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17/07/2023

Scénarios pour l'avenir du régime de Vladimir Poutine 

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Scénarios pour l'avenir du régime de Vladimir Poutine 
 Michel Duclos
Auteur
Expert Résident principal et Conseiller spécial - Géopolitique et Diplomatie

L'affaire de la mutinerie de Wagner - qui ne fait peut-être que commencer - a été interprétée par beaucoup d’observateurs comme un premier signe d’une remise en cause possible du pouvoir de M. Poutine. Il est sans doute prématuré de tirer une telle conclusion, car le président russe conserve beaucoup d’atouts pour reprendre la main. C'est un fait cependant que la stabilité de son régime - contrastant heureusement dans l'esprit de l'opinion russe avec le chaos et l'humiliation de l’époque Eltsine - est mise à l’épreuve par la guerre en Ukraine.

Dans ce papier, Michel Duclos, Senior Fellow à l'Institut Montaigne, s’emploie à esquisser des éléments de réponse à deux questions : quels sont les facteurs qui pourraient affecter dans les prochaines années la stabilité du régime de Vladimir Poutine ? Quels scénarios peut-on en déduire ? Nous nous appuyons dans nos analyses sur une série d’entretiens avec des personnalités et des experts russes (en exil ou en Russie) ainsi qu’avec quelques spécialistes européens. Pour des raisons de sécurité évidentes, nous ne citons pas nos sources. 

L'auteur remercie tout particulièrement Camille Le Mitouard, du programme Europe de l'Institut Montaigne, qui l'a assisté dans l'écriture et la relecture de cette note.

Jusqu’à la mutinerie avortée de Wagner, c’est la résilience du régime russe dans l’adversité qui frappait les analystes. Trois raisons pouvaient expliquer cette résilience. 
La population russe accepte globalement les contraintes de la guerre.

La place prise dans les médias et les réseaux sociaux par la faction ultra-nationaliste résulte peut-être - ou en tout cas fait écho - à l’entreprise d’endoctrinement nationaliste et militariste déployée par le régime depuis des années. Le poids exact dans la société russe de cette "génération Z" (cf le livre de Ian Garner) qui pourrait avoir été produite par cette entreprise est difficile à mesurer. Pour l’instant, c’est surtout la passivité qui domine dans l’ensemble de la population. Même dans les grandes villes, la plupart des Russes se concentrent sur leur survie de tous les jours. Ce sont les classes moyennes urbaines qui souffrent le plus de l’effet des sanctions (plus grande difficulté de voyager ou accès diminué aux biens de consommation étrangers). 

Contrairement à l’image d’un pouvoir dictatorial sans égards pour la population, le régime a su doser un surcroît de répression et le souci de ne pas bousculer outre mesure les citoyens ordinaires : mobilisation épargnant les classes moyennes, augmentation des dépenses sociales, avantages importants pour les engagés et leurs familles, frontières ouvertes (au moins dans un premier temps) aux déserteurs. Il y a d’ailleurs une curieuse contradiction entre l’impression de normalité que le Kremlin veille à maintenir dans la vie de tous les jours et le discours sur la "menace existentielle" qui pèse sur la patrie. Par ailleurs, le pouvoir russe peut tabler sur l’impérialisme ancré dans la psyché nationale et sur l’impact profond du leitmotiv : "nous sommes attaqués par l’Occident". Une remarque revient souvent dans la bouche de nos contacts : "peu convaincus au départ de la nécessité de la guerre, les Russes considèrent qu’il n’est pas possible que la Russie sorte vaincue". Ceci posé, on ne saurait préjuger de l’évolution du sentiment populaire si la situation économique se dégrade trop profondément ou si la répression s’aggrave encore.

La Russie a su absorber le choc des sanctions.

Il ne faut certes pas minimiser le choc subi par l’économie russe : recul de 2,3 % du PIB en 2022 (un PIB qui devait augmenter d’au moins 3 %), pans entiers de l’industrie sinistrés (particulièrement le secteur automobile). Les perspectives pour les prochaines années s’annoncent sombres, les chiffres avancés d’un frémissement à la hausse du PIB en 2023 (et plus encore 2024) sont trompeurs, notamment du fait que les données budgétaires dont nous disposons sont de plus en plus opaques. La privation des investissements et de la technologie des firmes occidentales de même que l’exode de jeunes gens parmi les mieux formés constitueront de lourds handicaps pour une économie déjà stagnante depuis un certain temps.

