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24/07/2018

Portrait de Recep Tayyip Erdogan - Président de la République de Turquie

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Portrait de Recep Tayyip Erdogan - Président de la République de Turquie

Après le russe Poutine et le centre-européen Orban, voici Erdogan, le maître de la Turquie, c’est-à-dire d’un pays au croisement des mondes européen, slave et oriental. Lui aussi détient un pouvoir qui résulte des urnes, mais qu’il exerce d’une manière absolue. Comment expliquer la "dérive autoritaire", selon l’expression consacrée, qui caractérise depuis plusieurs années l’évolution de son mode de gouvernement ? Nous avons demandé à un haut fonctionnaire français familier de la Turquie de nous donner, sous un pseudonyme, un éclairage.

Michel Duclos, conseiller spécial géopolitique, rédacteur en chef de cette série de l'été.

 

Juin 2018 : Recep Tayyip Erdogan (RTE), qui dirige la Turquie depuis 15 ans, est réélu président de la République dès le premier tour. Son parti, l’AKP, remporte les élections législatives. Il sera en mesure, grâce à son alliance avec les ultra-nationalistes, de dominer le parlement.

Ces résultats vont permettre à celui que l’on surnomme désormais le "nouveau Sultan" de mettre en œuvre la constitution qu’il a fait adopter par référendum en avril 2017, et qui concentre tous les pouvoirs entre les mains du Président. M. Erdogan est-il à l’apogée de sa carrière ? Oui, bien sûr, et c’est en même temps un homme seul, replié dans ses palais, n’ayant plus dans le parti et le gouvernement que des obligés peu enclins à lui dire les choses telles qu’elles sont. Sur le plan international, son seul ami est M. Poutine, à qui un homme d’Etat raisonnable ne peut faire qu’une confiance mesurée.

Depuis plusieurs années, RTE s’appuie de préférence, pour gérer les affaires du pays, sur quelques conseillers, dont son gendre et le frère de celui-ci. "M. Gendre" vient d’ailleurs d’être nommé Ministre des Finances. On parle à mot couvert dans les couloirs d’une tentation dynastique. Les semaines de campagne qui ont précédé le scrutin de juin ont été difficiles pour Recep Tayyip Erdogan. Les sondages sont restés incertains jusqu’au bout. L’opposition a pu cette fois dresser devant lui des candidats crédibles, notamment Muharrem Ince. Surtout, les meetings qu’il a multipliés n’ont pas soulevé l’enthousiasme habituel, comme si son charisme commençait à s’user, sa rhétorique à s’épuiser.

Et pourtant, M. Erdogan a une fois de plus gagné. Il peut, en cet été 2018, poursuivre son rêve d’une Turquie complètement remodelée qu’il domine presque sans contrepoids, non sans rappeler au fond Kemal Atatürk, dont d’ailleurs il commence à revendiquer l’héritage. Les prisons du pays sont remplies d’opposants, les médias sont muselés, le patronat a dû se soumettre, l’armée, la justice, les administrations ont été épurées. La guerre contre les Kurdes du PKK est relancée.

Comment M. Erdogan, héraut il y a quelques années encore d’un Islam politique modéré, respectueux des règles de la démocratie et des droits de l’homme, est-il devenu au fil des années, un "homme fort" de type classique, pratiquant un exercice totalement personnel du pouvoir ? 

"Il adhère dès son adolescence à un ethos qui est celui de la mouvance islamiste de l’époque, anti-laïc bien entendu, anti-occidental, fier de la grandeur passée de l’empire ottoman, nationaliste, hostile aux élites de l’establishment kémaliste"

Recep Tayyip Erdogan est né en 1953 dans un quartier populaire d’Istanbul, le Kasimpasa, situé en contrebas de Pera, qui est l’équivalent stambouliote du quartier parisien de Saint-Germain-des-Prés. Les habitants de Kasimpasa sont conservateurs sur le plan religieux, là où Pera abrite une élite cosmopolite. La famille du jeune Recep Tayyip vient de province, d’une ville de la Mer Noire (Rize) avec laquelle les Erdogan restent très liés. C’est une famille pieuse, peu aisée (le père est capitaine de navire sur le Bosphore) mais pas non plus vraiment pauvre, contrairement à ce que les hagiographes du Président de la Turquie laissent volontiers entendre.

