Proposition 6 : Poursuivre l'objectif de renforcement des capacités FCAS
Les systèmes aériens de combat sont une capacité clé pour les guerres de demain. Pourtant, aucun pays européen n'a actuellement l’aptitude financière ou industrielle de construire seul un avion de nouvelle génération, compte tenu des investissements requis et de la réduction des budgets militaires. En conséquence, les pays européens courent le risque, lorsque les programmes Rafale, Typhoon et Eurofighter seront achevés, de perdre cette compétence décisive. En outre, en sus des problématiques strictement industrielles, il est essentiel pour la sécurité du continent, alors que les relations transatlantiques se distendent, de maintenir une capacité européenne à concevoir de façon autonome des systèmes aériens de combat.
L’engagement du Royaume-Uni d’acheter 138 jets F-35 (48 ont déjà été commandés, 4 ont été livrés), l'absence subséquente de besoin opérationnel immédiat d'un FCAS du côté britannique ainsi que la nature des relations industrielles entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis en matière de défense ont suscité des doutes quant à la volonté britannique de mener à bien le programme franco-britannique initial du FCAS, qui est essentiel pour développer des technologies spécifiques nécessaires pour la prochaine génération d’avions de combat.
Il serait toutefois plus que regrettable d'abandonner un programme dans lequel des investissements conséquents ont été réalisés, une étude de faisabilité et des travaux technologiques ayant commencé. De plus, le Royaume-Uni possède des capacités uniques parmi les États européens en matière de conception d'avions de combat, qu'il s'agisse de moteurs militaires, de guerre électronique, de capteurs ou de technologies furtives. Enfin, la participation de sa force aérienne à des opérations de combat de haute intensité et à des frappes cinétiques aiderait à concevoir un système aérien de combat doté de capacités opérationnelles adaptées. Il existe au contraire des différences significatives entre l'utilisation des forces aériennes françaises et allemandes, (essentiellement défensives), ce qui pourrait conduire à des divergences entre les priorités d’un programme franco-allemand.
Il semble donc souhaitable de poursuivre, au moins à moyen terme, le programme franco-britannique FCAS, afin de développer les technologies clés nécessaires à un futur système aérien de combat pour pouvoir, à plus long terme, fusionner ce programme avec le projet FCAS franco-allemand au sein d’un programme franco-germano-britannique. Ce programme pourrait ensuite servir de base à la construction d'un "MBDA des avions de combat".
Proposition 7 : Accroître la coopération en matière de cybersécurité en développant des modes de coopération formalisés et structurés
La coopération franco-britannique dans le domaine de la cybersécurité reste limitée par le rôle du Royaume-Uni dans la communauté "Five Eyes".
Cependant, la proximité et la grande intégration américano-britannique en matière de nucléaire militaire n'ont pas empêché en son temps la coopération nucléaire de devenir un pilier des accords de Lancaster House. Le fait que la cybersécurité soit un sujet sensible ne doit pas plus faire obstacle au renforcement des liens franco-britanniques dans ce domaine qui devient aussi central que le nucléaire dans les affaires stratégiques.
Nous proposons donc d'aller plus loin que le Dialogue stratégique sur les cyber-menaces mis en place par le Sommet de Sandhurst et de compléter les traités de Lancaster House par un pilier cybersécurité. Celui-ci devrait inclure le développement d'une doctrine commune pour répondre aux cyber-menaces, le développement de capacités conjointes (notamment sur les technologies clés identifiées par la revue stratégique de la cyberdéfense française : cryptage des données, détection et identification des cyber-attaques, intelligence artificielle), ainsi que la mise en place d'un groupe de travail conjoint pour explorer les voies d'une coopération plus poussée. Ce groupe de travail serait aussi chargé de formaliser cette coopération cyber et de fournir une enceinte de rencontres et discussions régulières et structurées sur ces questions.
Il est toutefois essentiel de souligner que ce pilier de la cybersécurité ne peut fonctionner que dans le cadre d'accords d'exclusivité et de non-divulgation, qui préservent le secret sur les capacités développées conjointement.
Proposition 8 : Elaborer une vision stratégique commune en matière de R&D
Tous les programmes conjoints de R&D franco-britanniques destinés à préparer nos pays aux menaces à venir s'appuieront sur un ensemble commun de technologies clés, ayant principalement trait à l'intelligence artificielle, à la cybersécurité, à la robotique, à la furtivité et à l'observation spatiale. Outre la coopération industrielle, la recherche sera nécessaire pour « militariser » les technologies développées par le secteur civil.
Bien que les Etats préfèrent encore souvent développer seuls certaines de ces capacités, il est clair qu'il y a lieu d'accroître la recherche franco-britannique dans le domaine de la défense et de la sécurité. C'était l'ambition fixée lors du sommet bilatéral de Paris en 2012, mais cet objectif n’a pas été atteint.
Pour que la coopération franco-britannique en matière de défense et de sécurité s’oriente vers l'avenir, il est de fait nécessaire de formuler une vision stratégique, construite sur une identification commune des technologies clés et des opportunités de collaboration. Cette vision commune devra ensuite se traduire par l’adoption d’une série d'instruments bilatéraux, en s'appuyant sur l'accord de Sandhurst pour développer la recherche conjointe dans le domaine de l'IA et de la cybersécurité. Si, comme on peut l'espérer, l'accord sur le Brexit maintient un accès du Royaume-Uni à Horizon 2020 et au Fonds européen de défense (FED), ils pourraient fournir des sources de financement pour des projets communs.
Proposition 9 : Mettre en place un cadre formel de renseignement entre la France et le Royaume-Uni
Aujourd'hui, la coopération en matière de renseignement entre la France et le Royaume-Uni, bien qu'elle soit régulière et approfondie, fonctionne surtout de manière informelle, selon une méthode reposant sur la confiance et les relations personnelles. Bien que ces dernières soient absolument fondamentales, elles n’excluent pas et ne peuvent se substituer à des relations plus formelles et plus structurées. Un tel cadre est d'autant plus important que la coopération en matière de renseignement repose chaque jour davantage sur l'échange de données, qui doit disposer d’une base juridique solide.
Les traités de Lancaster House doivent donc être complétés par un accord (discret) sur le partage du renseignement facilitant la coopération entre le Royaume-Uni et la France.
Proposition 10 : Approfondir les activités communes de "diplomatie de défense"
Il pourrait être intéressant de concevoir et mettre en œuvre des activités de "diplomatie de défense", gage de l'étroite relation entre les deux pays.
Grâce à l'utilisation et au déploiement d'officiers de liaison dans les ministères de la défense et des affaires étrangères de chaque pays, le Royaume-Uni et la France pourraient également développer des activités conjointes orientées vers l'extérieur, comme proposer des briefings conjoints au personnel diplomatique.
Proposition 11 : Utiliser et renforcer les programmes d'échange
Les programmes d'échange de responsables civils et militaires ont joué un rôle clé dans la facilitation de la coopération franco-britannique en matière de défense et de sécurité par le développement d'une meilleure compréhension et la croissance des réseaux. Cultiver cette compréhension mutuelle devrait être un exercice récurrent et doit être utilisé pour améliorer la coopération franco-britannique, génération après génération.