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08/12/2016

Singapour, Corée du Sud : que nous apprend le modèle éducatif des premiers de la classe ?

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Singapour, Corée du Sud : que nous apprend le modèle éducatif des premiers de la classe ?
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Singapour et la Corée du Sud caracolent en tête des classements PISA depuis 2000 et ces deux États apparaissent à bien des égards comme des élèves modèles. Néanmoins, leurs systèmes éducatifs respectifs restent confrontés à des défis majeurs : transition économique et adéquation des programmes scolaires avec les nouveaux besoins que cette évolution entraîne, bien-être des élèves, quels enseignements en tirer pour la France ? 

Des élèves modèles ?

Dès la parution de la première enquête PISA en 2000, Singapour et la Corée du Sud ont occupé les premières places du classement. En 2012, les deux pays occupaient respectivement la seconde et la cinquième place en mathématiques, la troisième et cinquième place en lecture, et enfin la troisième et septième place en sciences. En 2015, alors que l’enquête s’articule principalement autour des compétences en sciences, Singapour occupe première place, la Corée du Sud se classe onzième sur soixante-douze territoires. La performance remarquable de Singapour et de la Corée du Sud ne se limite pas aux seuls résultats des élèves, mais également au fait que ces deux pays soient parvenus à maintenir un niveau de performance si élevé depuis 2000. En 2015, Singapour occupe également la première place en matière d’équité de son système éducatif.


Un système d’enseignement ambitieux et innovant

Trois facteurs majeurs expliquent la réussite des systèmes éducatifs coréen et singapourien : une éthique propre à l’éducation, la formation et la gestion des professeurs, et l’utilisation des nouvelles technologies.

Singapour et la Corée du Sud sont deux États qui ont fait de l’éducation la priorité de leurs politiques publiques, considérant qu’elle représente la clé de tout développement économique. À cela s’ajoute l’éthique confucianiste qui valorise l’éducation, et plus généralement le travail. Le budget conséquent consacré à l’éducation dans les deux pays reflète la prégnance de cette vision : la Corée du Sud consacre ainsi 5,9 % de son PIB  aux dépenses d’éducation.

La Corée et Singapour mettent également l’accent sur le recrutement, l’accompagnement et la formation des enseignants. L’attractivité du métier d’enseignant et l’image très positive dont il jouit dans ces sociétés nourrissent les dynamiques de recrutement. Cette attractivité rend possible une grande sélectivité à l’entrée dans le métier : seuls 5% et 30% des meilleurs étudiants sont admis respectivement, en Corée du Sud et à Singapour, aux examens finaux. Ces étudiants qui obtiennent le précieux sésame bénéficient alors de postes stables et d’un salaire conséquent, très largement supérieur au salaire moyen d’un enseignant de l’OCDE. Enfin, les professeurs disposent à la fois de temps pour préparer leurs cours, pour gérer les tâches administratives inhérentes à leur fonction et d’autonomie développer des projets pédagogiques et travailler en équipe.

De surcroît, Singapour et la Corée du Sud ont réussi à intégrer pleinement les outils numériques dans leur enseignement. Un plan de dotation des établissements scolaires en matériel numérique a été lancé, avec l’octroi d’un ordinateur pour chaque enseignant et d’un accès internet dans toutes les classes. Cette politique d’équipement ambitieuse a permis de nouveaux usages et de nouvelles pratiques pédagogiques, favorisant notamment une individualisation de l’enseignement. Enfin, en avril 2008, le ministère de l’Éducation singapourien a créé un  bureau  de  recherche  (OER), venant renforcer  l’Institut National de l’Éducation (NIE). L’ambition affichée de cet OER est d’améliorer  la  qualité  de  l’enseignement et de placer Singapour comme un leader mondial de la recherche en éducation.

…mais à quel prix ?

Les systèmes éducatifs sud-coréens et singapouriens sont très performants, ils n’en sont pas moins confrontés à des défis majeurs.

Le premier d’entre eux est la transition économique qui modifie fortement les compétences nécessaires sur le marché du travail. Aussi, comme l’ensemble des économies mondialisées,  les deux États vont devoir redéfinir leurs programmes scolaires dans les années à venir afin de mieux préparer les élèves à ces nouvelles attentes. Ainsi, les programmes scolaires font de plus en plus de place aux "soft skills", c’est-à-dire aux compétences comme la créativité, le raisonnement critique, la communication ou la collaboration. L’enseignement professionnel et technique est également en voie de transformation, et ce afin de favoriser l’intégration des jeunes sur le marché du travail.

Cependant, les systèmes éducatifs coréen et singapourien reposent encore largement sur la compétition entre les élèves et la dictature des résultats. Ainsi, plus d’un élève coréen sur quatre suit des cours particuliers privés après l’école. Cette pratique a de fortes incidences sur le bien-être des jeunes : la Corée du Sud était ainsi classée dernière en 2012 pour l’épanouissement des élèves en classe, seuls 60% des élèves se déclarant "heureux à l’école". En 2013, le taux de suicide y était le deuxième plus élevé au monde (28,7% pour 100 000 personnes).

Quels enseignements pour la France ?

Les expériences sud-coréenne et singapourienne démontrent qu’un système éducatif peut parfaitement s’adapter aux nouveaux enjeux de société, si les dirigeants politiques sont prêts à investir suffisamment d’énergie et de moyens pour le réformer. Comme le soulignait, dès 1996, un rapport de la Commission présidentielle (coréenne) pour la Réforme scolaire, "le système actuel ne sera plus approprié dans une ère de la technologie de l’information et de la globalisation". De surcroît, le recrutement, mais surtout la formation, des enseignants jouent un rôle clé dans la réussite des élèves.

Enfin, les exemples de Singapour et de la Corée du Sud suggèrent que les outils numériques représentent des leviers efficaces pour favoriser les apprentissages et la réussite de tous les élèves.

Ceci rejoint les conclusions du rapport Le numérique pour réussir à l’école primaire publié par l’Institut Montaigne en mars dernier. Huit propositions pour lutter contre l’échec scolaire étaient alors avancées :
1.    Encourager la production de techniques pédagogiques, ressources et dispositifs conformes aux standards de recherche internationaux, les évaluer et favoriser leur diffusion.
2.    Se fixer comme objectif de diviser le taux d’échec scolaire par deux.
3.    Augmenter le temps d’apprentissage en utilisant également le temps hors école.
4.    Repenser la formation des jeunes enseignants et la formation continue.
5.    Donner aux enseignants les moyens de mesurer les progrès et d’établir des diagnostics précoces des difficultés individuelles de leurs élèves.
6.    Inciter les enseignants à innover et à développer leur créativité en facilitant leur ouverture à la recherche et au monde de l’entreprise.
7.    Promouvoir l’apprentissage d’un nouveau savoir fondamental.
8.    Informer les maires pour investir judicieusement.

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