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09/12/2014

Fiscalité des entreprises : des pistes pour accroître la compétitivité et assainir les finances publiques

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Fiscalité des entreprises : des pistes pour accroître la compétitivité et assainir les finances publiques
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Alors que les représentants du patronat se sont mobilisés la semaine dernière contre différents dispositifs du gouvernement parmi lesquels le compte pénibilité, la loi Hamon sur les actions de groupe (class actions) et l'interdiction d'embaucher à temps partiel sur des contrats de moins de 24 heures hebdomadaires, l'Institut Montaigne s'est penché sur la question de la fiscalité des entreprises.

Les principaux impôts payés par les entreprises

Les impôts des entreprises peuvent être prélevées à partir de deux sources : les bénéfices qu’ils réalisent ; et les facteurs de production - travail et capital.

En France, l’impôt sur les sociétés (IS) –prélevé sur les bénéfices- est la troisième source de recettes de l’État après la TVA et l’impôt sur le revenu. Le taux nominal de l’impôt sur les sociétés est de 33,33 %. Pour les PME, ce taux est réduit à 15 % quand leurs profits sont inférieurs à 38 120 euros. Pour les grandes entreprises, le taux effectif est souvent supérieur au taux nominal en raison de diverses surtaxes sur les bénéfices. La Commission européenne estime ainsi qu’en raison de la contribution exceptionnelle en place depuis 2011 et renforcée pour les exercices budgétaires de 2014 et 2015, les grandes entreprises ayant un chiffre d’affaire supérieur à 250 millions d’euros versent en réalité 38 % de leurs bénéfices.

En plus de l’impôt sur les sociétés, les firmes sont redevables de la contribution économique territoriale qui remplace la taxe professionnelle depuis 2010. Le taux varie selon les collectivités mais est plafonné à 3 % des bénéfices.

Les entreprises implantées en France versent également une série d’impôts liés à l’utilisation des facteurs de production, principalement le capital et le travail.

Outre les cotisations sociales, de nombreux prélèvements obligatoires sont assis sur la masse salariale : taxe sur les salaires, versement transport, participation à l’effort de construction, contribution au profit du Fonds national d’aide au logement, prélèvement au profit de l’Association sur la garantie des salaires, taxe d’apprentissage, contribution à la formation professionnelle, taxe finançant la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, etc.

Autres taxes, celles pesant sur le chiffre d’affaires et notamment la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) qui finance le régime de sécurité sociale des indépendants. D’autres taxes sur le chiffre d’affaires, acquittées par de nombreux secteurs (taxes sur le chiffre d’affaires des mutuelles, des laboratoires ; taxe administrative sur les opérateurs de réseau) représentent des volumes individuels certes moins élevés mais un montant cumulé non négligeable. Enfin, des prélèvements assis sur divers actifs participant au processus de production se sont multipliés et génèrent une forte complexité de gestion (droit de bail, contribution additionnelle au droit de bail, taxes sur les conventions et actes civils entre sociétés, taxes sur les véhicules de sociétés, taxes pour frais de chambres de commerces, etc.).

Évolution du taux d’imposition et comparaisons internationales


En France, le taux standard de l’impôt sur les sociétés est fixé à 33,33 %, ce qui est l’un des taux les plus élevés de l’UE où la moyenne est de 21,34 % en 2014, selon KPMG. Plus surprenant encore, alors que l’impôt sur les sociétés dans les pays voisins a considérablement diminué, passant respectivement de 30 % à 21 % au Royaume-Uni entre 2008 et 2014 ; et de 38,34 % à 29,58 % en Allemagne entre 2006 et 2014, l’impôt sur les sociétés en France est à un niveau stable depuis une décennie. L’Irlande est quant à elle connue pour avoir un taux extrêmement bas (12,5 %) qui rend le pays très attractif pour les investissements étrangers. Si le taux de l’IS en France est très élevé, celui des Etats-Unis est encore plus important puisqu’il atteint 40 % si on agrège les IS fédéraux et ceux des États.

Les niches fiscales : une spécificité française


Pour comparer les impôts sur les sociétés, il faut également tenir compte des assiettes fiscales. Afin de compenser le poids de la fiscalité, le législateur a multiplié les possibilités d’exonérations. Ainsi, les entreprises en France bénéficient-elles de plusieurs niches fiscales qui réduisent leur base d’imposition. Un document préparatoire au projet de loi de finances de 2014 recense pas moins de 20 dispositifs d’exonération fiscale pour les entreprises. Citons entre-autres, le crédit d’impôt recherche qui permet aux entreprises de bénéficier d’un crédit d’impôt à hauteur de 30 % de leurs dépenses de R&D. Avec un coût annuel estimé à 5,8 milliards d’euros, ce dispositif est la deuxième niche fiscale la plus importante après le crédit d’impôt compétitivité emploi. Cette multiplicité de niches fiscales crée des inégalités entre les entreprises selon leurs tailles et leurs branches d’activités.

La fiscalité des entreprises : une ressource soumise aux aléas conjoncturels

Certains agrégats macroéconomiques fluctuent plus que d’autres en période de récession. Ainsi, les bénéfices des entreprises sont plus sensibles que la consommation à la conjoncture (Plosser : 1989, page 62). Fiscalement, les recettes de l’impôt sur les sociétés sont donc plus fluctuantes que celles générées par la TVA. Une fiscalité qui repose en grande partie sur les entreprises est par conséquent un pari risqué pour la France. D’après les chiffres de l’OCDE, en Irlande, où rappelons-le le taux de l’impôt sur les sociétés est de 12,5 %  les recettes de cet impôt ont baissé de 24 % entre 2008 et 2009, passant de 5,1 à 3,9 milliards d’euros alors qu’en France sur la même période, les recettes ont chuté de 56,7 à 27,7 milliards d’euros, soit une baisse de 51 %.

Les impôts sur les facteurs de production, même s’ils sont moins soumis aux cycles économiques, constituent un poids supplémentaire lorsque les entreprises sont en difficulté. En effet, une entreprise dont l’activité est en baisse doit quand même s’acquitter de ces taxes, ce qui vient grever davantage encore sa marge et donc sa capacité à investir et à recruter. 

C’est pour cette raison que l’Institut Montaigne propose une lisibilité plus claire de l’impôt par la suppression des multiples taxes sur le cycle de production et un alignement du taux de l’impôt sur les sociétés avec les niveaux des principaux voisins européens. Cela permettrait aussi de revoir la question des niches fiscales en fonction de leur pertinence économique.

Par Tim Glinert pour l'Institut Montaigne

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