Il reste que les hydrocarbures russes ont trouvé des débouchés alternatifs aux marchés européens et l’inflation paraît jugulée (après un pic de 17,8 % en avril 2022). Malgré la baisse de la qualité des produits et une diminution de 10 % de la consommation des ménages en 2022, le pouvoir d’achat des ménages ne s’est pas effondré. Sur un autre plan : la Russie dispose de réserves importantes de devises de la Banque Centrale (environ 300 milliards de dollars) auxquelles s’ajoute le magot du Fonds souverain (une centaine de milliards de dollars) - même si celui-ci est déjà en parti entamé ; d’autre part, les banques nationales sont en mesure d’acheter de la dette souveraine ; ces éléments laissent penser que Moscou a la capacité de financer l’effort de guerre, du moins à son niveau actuel, pour une période prolongée.

Des élites sous contrôle ? 

Le système Poutine se rapproche d’une structure féodale ou mafieuse dans lequel le chef tire son pouvoir de sa capacité à faire régner la peur mais aussi à arbitrer les tensions entre grands féodaux. Les oligarques ont été éliminés au début de l’ère Poutine comme pôle de pouvoir autonome. Les siloviki (les hommes des structures de force ou issus de celle-ci) ont pris, depuis l’annexion de la Crimée en 2014, un poids dominant non seulement dans le gouvernement mais aussi dans l'économie. En conséquence, depuis plusieurs années, l’arbitrage du maître du Kremlin ne porte plus sur les querelles entre les siloviki et les "libéraux systémiques" (les technocrates), mais bien entre différents clans parmi les siloviki; ceux-ci sont d’abord en rivalité entre eux pour défendre leurs intérêts respectifs ; ils se répartiraient aussi, selon diverses sources, entre une tendance "faucon" - dont le président du Conseil National de Sécurité, Nikolaï Patrouchev, pourrait être le chef de file - et une tendance "moins radicale", qu’incarne assez bien Sergueï Tchemezov, lui aussi ancien du KGB et ami de toujours de Vladimir Poutine, mais passé dans les affaires, au plus haut niveau bien entendu (comme directeur général de Rostec).

Le système Poutine se rapproche d’une structure féodale ou mafieuse dans lequel le chef tire son pouvoir de sa capacité à faire régner la peur mais aussi à arbitrer les tensions entre grands féodaux. 

L’une des forces de Vladimir Poutine est de s’appuyer sur la loyauté de ses vieux compagnons (Nikolaï Patrouchev - le Secrétaire du Conseil de sécurité de la fédération de Russie; Mikhaïl Bogdanov - représentant spécial de Vladimir Poutine pour le Moyen-Orient; Sergueï Narychkine - directeur du Service des renseignements extérieurs, etc.) mais aussi d’avoir su promouvoir des guébistes ou des généraux jeunes dès 2012, et de manière encore plus marquée entre 2016 et 2017. Il a procédé de même avec le personnel civil. Exemples : remplacements en 2015 du chef des chemins de fer par Oleg Belozerov, 47 ans (53 aujourd’hui) ou du président de la holding aéronautique publique UAC par Iouri Slioussar, 42 ans (49 aujourd’hui) - deux positions stratégiques pour le fonctionnement du pays ; en 2016, la chute spectaculaire du ministre de l’Économie, Alexeï Oulioukaïev, avait ouvert la voie à Maxime Orechkine 34 ans (41 aujourd’hui). Autrement dit, dans les structures de force comme au gouvernement, le Président dispose de relais nombreux qui lui sont redevables.

La guerre en Ukraine a ajouté à ce système une perte accentuée du monopole de la violence par l’État, avec la multiplication de milices dont le groupe Wagner est emblématique. Notons que le risque de généralisation de la violence dans la société russe - notamment compte tenu du retour des anciens soldats d’Ukraine y compris les criminels recrutés par Wagner - constitue un sujet de grave préoccupation pour les sociologues russes. 

C’est dans ce contexte qu’il faut apprécier la portée de la mutinerie de Wagner : le chef n’a pas su arbitrer à temps ; son attentisme a laissé voir les failles du régime : non anticipation ou plus probablement paralysie des services de renseignement, faible réaction des forces militaires ou autres, complaisance vraisemblable de certaines de ces forces, lâcheté des élites quittant Moscou le samedi 24 juin au matin, indifférence de la population, voire sympathie d’une partie d’entre elle pour les rebelles. La brèche dans la stabilité du régime a été en réalité très rapidement colmatée (24 heures) mais l’aura d’infaillibilité du maître du Kremlin n’en est pas moins ébranlée. Il doit maintenant gérer une situation compliquée. Les purges ont commencé, mais jusqu'où peuvent-elles aller sans désorganiser l’effort de guerre ? Et cela, alors que depuis février 2022, une frustration sourde parcourt les élites sur le choix fait par Poutine d’envahir l’Ukraine : dans son allocution du 26 juin 2023, lorsque Evgueni Prigojine dénonce le caractère infondé de l’agression, il dit sans détour ce que nombre de cadres pensent tout bas, mais qu’ils n’osent exprimer par crainte de la prison et de représailles contre leurs familles. 