Enfant, Recep Tayyip Erdogan (RTE) effectue sa scolarité dans un établissement qui forme des imams et des prédicateurs, un imam hatip, ce qui dans les années 60 et 70 n’allait pas de soi. Il subit, comme ses frères et sœurs, le comportement d’un père violent. Il est pendant plusieurs années footballeur semi-professionnel, mais interrompt sa carrière sans doute pour des raisons politiques, mais peut-être aussi sous l’injonction de son père.

Il adhère dès son adolescence à un ethos qui est celui de la mouvance islamiste de l’époque, anti-laïc bien entendu, anti-occidental, fier de la grandeur passée de l’empire ottoman, nationaliste, hostile aux élites de l’establishment kémaliste, qui a imposé la république en réprimant les sentiments religieux d’une partie de la population, notamment dans les classes populaires et dans la Turquie profonde des provinces. C’est sans doute là un élément central, qui structure la personnalité politique de Recep Tayyip Erdogan. Homme de pouvoir, capable de beaucoup de pragmatisme, sa vision du monde ne s’éloignera jamais complètement de celle du garçon de Kasimpasa pour qui le combat essentiel reste, au nom d’un islam synonyme de nationalisme, la lutte contre l’arrogance de l’establishment kémaliste qui se pavane à Pera. 

"Le jeune Erdogan, grâce à un indéniable charisme, accédera vite aux responsabilités au sein des formations islamistes."

Il s’engage très tôt dans la formation islamiste, le Milli Gorus, que dirige le grand leader de l’Islam politique turc de l’époque, Necmettin Erbakan, lui-même influencé par les Frères Musulmans. Le jeune Erdogan, grâce à un indéniable charisme, accédera vite aux responsabilités au sein des formations islamistes. Son militantisme – et la chance – le conduisent à la mairie d’Istanbul en 1994 : il est élu avec 24 % des voix grâce aux absurdes divisions de ses adversaires de l’establishment. Il peut en concevoir le sentiment qu’il est un homme désigné par le destin. 

M. Erbakan est chassé du gouvernement en 1997 par l’armée. RTE est lui-même envoyé quelques mois en prison, pour avoir lu dans un meeting un poème classique intolérable dans le contexte pour les militaires. La mairie d’Istanbul lui avait valu une notoriété nationale. La prison sera pour lui l’occasion de réfléchir en profondeur à la nécessité de renouveler le message de l’Islam politique.

Une fois libéré, il saura, avec d’autres "réformateurs", s’éloigner d’Erbakan. Il fera partie des fondateurs de l’Adaletet ve Kalinma Partisi (AKP), porteur d’un islam politique modernisé, qui met en avant la lutte contre la corruption et son attachement à la démocratie.  Dans une interview en 1996, RTE avait déclaré que la "démocratie est comme un tramway : on en descend quand on a atteint le terminus". En 2000, au contraire, il disqualifie ceux qui veulent l’instauration de la charia et déclare qu’il n’"instrumentalisera" jamais la démocratie.

Toutefois, jusqu’où va cette conversion à la démocratie ?

"Très vite aussi, il cultive un lien direct avec le peuple, auquel il parle de meeting en meetings le langage de celui qui représente les classes populaires contre les ploutocrates."

Lors du premier mandat de l’AKP, de 2002 à 2007, le gouvernement dirigé par M. Erdogan donne des gages perçus sur le moment comme considérables. Son premier soin est de répondre favorablement aux exigences de l’Union européenne dans le cadre du processus d’adhésion. Le parlement turc adopte à marche forcée toute une série de lois destinées à adapter la législation du pays aux normes européennes, s’agissant notamment du rôle de l’armée ou le code pénal.

