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16/03/2016

Le numérique à l'école primaire : nos réponses à vos questions

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Le numérique à l'école primaire : nos réponses à vos questions
 Institut Montaigne
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Suite à la publication de notre dernier rapport "Le numérique pour réussir dès l'école primaire", vous avez été nombreux à réagir et à nous interpeller. Nous avons rassemblé vos questions dans ce billet pour y répondre.

Introduire le numérique dès la maternelle nuit-il au développement de l’enfant ?

Beaucoup se réfèrent à la mise en garde publiée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), en février dernier : "Pas d’écran avant 3 ans" ; cet avis du CSA ne traitant que des écrans de télévision et non des tablettes ou des ordinateurs portables. Nos conclusions rejoignent totalement celles du CSA, qui avance que : "l’exposition passive à des images diffusées sur un écran peut au contraire freiner le développement du tout-petit enfant.". Les propositions que nous portons, sont inspirées des travaux de la recherche française et internationale, qui nous disent que, pour que le numérique soit efficace, l’enseignant doit lui assigner un rôle précis et déterminer sa juste place dans un scénario pédagogique préalablement établi. En maternelle, il s’agit de quelques minutes par jour, une demi-heure constituant un maximum. À l’école élémentaire, quelques dizaines de minutes par jour, sous-tendues par des objectifs pédagogiques bien définis, suffisent.


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Un crayon et un livre suffisent pour apprendre à lire, écrire et compter ?

Pour beaucoup, "un crayon et un livre suffisent pour apprendre à lire écrire et compter. Les tablettes n’étaient pas nécessaires auparavant". Pourtant, depuis quinze ans, les résultats des enquêtes PISA sont sans appel et semblent nous dire le contraire : notre pays ne parvient pas à enrayer la dégradation des performances de son école, pas plus qu’il ne parvient à corriger les travers d’un système de plus en plus inégalitaire. Si pour la majorité des élèves, un livre et un crayon suffisent, 40 % des élèves quittent chaque année l’école primaire avec d’importantes lacunes. Notre rapport montre que le numérique peut apporter des réponses, car il permet notamment :
  • d’individualiser l’enseignement en fonction des progrès comme des difficultés de chaque élève ;
  • d’utiliser les données recueillies pour améliorer les performances du système éducatif (détection précoce des difficultés, pilotage fin grâce à l’évaluation continue, etc.) ;
  • de favoriser l’autonomie et la créativité des élèves.

Toujours plus de temps devant des écrans ?

Les écrans font déjà pleinement partie du quotidien de nos enfants. Entre 7 et 10 ans, ceux-ci passent davantage de temps devant des écrans (près de 3 heures par jour en moyenne, soit plus de 1 000 heures par an) que sur les bancs de l'école (864 heures par an). Le numérique n’est pas un outil magique mais, bien employé, il peut permettre aux enseignants de consacrer davantage de temps aux élèves en difficulté et de prolonger l’apprentissage sur le temps hors scolaire. Le numérique mis au service de pratiques pédagogiques efficaces (le travail en petits groupes ou la personnalisation de l’enseignement notamment) peut permettre d’aller chercher les heures qui font cruellement défaut aux enfants en difficulté pour la maîtrise de la lecture.

Alors qu’un enfant de 10 ans passe davantage de temps devant des écrans qu’à l’école, capter ne serait-ce que 15 % de ce temps d’écran au profit de contenus éducatifs appropriés permettrait d’ajouter environ 3 heures d’apprentissage par semaine ; en tenant compte d’un taux d’interaction individuelle de 10 %, nous parlons ici de 15 heures d’engagement individuel par an. Il s’agit précisément du temps d’engagement individuel qui manque aujourd’hui aux élèves de CP pour l’apprentissage de la lecture. Pour garantir à chaque élève la maîtrise de la lecture à l’issue du CP, il faudrait au moins 35 heures de sollicitation individuelle. L’école n’en dispense aujourd’hui que 20. Ce manque est largement comblé par les enfants ayant le plus de facilités ou ceux issus de milieux plus favorisés. Il est malheureusement rédhibitoire pour beaucoup d’autres.