S’agissant des oligarques, domestiqués depuis les années 2000 par Vladimir Poutine, ils n’ont d’autres choix que de soutenir le régime. La plupart des grands groupes ont d’ailleurs trouvé de nouvelles sources de revenus dans l’économie de guerre, grâce aux contrats avec la Défense ou liés à la reconstruction dans les territoires annexés. Des personnalités proches de Poutine comme Arkadi Rotenberg (homme d’affaire et oligarque russe), Yuri Kovalchuk (actionnaire principal de la Rossiya Bank), Gennady Timchenko (homme d’affaire russo-finlandais ; fondateur de la société de trading pétrolier Gunvor ; propriétaire de Volga Group), Sergueï Tchemezov, Igor Setchine (Vice-premier ministre dans le gouvernement de Vladimir Poutine de 2008 à 2012 et actuel président du conseil d'administration du groupe pétrolier Rosneft depuis 2012) et d’autres, trouvent un avantage à cette situation.

Trois points d’inflexion potentiels nous paraissent devoir être observés pour la suite

Sans négliger d’autres chocs possibles pour la stabilité du régime, extérieurs (baisse massive du prix du pétrole par exemple) ou intérieurs (inflation, nouvelle tentative de coup), nous proposons de garder à l’esprit les trois "clignotants" suivants.

L'impact différé des sanctions.

La Russie n’est pas le Venezuela. La neuvième économie du monde n’est pas susceptible de s’effondrer. De surcroît, les sanctions occidentales, si extensives soient-elles, ne contraignent pas les exportations de gaz et de GNL. Elles maintiennent ouverts des canaux financiers importants, ne serait-ce que pour l’approvisionnement en combustible nucléaire. Les sanctions vont par contre aggraver une tendance à l’érosion de l’économie, qui était déjà à l’œuvre depuis des années en raison du facteur démographique et de la faible productivité du pays ; vont s’ajouter à ces facteurs à l’avenir les effets du changement climatique (avec une baisse prévisible de la demande d’énergies fossiles russes).

Peut-on fixer une échéance à partir de laquelle l’effet des sanctions affectera vraiment pour Moscou la conduite de la guerre ? Deux approches, en fait non contradictoires, peuvent être retenues. Pour certains économistes, c’est dans deux ou trois ans - voire avant cela - que la contraction du PIB obligera le pouvoir russe à arbitrer entre "le pain et les canons". D’après l’une de nos sources, le sentiment chez certains siloviki était d’ailleurs au début de l’agression que "nous pouvons tenir sans problème trois ans, ensuite ce sera plus difficile, et au-delà de cinq ans impossible". D’ores et déjà, la manne pétrolière devient moins rentable (en mars, selon l’Agence internationale de l'énergie, malgré des exportations au plus haut, elle a atteint 12,7 milliards de dollars, soit une baisse de plus de 40 % par rapport à il y a un an). La hausse des dépenses militaires et la baisse des revenus entraînent mécaniquement un déficit budgétaire important ; l’agence européenne de notation SCOPE évoque pour cette année un déficit de 3,5  % du PIB.

Peut-on fixer une échéance à partir de laquelle l’effet des sanctions affectera vraiment pour Moscou la conduite de la guerre ? Deux approches, en fait non contradictoires, peuvent être retenues. 

Le Ministre des Finances de la Fédération, Anton Siluanov, lors du dernier Forum de Saint-Pétersbourg (14-17 juin 2023), a lui-même reconnu les dilemmes devant lesquels se trouvent les autorités russes : pour maintenir l’effort de guerre, le gouvernement devra soit augmenter les impôts soit réduire les "dépenses non protégées" - donc les programmes sociaux. Le recours à l'emprunt est aussi une option mais il risque de faire revenir l’inflation et se ferait au détriment du financement de l’économie.

L’autre approche, exposée par The Economist, repose sur l’idée que les sanctions font avant tout peser une contrainte sur les choix du Kremlin : elles n’entravent pas le financement de la guerre mais leurs effets sur l’économie russe rendent impossible pour Moscou une "intensification" de la guerre.

L’effet d’un éventuel revers ou d’une défaite en Ukraine.

L’histoire russe est riche d’exemples où un échec militaire entraîne à terme plus ou moins rapproché la chute d’un régime ou du moins contribue à celle-ci. C’est ce qui s’est passé, pour prendre le dernier cas en date, avec le retrait d’Afghanistan et la chute du communisme.

Nos interlocuteurs russes, dans leur grande majorité, soutiennent au contraire que le régime pourrait parfaitement absorber une défaite ou un revers en Ukraine. Deux arguments principaux sont avancés : le pouvoir contrôle suffisamment les médias et l’espace public pour donner à un amer recul le visage avenant d’une avancée. La capacité dialectique du Kremlin serait en outre, servie par son récit d’une guerre civilisationnelle contre l’Occident, tout recul devant alors être interprété comme une pause en vue d’une future offensive. Second argument : l’indifférence relative de l’opinion russe. Ces deux arguments s’appliqueraient-ils même en cas de perte de la Crimée ? Cela parait contre-intuitif ; cependant une politologue russe disposant d’une grande autorité soutient que la fièvre nationaliste post-annexion de la Crimée était en réalité plus superficielle qu’on ne l’imagine.

