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06/02/2019

L’IA en santé : un outil au service des médecins mais aussi des patients

L’IA en santé : un outil au service des médecins mais aussi des patients
 Daniel Szeftel
Auteur
Co-fondateur de SÊMEIA

La note IA et emploi en santé : quoi de neuf docteur ? publié en janvier 2019 par l’Institut Montaigne identifie avec justesse l’impact direct de l’IA sur les spécialités médicales mobilisant l’imagerie, telles que l’ophtalmologie ou la radiologie et une transformation à moyen terme des fonctions support aux soins, dont certaines tâches pourraient être largement automatisées. Si l’IA va probablement bouleverser les modalités de production de soins et l’activité des professionnels de santé, elle va également transformer profondément les parcours de soins des patients et leur qualité de vie.

Une prévention ciblée pour chaque patient et un dépistage plus précoce

Aujourd’hui, un certain nombre de stratégies de prévention primaire comme par exemple les conseils hygiéno-diététiques sont jugées inefficaces car déployés à l’aveugle sur une population entière. Des modèles puissants de stratification du risque de survenue d’une hypertension ou d’une complication cardiovasculaire ont déjà été construits grâce à des techniques d’IA. Ils permettront de cibler la proposition de programme d’activité physique adaptée chez les patients les plus à risque de survenue d’une maladie cardio-vasculaire.

L’IA pourrait permettre de faciliter et d’accélérer le dépistage des maladies rares.

Il en est de même pour le dépistage. On connaît ainsi le phénomène d’errance thérapeutique que subissent les patients atteints de maladies rares, attendant parfois des années avant que le dépistage et le diagnostic exacts de leur pathologie puissent être réalisés. Des premiers outils s’appuyant sur l’IA permettent d’identifier à partir du phénotype et du génotype des patients, la maladie rare dont ils sont atteints en moins de cinq minutes.

D’autres recherches mobilisent le machine learning afin d’orienter les investigations cliniques vers telle ou telle maladie rare à partir de données facilement collectées par les médecins traitants. Là encore, l’IA pourrait permettre de faciliter et d’accélérer le dépistage des maladies rares.

Un renforcement de l’autonomie du patient dans sa prise en charge

D’autres applications de l’IA sont destinées à renforcer l’autonomie des patients en leur évitant un recours systématique aux soignants et aux structures hospitalières pour être pris en charge. Des robots conversationnels peuvent ainsi réaliser une partie de l’éducation thérapeutique et de l’information du patient, concentrant les interactions entre soignants et patients sur les questions les plus complexes, où l’accompagnement humain est central. 

Dans le diabète, les premiers systèmes dits de "boucle fermée" ont démontré leur efficacité clinique : ils permettent le pilotage automatique de l’injection d’insuline en fonction des données d’un lecteur de glycémie en continu et des informations rapportées par le patient. Les algorithmes présents dans ces solutions se substituent à la décision répétitive du patient avec une fiabilité supérieure, lui permettant à terme de se détacher de la gestion multi-quotidienne de son traitement.

Un suivi personnalisé dans un parcours de soins adapté

L’IA est également à même d’améliorer fortement le suivi des patients et l’optimisation de leurs parcours de soins. En mobilisant d’importantes bases de données de santé, notamment les bases de remboursement disponibles sous forme anonymisée dans de nombreux pays (à l’instar du Système National des Données de Santé en France), il est possible de prédire, grâce au deep learning, des ruptures majeures dans les parcours de soins comme des arrêts de traitement, des hospitalisations, des crises, des décompensations ou rechutes.

Les capacités d’anticipation apportées par l’IA pourraient permettre de prévenir les rechutes, d’intervenir avant la survenue de ces ruptures et de renforcer les interventions auprès des patients les plus fragiles ou ayant le plus besoin d’un suivi régulier.

La pleine réalisation de ces promesses appelle la facilitation de l’accès aux données pour permettre le développement de nouvelles solutions d’IA sur une base large et non biaisée. C’est l’objectif du futur Health Data Hub français, dont le succès pourrait accélérer la mise en œuvre de solutions françaises d’IA, au bénéfice des patients.

L'intelligence artificielle pourraient permettre de prévenir les rechutes, d’intervenir avant la survenue de ces ruptures et de renforcer les interventions

Des innovations technologiques et éthiques

L’efficacité des solutions présentées dépendra également de la possibilité de mobiliser les données actives des patients, qu’elles se situent par exemple dans leurs dossiers informatisés à l’hôpital, dans des biobanques ou au sein du Dossier Médical Partagé (DMP). Une ouverture raisonnée de ces sources d’informations, sous le contrôle du patient et avec son consentement, constituerait une avancée majeure dans la mise en application pratique des promesses de l’IA. 

Pour se situer dans un cadre éthique, le développement de l’IA au service des patients devra évidemment se faire dans le respect de la confidentialité et de la sécurité des données médicales, le Règlement Général pour le Protection des Données (RGPD) constituant dans cette perspective un cadre à la fois ambitieux et réaliste qui s’impose progressivement au-delà de l’Europe. 

Enfin, pour faciliter l’acceptation et l’ancrage à long-terme de l’IA dans la vie des patients, un processus de certification innovant, à l’image du programme Pre-Cert de la Food and Drug Administration (FDA) américaine, devra permettre le maintien de la confiance du public dans les algorithmes d’IA qui promettent d’être de plus en plus présents dans la vie quotidienne des patients.

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