L’élan perdra de sa vigueur quelques années plus tard, parce qu’un certain nombre de mesures adoptées par la Turquie se révèlent insuffisantes, en matière de torture par exemple, et aussi parce que, du côté européen, des dirigeants conservateurs comme Nicolas Sarkozy et Angela Merkel viennent doucher les espoirs des Turcs. RTE est blessé de certaines attitudes de ses partenaires européens. 

Mais surtout, rétrospectivement, il apparait que la relation avec l’Union européenne a été instrumentalisée par l’AKP pour se protéger de l’"Etat profond" kémaliste, et au-delà pour réduire son influence dans les affaires de l’Etat. Erdogan est à la manœuvre et, sous l’apparence d’un homme fruste, confirme ses qualités de stratège politique. A cette époque, certains membres du gouvernement boivent de l’alcool en public. Ils viennent d’autres partis que l’AKP, ou ont été recrutés pour leur qualité de technocrates rassurants pour l’establishment kémaliste. Au sein même du parti, M. Gül, vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères et d’autres caciques, font entendre une petite musique différente de celle du Premier ministre. Celui-ci cependant est impitoyable avec ses rivaux. 

Très vite aussi, il cultive un lien direct avec le peuple, auquel il parle de meeting en meetings le langage de celui qui représente les classes populaires contre les ploutocrates. Son talent de tribun magnifie un langage manichéen qui lui assure un ascendant sans équivalent sur certaines couches de la population, dans les campagnes et les petites villes. Il promeut inlassablement un modèle caricaturalement patriarcal du couple, celui qu’il applique d’ailleurs avec sa femme Emine. Dans les services de sécurité et d’autres administrations, il entreprend l’éviction des cadres traditionnels au bénéfice des islamistes, en coopération avec ses alliés du mouvement güleniste, cette puissante nébuleuse politico-religieuse dirigée par son chef spirituel depuis les Etats-Unis.

"L’année 2007 marque cependant un premier tournant, la reprise des hostilités entre establishment kémaliste et les islamistes"

Peut-être en raison de la croissance remarquable que connait le pays, le parti d’Erdogan obtient en 2007 une seconde victoire aux élections générales, en améliorant son score précédant. C’est l’époque où l’AKP incarne un islam politique compatible avec la démocratie, un "conservatisme démocrate" comme il y a en Europe un mouvement "démocrate-chrétien".

L’année 2007 marque cependant un premier tournant, la reprise des hostilités entre establishment kémaliste et les islamistes. A l’issue du mandat du président Sezer, l’état-major des armées annonce son opposition à l’élection d’un président venant de l’AKP. M. Erdogan fait face, obtient l’élection de M. Gül par le parlement et lance un référendum pour faire élire le président au suffrage universel. Un peu plus tard, sans doute sous l’impulsion des gülenistes, qui se sont infiltrés dans l’appareil judiciaire et les forces de l’ordre, sera lancé un procès retentissant, s’étalant sur des années, et mettant en cause des hauts responsables de l’armée pour leurs visées complotistes supposées. 

La Cour suprême tente aussi de déstabiliser le pouvoir de M. Erdogan. Elle échoue, à une voix près, à procéder à la dissolution de l’AKP. Le parti rend coup pour coup et sa pratique du pouvoir devient nettement moins consensuelle. Les arrestations de journalistes deviennent fréquentes. 2007 est aussi l’année des premières mises en cause sérieuses – avec le déclenchement d’une action de la justice allemande – de l’enrichissement personnel de M. Erdogan et de celui de sa famille.

Le second mandat de l’AKP sera illustré par des avancées dans le sens des conservateurs religieux – comme l’autorisation du voile à l’université –, par la prise de contrôle de pans entiers des médias et par ce que l’on a appelé l’ouverture kurde. M. Erdogan est l’homme d’Etat turc qui a fait le choix de prendre à bras le corps la question kurde qu’il distingue, dans un discours célèbre à Diyarbakir, de la question du PKK. De nouveaux droits importants sont reconnus aux Kurdes. Des négociations, d’abord secrètes, iront très loin avec la direction du PKK. Avec le recul, beaucoup se demandent s’il ne s’agissait pas seulement, dans l’esprit de RTE, d’isoler davantage par ce biais l’establishment kémaliste.

