Rechercher un rapport, une publication, un expert...
L'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.
29/04/2016

Chute du cours du pétrole : les 5 principaux enjeux pour l’économie mondiale

Imprimer
PARTAGER
Chute du cours du pétrole : les 5 principaux enjeux pour l’économie mondiale
 Institut Montaigne
Auteur
Institut Montaigne



Si les cours du pétrole se sont redressés début juin 2016 ? au plus haut depuis octobre 2015, à 51$ le baril de Brent ? cette évolution est avant tout le résultat d'une succession d'évènements "malheureux" qui ont fortement impacté la production mondiale de pétrole.

MISE A JOUR AU 7 JUIN 2016 :

  • plusieurs attaques terroristes ont frappé les installations pétrolières au Nigéria, entrainant une réduction de la production d’au moins 500 000 barils par jour ;
  • les feux de forêts dans la région de Fort McMurray au Canada ont forcé les compagnies pétrolières du pays à  couper une partie de leur production, soit un peu moins de 1,5 million de barils par jour.

Par ailleurs, la réunion de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) du 2 juin dernier, destinée à trouver un accord pour limiter la production, s’est soldée par un nouvel échec : le cartel a maintenu le statu quo sur la production. Cette impasse a immédiatement provoqué une chute du cours du Brent, qui fut contrebalancée par les évènements décrits ci-dessus. Une nouvelle baisse des cours est tout à fait envisageable : sans accord entre producteurs, le cours du Brent est voué à rester durablement bas.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------

Le FMI a publié ce lundi 25 avril les perspectives économiques régionales pour le Moyen-Orient, l’Afrique du Nord, l’Afghanistan et le Pakistan. Avec un constat principal : les économies du Moyen-Orient doivent faire les réformes nécessaires pour s’adapter à un cours du pétrole faible, puisque celui-ci devrait persister sur le moyen-long terme. La mauvaise entente entre producteurs et la surproduction qui en découle empêchent une remontée des cours. Quelles seront les conséquences sur l’économie mondiale  d’un pétrole durablement à prix bas ? Réponse en cinq points.

Des exportateurs sous pression
Pour les pays exportateurs de pétrole, la persistance des faibles cours entraine une baisse drastique des recettes, et une croissance en berne. A titre d’exemple, l’Arabie Saoudite – plus importante économie du Moyen-Orient – devrait voir sa croissance limitée à 1,2% en 2016, contre 3,4% en 2015. L’impact peut cependant être bien plus fort, comme au Venezuela (recul du PIB de 6% en 2015 et 8% attendus en 2016 par le FMI).
Tous les membres de l’OPEP sont dans l’obligation de prendre des mesures sans précédent, tels que des hausses de TVA sur les produits pétroliers, des réductions de subventions mais aussi – et surtout – des mesures visant à créer des emplois dans le secteur privé. Ces dernières permettent de réduire les dépenses publiques tout en diversifiant l’économie, une stratégie indispensable selon le FMI pour réduire la dépendance aux matières premières : « Il est indispensable d’approfondir les réformes structurelles pour favoriser la diversification et la croissance des secteurs non pétroliers ».
Au sein des compagnies pétrolières privées, les dépenses – notamment de personnel – ont été coupées pour diminuer le coût de production. En conséquence, des pertes d’emplois directs et indirects se sont fait ressentir : à titre d’exemple, au Royaume-Uni, la Fédération de l’industrie pétrolière estime à 120 000 le nombre d’emplois supprimés en deux ans. Une réduction des effectifs qui permet à la filière de rester compétitive : en effet, le coût d'extraction du baril de la mer du Nord s'établit en juin 2016 à 17 dollars contre 30 l'an dernier.

Des importateurs partagés
A première vue, difficile d’imaginer que les importateurs de pétrole puissent souffrir d’une baisse des cours. La facture pétrolière globale est d’ailleurs descendue sous les 2% du PIB mondial en 2015, pour la première fois depuis 1999. En 2014, elle en représentait encore plus du double (5%). A titre d’exemple, la facture énergétique de la France a diminué de 14,6 milliards d’euros entre 2014 et 2015 (de 54,7 à 40,1 milliards). Néanmoins, l’effet positif de la chute des prix du pétrole est à nuancer, notamment du fait des externalités négatives qui impactent les finances publiques.
-    De par la faible inflation qu’elle entraîne : les recettes fiscales en sont grandement impactées, notamment celles issues de la TVA, qui représentent en France 50 % des recettes fiscales en 2015, soit 193 milliards d’euros.
-    De par les problèmes de désendettement qui en découlent : une inflation forte réduit la valeur réelle de la dette et le poids des intérêts ; à l’inverse, une inflation faible alourdit le poids de la dette passée et rend le désendettement plus difficile. A titre d’exemple, la zone euro a une dette publique totale de 91,6% du PIB au troisième trimestre 2015.

Des banques centrales impuissantes
La zone euro a connu une inflation nulle en 2015, d’après les chiffres de la Commission européenne qui a revu ses prévisions à la baisse pour 2016 (+ 0,5 % contre + 1% en novembre dernier). La Banque Centrale Européenne (BCE), qui a pour mission d’assurer une inflation « proche mais sous 2% » pour la zone euro, se retrouve impuissante face à la chute des cours. L’inflation ne décolle pas, et ce malgré les nombreuses mesures conventionnelles – baisse des taux d’intérêt – comme non-conventionnelles – « quantitative easing » (augmentation de la masse monétaire), « forward guidance » (orientation des anticipations des taux futurs) –mises en place par Mario Draghi.

Des consommateurs, particuliers comme professionnels, satisfaits
Le pétrole bas est un atout non négligeable pour les entreprises comme pour les particuliers. L’allègement de la facture énergétique pour les entreprises est significatif : en France, tous secteurs confondus, le taux de marge des entreprises continue d’augmenter, atteignant 31,4% fin 2015 – soit son plus haut niveau depuis 2011. Les entreprises des secteurs aérien et chimique sont les premières concernées par la chute des cours. Notons néanmoins que la baisse des prix bénéficie à tous nos partenaires commerciaux, et pas seulement aux entreprises françaises. Il demeure donc nécessaire d’agir, en parallèle, sur les autres leviers de la compétitivité : les voies d’action sont nombreuses.
Les consommateurs sont eux aussi bénéficiaires du faible cours du pétrole via une essence à bas prix et des gains de pouvoir d’achat conséquents. En France, celui-ci a progressé de 1,8% en 2015 (contre 1,1% en 2014). En zone euro, l’augmentation est de 1,7% en 2015, soit la plus forte hausse depuis 2007 : l’Insee prévoit une nouvelle hausse de 0,8% au 1er trimestre 2016.

Des écologistes inquiets
Le prix bas du baril n’est pas une bonne nouvelle pour les sources d’énergie peu carbonées car il contribue à les rendre moins compétitives. Ce niveau historiquement bas relance le débat autour de la détermination politique du prix du carbone dans la mesure où les arbitrages énergétiques sont recomposés sur des logiques économiques de marché. Comme l’explique la récente note de l’Institut Montaigne Entreprises & climat : de la mobilisation à l’action, un prix du carbone pèserait sur l’attractivité du pétrole et donnerait ainsi un avantage compétitif aux énergies faiblement carbonées.


Sur le même sujet

 

 

Recevez chaque semaine l’actualité de l’Institut Montaigne
Je m'abonne