Celui-ci pourrait s'appuyer sur la suppression de la fiscalité locale pour le contribuable afin de la remplacer par des recettes de fiscalité nationale. L'autonomie financière des collectivités locales serait assurée mais les collectivités renonceraient à leur autonomie fiscale. Ce changement de paradigme pourrait permettre une réforme ambitieuse et sans perdants.


Jean-Luc Bœuf et Paul Teboul, auteurs du document de travail Taxe professionnelle et finances locales : premier pas vers une réforme globale ?, Institut Montaigne, septembre 2012

Jean-Luc Bœuf est directeur des collectivités territoriales du groupe Bull.

Recevez chaque semaine l’actualité de l’Institut Montaigne
Je m'abonne