Le facteur chinois.

C’est M. Poutine personnellement qui en 2014, après l’annexion de la Crimée, a imposé un rapprochement avec Pékin, illustré par la conclusion, le 21 mai 2014 entre Gazprom et la China National Petroleum Corporation d’un accord historique de 400 milliards de dollars. Ce rapprochement est intervenu malgré les réticences du système russe, à commencer par celles du complexe énergétique.

Il paraît inévitable que la coupure avec l’Occident entraîne une relation de plus en plus étroite entre la Chine et la Russie - accélérant la mutation de la seconde en associée-mineure de la première. 

Il paraît inévitable que la coupure avec l’Occident entraîne une relation de plus en plus étroite entre la Chine et la Russie - accélérant la mutation de la seconde en associée-mineure de la première. Est-ce compatible avec l’ultra nationalisme des siloviki qui entourent Vladimir Poutine ? Certaines de nos sources nous indiquent qu’en fait les siloviki se sont ralliés - par défaut - à l’option chinoise. Par ailleurs, l’augmentation réelle des exportations chinoises vers la Russie (+ 12,8 % en 2022) reste pour le moment relativement limitée en valeur ; les livraisons de pétrole russe à la Chine ont crû de manière spectaculaire mais la Chine tiendra sans doute à garder des sources d’approvisionnement diversifiées.

Le vrai test "de l’amitié sans limite" viendrait le jour où la dégradation des finances russes rendrait nécessaire des prêts chinois. Quoiqu’il en soit, le "rejet patriotique de la dépendance à la Chine" est un "clignotant" qui ne s’allumera peut-être qu’après le départ de Vladimir Poutine…quand l’heure de son procès sera venue. 

Qu'y a-t-il dans la tête de Vladimir Poutine ?

Dans un régime aussi personnalisé que le régime russe, c’est une question incontournable.

Poutine devant le sort des armes.

Les hypothèses que l’on peut avancer sur la capacité du régime à absorber ou non un revers majeur en Ukraine sont peut-être secondaires. Il est à craindre en effet que le Président lui-même perçoive la survie de son régime - et sa trace dans l’Histoire - comme étroitement liées à une victoire.

Il en résulte que Vladimir Poutine raisonne en termes de conflit de longue durée - à coût modéré toutefois - la "guerre éternelle" lui paraissant de toute façon préférable pour la légitimité de son régime. On peut en déduire aussi qu’en cas de recul dramatique (risques sérieux de perdre la Crimée notamment), il n’exclura pas le recours à l’arme nucléaire ou du moins la menace d’emploi du nucléaire. Cette option se trouve déjà en germe dans les articles récents de deux analystes stratégiques réputés, Sergei Karaganov (politologue russe, Président honoraire du Conseil de politique étrangère et de défense) et Dmitri Trenin (ancien directeur du Carnegie Moscow Center) - contestés il est vrai par d’autres auteurs russes. Il est à craindre que la prochaine crise, en forme d’avertissement, provienne d’une opération russe sur la centrale nucléaire de Zaporijia, avec des conséquences dramatiques pour une vaste partie de l’Europe. 

Ce serait une erreur de la part des Occidentaux d’analyser le risque de nucléarisation de la guerre à partir d’une vision opérationnelle (cf : "un emploi d’armes nucléaires tactiques n’aurait aucun intérêt opérationnel pour les Russes"). Un Poutine acculé à une défaite l’envisagerait en termes purement politiques. Si le déclenchement du feu nucléaire par le Kremlin n’est pas le plus probable, une "crise nucléaire" (mise en alerte, puis déploiement effectifs de systèmes, menaces etc.) fait partie des horizons possibles de la guerre.

Si le déclenchement du feu nucléaire par le Kremlin n’est pas le plus probable, une "crise nucléaire" (mise en alerte, puis déploiement effectifs de systèmes, menaces etc.) fait partie des horizons possibles de la guerre.

Un frein à l’attraction de l’option nucléaire par le pouvoir russe réside peut-être dans l’aversion de l’opinion russe, manifeste dans les sondages, pour une telle option. Les Chinois font connaître aussi à intervalles réguliers leur refus de cette option. Il faut se souvenir cependant que le Président Poutine a annoncé la mobilisation et l’annexion des oblasts ukrainiens en septembre 2022 - deux jours après le sommet de Samarkand de l’Organisation de la Coopération de Shangaï (OCS), où M. XI et M. Modi l’avaient invité à la prudence.