Deux recommandations concrètes :
  • proposer un soutien scolaire validé par la recherche et suivi par une évaluation définie et mise en place au préalable ;
  • transformer une partie du temps passé à la maison devant les écrans en temps de consolidation des savoirs, via des applications ludo-éducatives recommandées par les enseignants aux parents.

Les dirigeants de la Silicon Valley mettent leurs enfants dans des écoles sans écrans…


La France est le pays le plus inégalitaire de l’OCDE, celui où l’origine sociale détermine le plus la trajectoire scolaire ; et, notre système éducatif est également plus discriminant pour les enfants issus de l'immigration, "au moins deux fois plus susceptibles de compter parmi les élèves en difficulté". À l’inverse, les défaillances de notre école sont largement comblées par les enfants ayant le plus de facilités ou ceux issus de milieux sociaux favorisés. Les enfants des dirigeants de la Silicon Valley, ceux que leurs parents envoient dans des écoles sans écrans, sont majoritairement issus de milieux très favorisés or, pour eux, la question des techniques et outils pédagogiques est assez marginale : ils bénéficient de tous les atouts pour réussir, quelles que soient les méthodes déployées. À l’inverse, les techniques et outils pédagogiques sont au centre des enjeux qui peuvent nous permettre de donner à tous les enfants les mêmes chances de réussir.

Le numérique, une solution miracle ?

Le numérique n’est pas un outil magique, pas plus qu’il ne constitue un facteur de réussite en soi, il n’est donc pas question de mettre tous les enfants face à un écran toute la journée. Quel rôle assigner au numérique à l’école primaire ?

  • Dès les cycles 1 et 2 (maternelle, CP, CE1, CE2), le numérique est un formidable outil pour accroître le temps d’apprentissage et réduire l’échec scolaire, par une acquisition plus systématique et PLUS efficace des savoirs fondamentaux : lire, écrire et compter. Il constitue notamment un levier pour répliquer et diffuser les méthodes pédagogiques dont la recherche a démontré l’efficacité : engagement actif de l'enfant, retour d’information immédiat, répétition des tâches, individualisation de l’enseignement, augmentation du temps d'interaction à l'école et hors de l'école, suivi systématique de l’évolution des acquis cognitifs des enfants, etc. Loin de remplacer l'enseignant, le numérique est un outil qui accroît sa capacité à individualiser son enseignement.
  • Dès le cycle 3 (entrée en CM1), le numérique peut être considéré comme un nouveau savoir fondamental, au même titre que "lire, écrire et compter" qui restent la base fondamentale pour un enfant et dont l'apprentissage doit être assuré durant les cycles 1 et 2. Le cycle 3 correspond à un âge où la maîtrise des savoirs fondamentaux de l'enfant est suffisante pour s'ouvrir à des savoirs nouveaux, en phase avec la société.

Le numérique à l’école est-il à la portée de tous les territoires ?

Nous l’avons beaucoup entendu : "le numérique à l’école, ça coûte cher". Notre rapport avance quatre scénarios d’équipement. Le premier se concentre, pour un investissement de 40€  par élève et par an, sur les trois classes d’acquisition des savoirs fondamentaux (grande section de maternelle, CP et CE1) :
  • 7 tablettes par classe, partagées entre 3 classes ;
  • wifi non requis ;
  • utilisation des tablettes à l’école seulement

40€ par an et par enfant, c’est-à-dire moins de 1% des dépenses consacrées chaque année par l’État et les collectivités locales à un élève de primaire. Si l’on met en regard ces 40€ avec le coût du décrochage pour notre pays – 230 000€ cumulés tout au long de sa vie pour un élève ayant décroché, soit près de 30 milliards de dette contractés chaque année –, cet investissement paraît dérisoire face aux enjeux de l’instauration d’une véritable égalité des chances. comme l’ont montré les travaux du prix Nobel James Heckman, chaque euro consacré à un très jeune enfant permet d’en économiser jusqu’à huit plus tard, dans les domaines de la santé, de l’emploi, de l’éducation, de la sécurité, de la justice ou des services sociaux.

