1. Un accès à la formation professionnelle complexe et inégalitaire
59 % des actifs français déclarent avoir déjà suivi une ou plusieurs formations durant leur carrière. Toutefois, ce chiffre cache une réalité hétérogène. En effet, les cadres et professions intermédiaires ont un taux d’accès respectif à la formation de 71 % et 64 % quand celui des employés et des ouvriers est de 45 % et 39 %.Les plus qualifiés sont donc aussi les plus formés.
L’inégalité ne s’arrête pas là.La taille de l’entreprise est un facteur discriminant : quand le taux d’accès à la formation est de 15,6 % pour les petites PME (de 10 à 19 salariés), il atteint 49,8 % pour les ETI (250 à 1 999 salariés) et 55,9 % pour les grandes entreprises (plus de 2 000 salariés).
Par ailleurs, 57 % des Français estiment être mal informés au sujet de la formation professionnelle. Les multiples dispositifs existants (bilan de compétences, compte personnel de formation, compte personnel d’activité) sont peu connus et peu utilisés. Ce manque d’information nuit à la responsabilisation des salariés dans leur parcours professionnel.
2. Un système très intermédié et déresponsabilisant
Depuis la loi fondatrice de 1971, la France a fait le choix d’attribuer une place centrale aux branches professionnelles et à leurs opérateurs, les OPCA (Organismes paritaires collecteurs agréés), dans le pilotage et le financement de la formation professionnelle. Concrètement, lorsqu’une entreprise souhaite faire financer une action de formation par son OPCA, elle doit obtenir l’accord de celui-ci. Le taux de prise en charge est, quant à lui, déterminé par l’accord de la branche à laquelle appartient l’entreprise.
En outre, pour une grande partie des actifs, la formation est vécue comme une “prescription” faite par l’entreprise et non comme une véritable réponse à leurs besoins d’évolution professionnelle. 61 % des Français interrogés déclarent ne pas avoir suivi de formation professionnelle car leur employeur ne leur a pas proposée. Une majorité des Français n’utilise donc pas ses droits à la formation.
3. Un système de financement de plus en plus confus
En 1971, le financement de la formation professionnelle était relativement simple : d’un côté, l’Etat finançait un certain nombre de dispositifs de promotion sociale généralistes. De l’autre, les entreprises, soit directement soit à travers les OPCA finançaient la formation de leurs salariés. Quant à la formation des chômeurs, elle n’était pas, alors, une véritable préoccupation.
Avec l’apparition du chômage de masse, de nouveaux acteurs (les régions, Pôle emploi, l’Etat, etc.) se sont vus attribués la tâche de financer la formation des chômeurs. D’autres opérateurs comme les OPCA ont été largement mis à contribution pour le financement de la formation des chômeurs et de leur rémunération. Ce qui a contribué à complexifier le système. Cette multitude d’acteurs, en charge de la gestion et du financement des formations, est peu compatible avec la volonté d’autonomiser les actifs et la nécessité d’accompagner les potentielles reconversions professionnelles de plus en plus fréquentes.
4. Une logique d’individualisation des formations inaboutie
Les réformes menées ces dernières années ont permis de créer des comptes formations individuels. Ces derniers répondent à une volonté d’autonomiser le salarié et de le responsabiliser davantage par rapport à son choix d’évolution professionnelle.
Malheureusement ces systèmes ne sont pas allés au bout de la logique. Tout d’abord, le financement d’une formation par le salarié est très complexe et nécessite l’accord de l’employeur quant au contenu et au calendrier. Ensuite, le compte personnel d’activité est aujourd’hui sous-financé avec un budget de 1,3 milliard d’euros pour environ 30 millions d’actifs. Enfin, la valorisation de ces droits se fait en heures ce qui renforce les inégalités entre salariés (une heure de formation d’un cadre est généralement plus coûteuse qu’une heure de formation d’un ouvrier ou d’un employé) et conserve au système une dimension très administrée (puisque ce sont les partenaires sociaux qui valorisent, au cas par cas, l’heure de formation).
Pour être efficace et suivre une logique d’individualisation, la formation professionnelle doit être accompagnée de conseils personnalisés, d’informations en matière d’orientation et, si nécessaire, d'une aide à la construction d’un projet professionnel. Le CEP (Conseil en Evolution Professionnelle), créé en 2014 procède de cette logique, mais faute de financement spécifique, mal connu et réservé uniquement à cinq réseaux ou opérateurs nationaux définis par le code du travail (Pôle emploi, Cap Emploi, APEC, les missions locales et les Fongécif), il est un échec total dans son format actuel.
5. Une évaluation des formations insuffisante
Il est très difficile de suivre le devenir des individus formés et d’assurer la traçabilité financière des fonds du fait de la complexité du système et de ses financements ainsi que de la multiplicité et la déconnexion des systèmes d’information entre eux.
Il n’existe pas aujourd’hui de système d’évaluation et de certification des formations indépendant, comme il en existe en Allemagne par exemple. Les salariés n’ont dès lors aucun moyen de s’assurer de la qualité des formations offertes sur le marché.
6. Une sous-utilisation des nouvelles technologies
En 2016, seuls 34 % des salariés français ont bénéficié d’une formation en ligne ou à distance, contre 62 % au Royaume-Uni. Le taux d’usage du numérique dans le domaine de la formation professionnelle en France est l’un des plus bas si on le compare à l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie ou le Portugal.
Les outils numériques présentent pourtant des avantages importants : accès facilité à la formation professionnelle, possibilité de développer des offres sur mesure adaptées aux besoins individuels, intérêt économique pour les organismes de formation, etc.
Pour remédier à ces failles et mettre en place rapidement une formation professionnelle efficace pour tous, nous formulons 12 propositions concrètes.