La feuille de route du Kremlin. 

Il ne fait aucun doute que Vladimir Poutine table sur une prolongation de la guerre pour une autre raison que son "héritage" : il parie sur un essoufflement du soutien des Occidentaux à l’Ukraine et sur le retour de Trump au pouvoir à Washington après les élections de novembre 2024. Il pourrait avoir aussi en tête la perspective d’une confrontation ouverte sino-américaine autour de Taiwan et donc l’établissement d’un "second front" contre l’Occident.

L'automne du Patriarche. 

Il fut un temps où Vladimir Poutine envisageait sa succession comme une possibilité, testant différents "dauphins" potentiels et laissant ses collaborateurs explorer différentes formules (modèle de transition Eltsine-Poutine ou modèle Nazarbayev-Tokaev au Kazakhstan, entre autres). Ce n’est clairement plus le cas. La réforme de la Constitution qu’il a imposée de manière impromptue début 2020, supprimant la limitation des mandats présidentiels, suggère qu’il entend plutôt mourir au pouvoir. Il aurait confié à un journaliste russe influent il y a quelques années : "je ne serai pas un déserteur ; ma mission n’est pas achevée".

Par ailleurs, sa vision du monde s’est considérablement durcie au cours des dernières années. Sur le plan interne, son régime n’a pas encore basculé dans le totalitarisme, avec ce que cela implique de mobilisation de la population et de répression sans limite, mais les prémisses d’un totalitarisme 2.0 émergent clairement (loi sur la digitalisation de la mobilisation ou réflexions en cours sur l’extension de la loi sur les agents de l‘étranger). Surtout, la confrontation avec l’Occident a pris dans l’esprit du Président et de ses acolytes une dimension idéologique presque mystique : l’idée d’un déni de justice des Occidentaux n’acceptant pas que la Russie retrouve ses droits historiques dans son hinterland européen apparaît maintenant profondément ancrée dans l’esprit du Président et de son entourage. On l’a vu récemment encore dans les réactions officielles russes aux déclarations du Président Macron à Bratislava. 

Ce phénomène est d’autant plus frappant que le "Patriarche" avait su jusqu’ici concilier stabilité interne et agressivité à l’extérieur. La seconde contribuait en fait à la première. Aujourd’hui, l’agressivité à l’extérieur se retourne contre la stabilité à l’intérieur - comme vient de le rappeler l’affaire Wagner. Il ne faut pas se cacher, d’autre part, que l’idéologie des droits historiques de la Russie sur les anciennes terres d’empire rend très difficile de concevoir une négociation avec ce régime sur un arrangement global touchant à la sécurité de l’Europe.

 
Les quatre horloges du pouvoir russe
Guerre et économie.

On serait tenté de développer l’axiome suivant : l’horloge de la guerre favorise la Russie puisque l’Ukraine a moins d’hommes, moins de profondeur stratégique et moins de capacité de tenir sur le long terme que la Russie ; mais face à l’effet différé des sanctions, le compte à rebours de l’économie pourrait rattraper le pouvoir russe. 

Il est difficile cependant, comme on l’a vu, d’identifier une échéance précise à partir de laquelle Moscou serait contraint de choisir entre "le pain et les canons", voire ne serait plus capable de financer l’effort de guerre. Par contre, si l’on retient l’idée que les sanctions sont utiles pour contraindre les choix russes, on peut faire l’hypothèse suivante : si les Ukrainiens peuvent tenir encore des mois et a fortiori s’ils remportent des succès, une dotation des armées ukrainiennes en avions de combats et en missiles de plus longue portée pourrait conduire à terme (dès la fin 2023 - premier trimestre 2024 ?) à cette "intensification de la guerre" que les Russes n’auront pas les moyens économiques de soutenir. À cet égard, si les livraisons des missiles Storm Shadow britanniques et Scalp français sont suivies d’autres du même type, si les F16 promis par une coalition de plusieurs États arrivent effectivement en Ukraine, la Russie pourrait entrer - dès le début de l’année prochaine ? - dans une zone dangereuse du point de vue militaire certes mais aussi économique.

Politique intérieure russe et politique internationale.

Pour un régime d’autoritarisme personnel, les élections sont importantes. Ce n’est pas leur résultat qui compte - connu d’avance - mais leur bon déroulement, le niveau de participation et l’acceptation des résultats par la population. Aussi étrange que cela puisse paraître, l’enjeu porte sur la popularité du dictateur, clef de voûte de son autorité. La crainte pour le Kremlin est le retour des manifestations dans les grandes villes comme en 2011-2012 ou - horresco referens - une situation de chaos comme après les dernières élections présidentielles au Bélarus.

Il est donc essentiel pour M. Poutine et l’administration présidentielle dont c’est la charge (sous la responsabilité de son chef-adjoint, M. Kirilenko) de "réussir les élections du printemps 2024".

