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22/10/2014

Le contrat de travail unique : où en est-on?

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Le contrat de travail unique : où en est-on?
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Manuel Valls a déclaré vouloir "agir" sur les "inégalités importantes" entre les salariés "très protégés" en CDI et les salariés précaires en CDD et en intérim, dans un entretien publié aujourd'hui par l'Obs.

En 2012, les chômeurs représentaient 10 % de la population active et les personnes travaillant à temps partiel 16 %, contre 3 % et 7 % en 1975. Depuis les années 1980, la diversification des contrats de travail, par le développement des contrats à durée déterminée (CDD), du travail intérimaire et des stages, a conduit à une précarisation de certains travailleurs en comparaison avec la stabilité des contrats à durée indéterminée (CDI).

Ainsi au quatrième trimestre 2013, 84 % des embauches ont été réalisées en CDD - le niveau le plus haut de ces quinze dernières années. Cette dualité du marché du travail a été dénoncée par le sociologue Robert Castel et par Jean Tirole, à qui la Banque Centrale de Suède vient de décerner le Prix Nobel d’économie.

Dans un rapport du Conseil d’analyse économique Olivier Blanchard et Jean Tirole proposaient déjà en 2003 de réformer en profondeur le système français de protection de l’emploi  selon trois axes :

- renforcer la responsabilité financière des entreprises en instaurant une taxe sur les licenciements. Le système actuel de contribution des entreprises présente une double incitation au licenciement : directe, en raison de l’absence d’internalisation par l’entreprise du coût du licenciement pour l’assurance chômage, et indirecte dans le sens où le licenciement réduira le montant des cotisations dues par l’employeur ;

- simplifier le processus administratif du licenciement et limiter le rôle des instances judiciaires. Cette seconde proposition découle naturellement de la première dans le sens où les contrôles administratifs et judiciaires deviennent moins nécessaires lorsque les entreprises sont responsabilisées. L’employeur est mieux placé que le juge pour décider de la pertinence du licenciement ;

- remplacer les CDD et les CDI par un contrat de travail unique et modulable. Ce dispositif introduirait une augmentation progressive des droits des licenciés et des devoirs des employeurs en fonction de l’ancienneté du salarié et de son expérience sur le marché du travail. Cette mesure permettrait d’agir sur la dualité du marché du travail, en facilitant l’intégration des jeunes et la réinsertion des chômeurs.

Prudents et pragmatiques, les auteurs précisaient cependant qu’une taxe trop élevée sur les licenciements risquerait d’affaiblir encore plus des entreprises en difficulté et constituerait une désincitation à l’embauche. En outre, des forces contradictoires agiraient sur les négociations salariales. On pourrait en effet s’attendre à ce que les salariés concèdent une modération salariale en échange d’une protection renforcée. Pourtant, un tel système de protection augmente le pouvoir de négociation des salariés et devrait augmenter globalement les salaires. 

En Italie, le Premier ministre Matteo Renzi a fait du contrat de travail unique à protection progressive l’un de piliers de son programme économique des "1000 jours". Le gouvernement italien propose de
libéraliser, simplifier et réduire le nombre de contrats de travail prévus par le code du travail inchangé depuis 1970.

En France, de nombreux rapports  ont alimenté le débat sur la dualité du marché du travail ces vingt dernières d’années. La remise du Prix Nobel à Jean Tirole a permis de révéler des lignes de fractures moins profondes qu’habituellement, comme le montrent les récentes réactions d’hommes politiques de gauche comme de droite. Preuve que nous sommes enfin mûrs pour dépolitiser cette question et avancer sur la mise en œuvre d’un contrat de travail unique ?

Par Tim Glinert pour l'Institut Montaigne

Pour aller plus loin :

"Emploi des jeunes : il y a urgence" - Dossier"

Un CDI pour tous, Étude - novembre 2011

Les réformes (rapides et possibles) du marché de l’emploi, selon Jean Tirole

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