Rechercher un rapport, une publication, un expert...
L'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.
10/03/2016

Déployer les outils numériques pour lutter contre l’échec scolaire – Interview d’Henri de Castries sur BFMTV

Imprimer
PARTAGER
 Institut Montaigne
Auteur
Institut Montaigne


Henri de Castries, Président de l'Institut Montaigne, était lundi 7 mars l'invité de Ruth Elkrief sur BFM TV. Il présentait à cette occasion le rapport Le numérique pour réussir dès l'école primaire, réalisé par l'Institut Montaigne en partenariat avec le Boston Consulting Group.

Ruth Elkrief : Concernant votre rapport, j’ai l’impression que l’on a déjà beaucoup réfléchi sur le fait que le numérique peut aider et permettre la réussite scolaire. Qu’est-ce que vous apportez de plus ?

Henri de Castries : L’Institut Montaigne a réfléchi pendant plus d’un an sur le sujet. Nous avons bien sûr conscience de ne pas être les premiers à s’être penché sur la question, mais une des caractéristiques de l’Institut Montaigne, c’est d’étayer ses analyses d’un grand nombre de recherches factuelles et quantifiées pour ensuite déboucher sur des propositions concrètes qu’il est possible de mettre en œuvre.

Ruth Elkrief :  En fait vous nous proposez des bonnes pratiques du numérique à l’école, c’est-à-dire comment ne pas dépenser de l’argent sans réfléchir, inutilement et sans résultat.

Henri de Castries :  Il faut aller au-delà de l’idée que l’outil est le seul élément de la solution. Ce que ce rapport explique est simple. Notre pays est dans une situation particulière et dramatique : chaque année, 20% d’une classe d’âge sort du système scolaire sans maîtriser correctement les acquis fondamentaux. Et ces jeunes sont ceux qui après auront du mal à s’insérer dans le monde du travail et dans la société en général. Cela a un coût économique, politique et social majeur. Quand on regarde pourquoi ils en sont là, on se rend compte que 80% d’entre eux avaient déjà des difficultés lourdes à l’école primaire. Pourquoi ? Parce que notre système n’est pas en mesure de consacrer un temps suffisant aux apprentissages fondamentaux. Il faut 35 heures d’interaction entre un élève et son professeur pour maîtriser la lecture. Aujourd’hui, le système n’en dispense que de 20.

Ruth Elkrief : 
Alors la tablette c’est l’instrument miracle ?

Henri de Castries :  Ce n’est pas l’instrument miracle, mais c’est une partie de la solution. Mais pour qu’elle fonctionne, il faut mettre ensemble les parties prenantes que sont les enseignants – parce qu’ils sont les premiers à être conscients de ces sujets et les premiers à essayer de rechercher des solutions constructives – et les parents, parce que les enfants passent plus de temps à regarder des tablettes et des écrans en dehors de l’école qu’ils ne passent de temps à l’école. La troisième partie prenante, ce sont les collectivités locales, les élus, les maires, puisque c’est eux qui ont la maîtrise de l’équipement du primaire. Autour de ces technologies nouvelles, il faut organiser un véritable écosystème qui mette l’ensemble des parties prenantes en responsabilité pour essayer de trouver une solution.

Ruth Elkrief :  D’ailleurs, vous donnez des conseils directement aux maires. Vous évoquiez les tablettes utilisées à la maison. Cela aussi est intéressant dans le rapport car, d’une certaine façon, il y a l’idée qu’il faut prolonger le temps d’apprentissage à la maison grâce à la tablette et que cela peut réduire les inégalités. 

Henri de Castries :  Absolument. Un enfant qui est un peu plus talentueux que la moyenne ou mieux entouré que la moyenne va pouvoir combler le manque d’heures d’apprentissage dispensées à l'école. Un enfant qui n’a pas cette chance ne le pourra pas. Ce que nous pensons, c’est qu’une utilisation intelligente des outils numériques permet de combler ce retard, permet aux professeurs de se concentrer davantage sur les élèves qui ont des difficultés, permet aux élèves qui ont des difficultés d’apprendre d’une façon répétitive et plus ludique ce que sont les réflexes fondamentaux et élémentaires.

Ruth Elkrief : Vous avez aussi étudié un certain nombre d’exemples dans les pays étrangers et les expériences qui sont conduites en France dans certaines villes. Est-ce que vous diriez qu’il faut initier au code et à la programmation dès le plus jeune âge, comme cela est fait dans certains pays'

Henri de Castries :  C’est un débat un peu différent mais c’est une question qu’il faut se poser. On peut se demander si le code n’est pas l’écriture des générations à venir. Mais avant même cela, je pense qu’il faut aujourd’hui se concentrer sur le primaire. Parce que le primaire est la racine de tout. Si on veut réduire le taux d’échec, si on veut honorer la promesse républicaine d’égalité des chances, il faut s’intéresser au primaire qui est le secteur de l’éducation dans lequel en France nous investissons moins qu’ailleurs. Le rapport de l’Institut Montaigne ne vient pas en opposition à tout ce qui a été fait et qui continue d’être fait. Le rapport dit simplement qu’on investit pas plus de 5000 euros par an sur le primaire en France. C’est moins que n’investissent nos voisins. On constate que nous reculons dans les classements PISA, on constate que nous avons 140 000 jeunes qui sortent sans qualification du système en fin de course. Investir un peu plus sur le primaire présente de très fortes chances, si cet investissement est fait intelligemment, de réduire l’échec. Et quand on dit investir un peu plus, les propositions de l’Institut Montaigne montrent qu’une quarantaine d’euros par élève c’est l’amorce d’une solution.





Recevez chaque semaine l’actualité de l’Institut Montaigne
Je m'abonne