Il est donc essentiel pour M. Poutine et l’administration présidentielle dont c’est la charge (sous la responsabilité de son chef-adjoint, M. Kirilenko) de "réussir les élections du printemps 2024". Si celles-ci devaient être repoussées, ce serait un signal clair de la fébrilité du régime. L’ambition est d’atteindre un vote positif de 75 % des votants. Les élections municipales à Moscou en septembre de cette année ne devraient pas poser de problème pour Sergueï Sobianine, l’actuel maire, qui a beaucoup amélioré la vie dans la capitale et se garde de prendre en public des positions trop tranchées en faveur de la guerre.

Sur le plan international, les sommets deviennent progressivement des épreuves pour M. Poutine, comme on l’avait déjà vu pour le G20. Présidant actuellement l’Organisation de Coopération de Shangaï, les Indiens ont préféré tenir le dernier sommet de l’Organisation (juin 2023) de manière virtuelle. La présence du président russe au sommet des BRICS fin août pose manifestement problème à la présidence sud-africaine. D’ici là, après la déception qu’a représenté pour les Africains l’échec de leur médiation à Moscou (17 juin 2023), la tenue du sommet Russie-Afrique fin juillet constituera un test.

Toutefois, les échéances les plus importantes vues du Kremlin seront les élections de l’année 2024, en Europe (progression éventuelle des forces d’extrême droite pro-russes), et surtout, comme on l’a vu, les élections présidentielles américaines, ultime espoir et suprême pensée du pouvoir russe. Dans quelle mesure une déception de ses attentes en novembre 2024 pourrait-elle convaincre Vladimir Poutine de changer de stratégie ?

Cinq scénarios

Ceux-ci ont pour ambition non de prédire l’avenir mais de stimuler la réflexion.

La continuité du régime.

Dans ce scénario, le régime de M. Poutine connaît d’autres chocs mais se montre capable de les surmonter, comme il paraît en mesure de le faire s’agissant de la mutinerie de Wagner. Loin de représenter un précédent, cette affaire conduit le système à renforcer certains mécanismes protecteurs (cf : armement de la Garde Nationale) et, de toute façon, le condottière Prigojine constituait un cas à part dans la galaxie sécuritaire Poutine. Réélu en 2024, M. Poutine parvient à surmonter les tensions internes avivées par la guerre. Quelle que soit l’évolution de celle-ci - peut-être un statu quo confirmé par un cessez-le-feu sans accord de paix - le régime se montre capable d’en présenter le résultat (provisoire) comme un succès. Il est très probable que le Président, pour compenser la montée des difficultés, restreigne toujours plus encore les libertés intérieures et s’arque boute dans une attitude d’hostilité à l’égard des Occidentaux. Peut-être parvient-il à éviter une seconde mobilisation. L’économie russe continue de se dégrader mais la Russie reste une "puissance pauvre", selon une expression consacrée, plus ou moins intégrée dans un ensemble géostratégique centre-asiatique pilotée par la Chine.

Un régime triomphant.

Le régime fait plus que survivre aux difficultés, il triomphe. Il suffit que les Ukrainiens ne regagnent pas une portion suffisante de leur territoire, qu’il n’y ait pas de coupure du corridor terrestre entre le Donbass et la Crimée par exemple, pour que de facto la Russie l’emporte. Cela pourrait venir d’une défaillance des Occidentaux à transférer les armes nécessaires à l’Ukraine mais aussi d’un épuisement des Ukrainiens eux-mêmes. Un retour de Trump à la Maison-Blanche ouvrirait la voie à une négociation en vue d’un règlement de paix favorable aux visées russes. Variante : la "défaite glorieuse". Dans cette hypothèse, les positions russes en Crimée sont menacées et Vladimir Poutine déclenche une crise nucléaire, qui se termine comme celle de Cuba en 1962 par un deal russo-américain.

Ces deux premiers scénarios ont pour toile de fond commune une préoccupation constante des dirigeants occidentaux liée au statut nucléaire de la Russie : crainte de toute escalade face à une puissance nucléaire et crainte de tout chaos en Russie compromettant la sécurité de l’arsenal russe. Pourrait s’y ajouter une seconde préoccupation, qui serait la volonté de revisiter la politique kissingerienne dans le triangle États-Unis - Chine - Russie - cette fois de manière inversée : renouer avec la Russie pour éloigner celle-ci de la Chine.

Ces deux premiers scénarios ont pour toile de fond commune une préoccupation constante des dirigeants occidentaux liée au statut nucléaire de la Russie.

Une crise de régime sourde.