Une étude récente de l’OCDE démontre qu’il n’existe pas de corrélation entre équipement numérique et réussite scolaire…pourquoi ce travail a-t-il renforcé nos convictions ?

Cette étude met en évidence que l’adoption du numérique sans changement des pratiques pédagogiques n’a jamais produit d’effet. Elle n’est efficace que si les enseignants sont formés aux usages et pas seulement aux outils. En outre, dans cette formation renouvelée, l’accent doit être mis également sur la sensibilisation à la méthodologie d'expérimentation, l’intégration des avancées des sciences cognitives ainsi que l’aide au diagnostic des difficultés. C’est le modèle adopté par les pays qui allient bons résultats et fortes pratiques numériques, comme la Norvège ou l'Australie. Dans ces deux pays, le numérique est pleinement intégré à l'enseignement et son adoption en classe s’est accompagnée de nouvelles pratiques pédagogiques : travail en petits groupes, apprentissage par projets et personnalisation de l’enseignement.

Peut-on réussir le numérique éducatif sans les enseignants ?

L’État, les collectivités, les enseignants et les parents partagent la même préoccupation face aux défaillances de notre système scolaire. Pour élaborer ce rapport, nous avons rencontré beaucoup d’enseignants très engagés. Il faut à présent investir plus largement sur leur formation et l’accompagnement de nouvelles pratiques pédagogiques. De nombreuses "pépites" existent déjà, l’enjeu est désormais de les mettre en cohérence, de favoriser la diffusion de celles qui ont démontré leur efficacité grâce à une évaluation rigoureuse et d’engager l’ensemble des parties prenantes dans ce mouvement. Pour y parvenir, les projets numériques pour l’éducation devront engager l’ensemble des parties prenantes (les enseignants au premier chef mais aussi les élus locaux, les parents, le ministère de l’Éducation nationale, les Recteurs, etc.) et être sous-tendus par une vision partagée et une stratégie rigoureusement définie.

L’équipement des écoles primaires est à la charge des maires, comment aider nos élus à faire les bons choix ?

Conscients des enjeux qui président à l’introduction du numérique à l’école, les maires peut se retrouver démunie face à l’ampleur de la tâche. Les exemples d’échecs, d’investissements mal alloués, de mauvais choix et de manque de coordination sont pléthoriques. Comment se lancer ? Par quoi commencer ? Mais surtout, comment faire les bons choix ?

Pour aider les élus locaux, nous avons élaboré une charte du numérique éducatif destinée aux maires. Cette charte se veut un guide de bonnes pratiques pour concevoir, déployer et piloter les initiatives locales, en associant étroitement tous les acteurs du système éducatif.

Découvrez la charte des bonnes pratiques

Pourquoi agir dès l’école primaire ?

140 000 jeunes Français quittent chaque année le système scolaire sans diplôme ni qualification, 80 % d’entre eux étaient déjà en difficulté à l’école primaire. Le primaire est ainsi à la source des difficultés qui affectent le système éducatif français et auxquelles le secondaire échoue à porter remède.

Pourtant, la recherche montre que 95 % des enfants peuvent réussir, lorsque des méthodes d’enseignement appropriées sont déployées très tôt. Les travaux menés par l’économiste James Heckman, prix Nobel d'Économie en 2000, ont prouvé que toute ambition pour l’égalité des chances impose d’agir le plus tôt possible.

Consulter le rapport Le numérique pour réussir dès l’école primaire


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