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06/10/2016

À qui appartient la primaire de la droite ? Trois questions à Olivier Duhamel

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À qui appartient la primaire de la droite ? Trois questions à Olivier Duhamel
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Quel regard porter sur une éventuelle participation des électeurs de gauche à la primaire de la droite et du centre ? Olivier Duhamel, politologue et co-auteur avec l'Institut Montaigne de l'ouvrage Les primaires pour les nuls, nous livre son point de vue sur le sujet.

1. Selon la dernière enquête du Cevipof réalisée par ­Ipsos-Sopra Steria, 10 % des électeurs de gauche se disent prêts à participer à la primaire à droite. Selon vous, cet électorat peut-il en influencer le résultat ?

A priori, cette influence sera marginale : seulement 10 % des électeurs de gauche déclarent qu'ils iront voter, ce qui laisse supposer qu'ils seront encore moins à passer effectivement à l'acte le dimanche 20 novembre. En effet, l'expérience a montré en 2006 que le fait de se rendre le jour de l'élection dans un bureau de vote estampillé aux couleurs d'une autre famille politique en décourage un grand nombre. Cependant, quoique marginale, il se peut que cette influence soit décisive, d'où les crispations qui ont resurgi ces derniers jours.

Afin de tempérer ces débats, on peut toutefois relever que cette proportion d'électeurs de gauche qui iraient voter à la primaire de la droite se maintient, voire a tendance à baisser à mesure que l'échéance s'approche. Ainsi, selon le sondage également réalisé par Ipsos pour l'Institut Montaigne il y a plus d'un an, ils étaient 11 % à se déclarer certains d'aller voter. À titre de comparaison, cette proportion atteignait au même moment 14% chez les électeurs du Front national, ce qui n'avait pas soulevé tant de débats.


2. Cette participation prouve-t-elle que les primaires sont détournées de leur ambition initiale ?

Aucunement ! Fondamentalement, les primaires constituent un pouvoir supplémentaire octroyé au citoyen : libre à lui de l'exercer comme il l'entend ! Au nom de quel principe voudrait-on interdire les électeurs de gauche de participer à la primaire de la droite ? Pourvu qu'ils déclarent adhérer à la charte des valeurs républicaines et s'acquittent d'une obole symbolique de participation aux frais d'organisation, les citoyens peuvent choisir le candidat qu'ils souhaitent voir se présenter au premier tour de l'élection présidentielle. C'est l'ambition majeure des primaires.


3. Les primaires devraient-elles être plus encadrées par le législateur ? Par exemple, pensez-vous qu'il faudrait limiter la participation des citoyens à une seule primaire par échéance électorale ?

Les primaires ne participent vraiment de la dynamisation de notre démocratie que dans la mesure où elles ne sont ni déterminées ni imposées par un gouvernement. Leur succès réside donc dans l'autonomie qui est laissée à leurs organisateurs : il leur appartient de déterminer les règles de la primaire, que ce soit pour les conditions d'accès à la candidature, le mode de participation des citoyens ou encore le cadre des débats entre les candidats. Dans l'ouvrage ''Les primaires pour les nuls'', paru en avril 2016, l'Institut Montaigne formule dix propositions concrètes qui permettent de rendre plus démocratique le processus des primaires. Nous recommandons ainsi qu'une Haute Autorité indépendante soit constituée dans le but de garantir l'honnêteté et la transparence du dispositif. Elle seule détient la responsabilité de produire les règles qui valent pour cette élection. Or, dans le cas de la primaire à droite, rien n'a été précisé concernant la participation des citoyens à plusieurs primaires : il n'est plus temps, aujourd'hui, de remettre ce principe en question.

Et les électeurs de droite pourront également participer à la primaire de la Belle Alliance Populaire en janvier…

Les primaires sont une des très rares inventions démocratiques de ces dernières décennies, venues d’exigences de citoyens, reprises par des partis politiques tellement discrédités qu’il leur fallait accepter un outil de renouveau, et mises en oeuvre hors de toute intervention de l’État. Vouloir maintenant les réglementer et les restreindre serait totalement injustifié.

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