Dans ce scénario, c’est l’accumulation des difficultés et la baisse de l’aura de Vladimir Poutine qui provoquent un changement. Un noyau au sein des siloviki - en contact avec des oligarques et des technocrates - craint de perdre la base populaire du régime et s’inquiète à ce titre de la prolongation de la guerre. Ce pourrait être le cas par exemple si l’inflation connaissait un retour de flamme violent ou si le prix du pétrole subissait une baisse importante durable ou encore si la généralisation de la violence couplée à la "warlordisation" ébranlait les fondements de la société. L’appauvrissement du pays se traduit en outre, dans un système de type mafieux, par une réduction des parts de gâteaux dans les différents échelons de la chaîne de la corruption. Les cadres intermédiaires ayant une carrière devant eux peuvent s’inquiéter pour leur avenir. Un communiqué officiel annonce un jour que le Président de la Fédération souffre d’un problème de santé qui l’oblige à se reposer à Sotchi et à transférer ses pouvoirs à un autre "homme fort" ou, conformément à la constitution, au Premier ministre. 

Un accident de parcours.

C’est une variante du scénario précédent : la crise ne se produit pas à froid mais à l’occasion d’un choc imprévu, sur fond toutefois des mêmes ingrédients. Offrons un échantillon de possibilités : un déroulement chaotique des élections de 2024, un vrai problème de santé voire une disparition du Président, 71 ans en octobre de cette année ("l’horloge biologique" est la plus implacable de toutes), un accident industriel (par exemple dû à la dégradation de la flotte d’aviation), ou encore un dysfonctionnement manifeste de l’armée (même sans défaite : scandale de corruption par exemple ou soupçons de déviation politique) voire une tentative de coup d’un "seigneur de la guerre".

Dans ces deux derniers scénarios trois profils possibles pour un successeur : 1- un modéré, par exemple un technocrate non sous sanctions occidentales, désigné pour rétablir la paix avec l’Occident : cela paraît improbable compte-tenu de l’état d’esprit du personnel en place ; une figure de transition pourrait par contre réunir les différents clans des siloviki ; 2 - un "dur" qui serait un Poutine n° 2 et entraînerait le pays vers un plus grand isolement, ce que l’on appelle souvent un statut "à l’iranienne". Dans ce cas de figure, la Russie survit non pas trois ou cinq ans aux sanctions mais une dizaine d’années ou plus, comme la République Islamique de Téhéran, et reste capable de soutenir une guerre de basse identité ; 3 - un "dur", également issu du monde des siloviki mais soucieux de la situation sociale et économique du pays et donc désireux pour des raisons de pragmatisme de négocier avec les États-Unis et l’Europe un terme à la guerre et une levée des sanctions. Un Premier ministre "libéral" pourrait dans ce cas être désigné, non soumis aux sanctions ou en tout cas non susceptible d’être considéré par la CPI comme un criminel de guerre.

Un basculement non maîtrisé du régime.

C’est une amplification des deux scénarios précédents, la crise de régime entraînant une forme de guerre civile, alimentée par une rivalité entre clans de siloviki et par la multiplication des milices, sur fond de société civile agitée par la violence. La dissidence de certaines Républiques, dans une situation de ce type ne pourrait être exclue, non comme point de départ d’un éclatement du pays mais comme une conséquence de l’affaiblissement du pouvoir central.

Casting

Un des arguments avancés pour le maintien au pouvoir de Vladimir Poutine - à vrai dire courant dans toutes les autocraties - est "qu’il n’y a pas d’alternative à Poutine". En fait, les candidats cachés à la succession ne manquent pas.

Une disparition soudaine de Vladimir Poutine donnerait toutes ses chances au Premier ministre, Mikhaïl Michoustine, successeur constitutionnel du Président en cas de défaillance de celui-ci.

Avançons à titre illustratif différentes possibilités. Une disparition soudaine de Vladimir Poutine donnerait toutes ses chances au Premier ministre, Mikhaïl Michoustine, successeur constitutionnel du Président en cas de défaillance de celui-ci. Bien que non issu du cercle des siloviki, il apparaît compatible avec celui-ci. Il pourrait être perçu comme une figure de transition, bien que son ambition ne fasse aucun doute. À noter que le Président peut jusqu’au dernier moment changer le Premier ministre.

Si le faiseur ou les faiseurs de roi appartiennent plutôt au clan des "siloviki durs", leur choix pourrait se porter sur Viatcheslav Volodine, président de la Douma depuis 2016, allié proche de Poutine bien que celui-ci se méfie de son activisme ; Dmitri Medvedev, l’ex-Président et ex-Premier ministre, garderait peut-être une chance ou Nikolaï Patrouchev pourrait être tenté de placer son fils Dmitri, actuellement ministre de l’Agriculture. Si le ou les faiseurs de roi se situaient parmi les "modérés » (sic), le puissant maire de Moscou, Sergueï Sobianine, Denis Manturov, ministre de l'Industrie ou Sergueï Tchemezov (PDG de Rostec), lui-même pourraient incarner une ligne ferme mais plus sensible aux réalités économiques et donc plus ouverte à l’Occident. Dans cette hypothèse, le milieu des "Libéraux systémiques" fournirait aisément un Premier ministre compatible avec l’Occident, par exemple l’éternel cardinal gris "libéral" du pouvoir poutinien, Alexeï Koudrine, ou la brillante présidente de la banque centrale, Elvira Nabiullina, l’un et l’autre épargnés par les sanctions occidentales.