En toute hypothèse, une moitié au moins de la population kurde de Turquie soutient l’AKP, par sentiment religieux et par haine du PKK.

A l’étranger, la cote de la Turquie n’a jamais été aussi élevée qu’au début des années 2000. Jadis marginale, elle est devenue un pays courtisé, avec de vastes ambitions. RTE voyage volontiers dans les autres pays, et bien que ne parlant aucune langue autre que le turc il impressionne par sa haute stature et son énergie. Son Ministre des Affaires étrangères, M. Davotoglu, croit à une sorte de néo-ottomanisme souple et pacifique. M. Erdogan parie sur la Syrie de Bachar el-Assad, dont il devient l’ami, ou sur le Qatar. Il interfère en coopération avec le Brésil, dans l’affaire nucléaire iranienne. Il se fâche spectaculairement avec Israël, ce qui complique sa relation avec les Etats-Unis mais lui vaut un accroissement de popularité dans le monde musulman et sur le plan intérieur.

"On assiste à l’écroulement d’un rêve, celui d’un espace sunnite s’inspirant du modèle turc dans une vaste zone de la Méditerranée à l’Asie Centrale. Il en résulte un basculement majeur dans l’orientation politique de Recep Tayyip Erdogan."

A partir de 2011 cependant, la Turquie de M. Erdogan est emportée dans le maelstrom déclenché par le "printemps arabe". Le succès turc ne va pas tarder à sombrer dans le drame. Dans un premier temps, ce qui se passe à Tunis ou au Caire parait confirmer les mérites du "conservatisme démocrate", conciliant islam politique et normes démocratiques. Visitant ses émules dans les deux capitales, RTE se donne les gants de recommander le respect de la laïcité. 

Cependant, Bachar el-Assad n’écoute pas ses conseils et choisit la répression à tout-va. Erdogan est obligé de rompre avec lui et de s’engager aux côtés de l’opposition. Il voit avec inquiétude les Kurdes syriens, dominés par une branche locale du PKK, se tailler une enclave semi-indépendante au Nord-Est de la Syrie. Plus généralement, l’échec généralisé du "printemps arabe" a un effet de démoralisation sur les cercles dirigeants de l’AKP. La chute de Morsi en Egypte, remplacé, le 3 juillet 2013, par un général de l’ancien régime (Sissi), est ressentie à Ankara à la fois comme un échec personnel pour M. Erdogan et comme une trahison des Occidentaux. On assiste à l’écroulement d’un rêve, celui d’un espace sunnite s’inspirant du modèle turc dans une vaste zone de la Méditerranée à l’Asie Centrale. Il en résulte un basculement majeur dans l’orientation politique de Recep Tayyip Erdogan.

Dans les semaines qui précédent le coup d’Etat contre Morsi, se développe à Istanbul le mouvement de contestation de la place Gezi. RTE perçoit la contestation comme une tentative de déstabilisation similaire à celle de Morsi, inspirée par les kémalistes et encouragée de l’étranger. Il répond au mouvement de Gezi avec une très grande brutalité. Il est évidemment désavoué par les Européens et les Etats-Unis.

En 2014, il se fait élire de justesse président de la République, lors de la première élection présidentielle au suffrage universel. Lorsque Daesh entre en majesté sur la scène irakienne (prise de Mossoul), il fait des choix surprenants, ne venant pas au secours de son allié kurde irakien, M. Barzani, et paraissant s’accommoder de l’organisation de M. Baghdadi. Il sera par la suite de plus en plus exaspéré par le partenariat que les Américains et leurs alliés nouent avec la branche syrienne du PKK pour lutter contre Daesh sur les bords de l’Euphrate.

"Recep Tayyip Erdogan règne depuis presque deux décennies sur la Turquie, mais la Turquie laïque, urbaine, côtière, productive sur le plan économique, est toujours debout. M. Erdogan n’en a pas fini avec elle."

C’est peut-être en 2015 que le personnage d’Erdogan achève définitivement sa mue. En juin, l’AKP recule aux élections, ce qui irrite profondément le Président turc. L’intervention russe en Syrie révèle dans toute son ampleur l’échec de sa politique syrienne, jusqu’alors très hostile à Assad. L’aviation turque descend un avion militaire russe, et Poutine réagit avec la plus grande fermeté.  