D’autres profils pourraient être évoqués. Ainsi, un Sergei Kirilenko, actuellement numéro 2 de l’administration présidentielle, ancien Premier ministre de Boris Eltsine ayant fait ensuite une brillante carrière dans les affaires, en bons termes avec tous les clans, pourrait réunir une forme de consensus. Ou c’est un "jeune gouverneur" - comme Alexei Dioumine (Gouverneur de l’oblast de Toula), Gleb Nikitin (Gouverneur de la région de Nijni-Novgorod) ou Andrei Nikitin (Gouverneur de la région de Veliki-Novgorod) qui pourrait être choisi. L’irruption possible d’un ancien "héros" - Igor Strelkov (Homme politique et militaire ultra-nationaliste) par exemple, tête brulée du Donbass - correspondrait aux attentes d’une partie "revanchiste" de l’opinion. Bref, au lieu d’une absence d’alternative, c’est plutôt un "trop plein", pour reprendre une formule célèbre, qui pourrait caractériser la succession.

 

Conclusions 

Les analyses qui précèdent laissent ouverte l’hypothèse d’une discontinuité dans le régime de Vladimir Poutine, même si le sort du pays restera entre les mains d’une manière ou d’une autre des siloviki. Depuis mars 2022, la chance qui avait si longtemps souri au Président Poutine, paraît se détourner de lui. La tendance lourde reste quand même favorable à la continuité du régime ; c’est ainsi que, comme noté dans les scénarios de "rupture", même une "crise de régime", peut très bien déboucher sur un "Poutine 2". Il faut bien qualifier cependant cette continuité : le déclin a commencé, propice à des soubresauts, en même temps que marqué par de nombreuses pesanteurs, des fractures dans le système, une "désinstitutionalisation" laissant l’opinion désemparée. Un paramètre à explorer plus avant (nous reviendrons ultérieurement sur le sujet) pour confirmer ce diagnostic a trait à la capacité ou non pour la Russie poutinienne de reconvertir son économie vers le "Sud Global" (ou l’Est en fait) en substitution avec ses liens avec l’Ouest. 

Sur un plan opérationnel, plusieurs lignes d’action peuvent être suggérées aux autorités françaises et européennes :

- Il est possible que le temps ait désormais changé de camp : il n’est plus impossible que le système de pouvoir établi par Vladimir Poutine "craque" avant que l’Ukraine elle-même connaisse un effondrement ou que ses soutiens se lassent. Il serait erroné d’en déduire que l’effort de soutien à l’Ukraine peut se poursuivre à un rythme moindre ou même équivalent qu’actuellement : c’est la combinaison de l’effet différé des sanctions et d’un accroissement qualitatif des capacités de l’armée ukrainienne qui offre les meilleures chances à une stratégie de sortie de la crise ; 

- Les gouvernements occidentaux ne doivent jamais afficher une ligne impliquant qu’ils souhaitent un "changement de régime" à Moscou. Il serait prudent de leur part cependant de préparer des "plans de circonstances" correspondant à différents scénarios d’évolution du régime, notamment à deux d’entre eux : l’hypothèse d’un successeur "dur mais pragmatique", dans laquelle les Occidentaux disposeraient de leviers de négociation ; et celle d’un "basculement non maîtrisé du régime", dans laquelle une stratégie de limitation des dégâts serait nécessaire. Même si l’exercice serait plus complexe, il pourrait être aussi opportun de réfléchir aux options disponibles pour influencer le régime dans les hypothèses de "crises de régime" ;

- Enfin, si les conditions ne paraissent pas réunies pour l’ouverture de négociations avec Moscou, il resterait néanmoins utile, pour des raisons d’affichage vis-à-vis de Moscou comme des États du Sud, que l’Ouest puisse articuler avant la fin de l’année une "vision" sur l’avenir de la sécurité en Europe ; un ensemble de proposition pourrait venir d’un groupe incluant les Grands Européens (dont la Pologne), les États-Unis et l’Ukraine. Dans le même ordre d’idée, il serait très important que l’Europe se dote d’une stratégie pour ne pas se couper complètement de l’opinion et des élites russes : on ne peut se résigner à laisser s’incruster dans l’imaginaire russe l’idée que "l’Ouest est contre nous".

 

Copyright image : ALEXANDER KAZAKOV / SPUTNIK / AFP

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