M. Erdogan devient de plus en plus irascible, autoritaire, "paranoïaque" pour reprendre l’expression habituelle. Il lance la Turquie dans une nouvelle guerre, sur le territoire national puis en Syrie, contre les Kurdes du PKK. Les attentats se multiplient dans tout le pays. Il pourfend plus que jamais l’Occident. Est-il un dictateur assiégé de toutes parts, dont les difficultés brouillent la vue ? Ou le stratège politique a-t-il décidé de passer, en prenant tous les risques, à la contre-offensive ?

Grace à sa stratégie de la tension, il gagne les nouvelles élections qu’il a convoquées en novembre 2015. En mars 2016, il consent à conclure un accord sur les réfugiés avec des Européens qu’il traite de haut car ils ont besoin de lui. 

Il accueille la tentative de coup d’état militaire du 15 juillet 2016 comme un "présent de Dieu", selon ses propres termes. Cette affaire lui permet de jeter en prison des milliers d’opposants ou simplement de gens qui ne le soutiennent pas, de purger en profondeur l’armée, de restreindre encore les libertés, de mener une lutte acharnée contre les milieux gülenistes, présentés (probablement à raison) comme les grands marionnettistes du putsch manqué. Faisant remonter à la surface tant de souvenirs, la population turque est nécessairement choquée par la tentative de coup d’Etat. Obama, Hollande, les autres dirigeants occidentaux ne comprennent pas que dans un moment d’intense émotion, une opportunité est à saisir pour renouer avec le Président turc. Vladimir Poutine le perçoit immédiatement et les deux dirigeants autoritaires se réconcilient dans les semaines qui suivent. En Syrie, M. Erdogan change de stratégie et coopère avec la Russie. 

En avril 2017, décidément lancé dans une martingale électorale, RTE réussit, de justesse à nouveau, à faire avaliser au suffrage universel une nouvelle constitution qui centralise tous les pouvoirs entre les mains du Président. Il a contre lui toutes les grandes villes, y compris Istanbul. Il continue son jeu à haut risque, envoyant une seconde fois son armée en Syrie, puis provoquant des élections anticipées – ces élections qu’il vient de remporter en juin et qui ouvrent la voie à un présidentialisme pratiquement sans limite, cette fois légitimé par les urnes.

Bien qu’il soit parvenu à ses fins, il est peu probable, sur le plan intérieur, qu’un nouvel Erdogan, magnanime et renouant avec le pragmatisme, puisse apparaitre, qui ferait le pari de la réconciliation nationale, révisant ainsi tous ses choix antérieurs. Sur le plan extérieur au contraire, face à la fragilité de la position turque, M.Erdogan pourrait renouer avec un jeu de bascule qui le rapprocherait de l’OTAN. La décision d’un tribunal, la semaine dernière, de ne pas libérer le pasteur américain Andrew Brunson, détenu par l’Etat turc, constitue toutefois un mauvais signe.

RTE a cessé de lire des livres depuis longtemps. Il regarde la télévision et essaie de ne jamais rater les épisodes de la célèbre série historique "Payitaht : Abdülhamid". Il admire Abdülhamid, le dernier chef de l’empire ottoman qui a tenté de sauver l’empire en gouvernant d’une main de fer. Que reste-t-il de la démocratie turque ? On serait tenté de dire : les élections.  Celles-ci sont affectées d’irrégularité, elles se déroulent dans un pays très fortement conditionné par le pouvoir en place, et pourtant les lettres de créances démocratiques du Président Erdogan sont incontestables. Ses opposants ont reconnu les résultats des dernières élections. Par ailleurs, Recep Tayyip Erdogan règne depuis presque deux décennies sur la Turquie, mais la Turquie laïque, urbaine, côtière, productive sur le plan économique, est toujours debout. M. Erdogan n’en a pas fini avec elle.


Dessin : David MARTIN pour l’Institut Montaigne.

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