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Note
Avril 2020

Covid-19 :
l’Asie orientale face à la pandémie

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Auteurs
Mathieu Duchâtel
Directeur des Études internationales, Expert Résident

Mathieu Duchâtel est le directeur des études internationales de l’Institut Montaigne. Ses travaux portent notamment sur la sécurité économique et sur les questions stratégiques en Asie orientale. Mathieu Duchâtel est docteur en science politique de Sciences Po.

François Godement
Expert Résident, Conseiller spécial - Asie et États-Unis

François Godement est Expert Résident principal et Conseiller spécial – Asie et États-Unis à l’Institut Montaigne. Il est également Nonresident Senior Fellow du Carnegie Endowment for International Peace et assistait le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères français en tant que consultant externe  jusqu'à l'été 2024.

Viviana Zhu
Analyste Chine - Anciennement Research Fellow - programme Asie, Institut Montaigne

Viviana Zhu était Research Fellow à l'Institut Montaigne jusqu'en janvier 2023. Avant cela, elle était coordinatrice du programme Asie à l’European Council on Foreign Relations (ECFR)

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Comment le Japon, la Corée du Sud ou encore Taiwan sont-ils parvenus à éviter un confinement général de leurs populations ou celui de villes entières ? Que faut-il retenir des mesures prises par les pays d’Asie orientale pour préparer l’après-confinement en Europe ? 

Les pays d’Asie orientale ont été très réactifs, avec des mesures mises en place dès les premiers signaux venant du berceau du coronavirus, une application stricte de la quarantaine, une recherche minutieuse des interactions des patients testés positifs, un recours massif aux outils numériques, une mobilisation volontariste de la base industrielle, etc. Ces outils de politiques publiques, mis en œuvre dès janvier 2020, sont aujourd’hui quotidiennement mis en lumière dans les débats en France et en Europe. Ils ont permis partout, à l’exception de Wuhan et de la province du Hubei en Chine, d’éviter une augmentation exponentielle des infections pendant le premier semestre 2020. La compréhension des outils déployés dans ces pays a donc beaucoup à apporter à la réflexion sur la sortie de crise - en Europe et ailleurs.

Par cette note, l’Institut Montaigne a souhaité offrir un panorama détaillé des outils de politiques publiques auxquels la Chine, la Corée du Sud, Hong Kong, le Japon, Singapour et Taiwan ont eu recours pour lutter contre la pandémie. Cette publication propose, pour chaque cas d’étude, une chronologie des mesures prises pour anticiper la crise, en contenir la propagation, adapter la vie quotidienne et les systèmes de soins aux pressions créées par cette nouvelle pathologie et viser une guérison économique. Elle offre également une approche comparée, outil par outil, de manière analytique, de ces six réponses, identifie les similarités et les nuances qui s’en dégagent, et en tire des enseignements pour contribuer à la construction d’une boîte à outils de gestion de crise et de l’après-confinement pour la France et l’Europe. 

Une boîte à outils de politiques publiques…

Les cas étudiés diffèrent du point de vue de leur système politique. La Chine est un Etat autoritaire, Singapour et Hong Kong sont des combinaisons “subtiles” entre Etat de droit et mode de gouvernance autoritaire, tandis que Taiwan, la Corée du Sud et le Japon sont des démocraties à part entière, aux débats publics vifs et intenses. 

Or les réponses à la crise du Covid-19 transcendent jusqu’à un certain point les différences entre démocraties et régimes autoritaires. Partout, se retrouvent, bien qu’à différents degrés : 

  • l’utilisation de la quarantaine individuelle plutôt que le confinement généralisé ;
  • les contrôles aux frontières en quête de symptômes et de cas de contamination ; 
  • un traçage méticuleux, parfois intrusif ;
  • et la mobilisation du tissu industriel pour l’adapter aux exigences de la crise en matière d’équipements médicaux. 

Les enseignements tirés de l’épidémie de SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) de 2003, qui a touché de plein fouet cette région du monde - et la crise du MERS (Coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen-Orient) qui a frappé la Corée du Sud en 2015 - ont souvent joué un rôle décisif dans la préparation des systèmes de santé, des méthodes de gestion de crise mais aussi de la sensibilisation aux risques des populations. Ils expliquent en partie l’anticipation et la préparation constatées dès le mois de janvier dans ces pays. 

...et des équilibres uniques d’un pays à l’autre

Bien que la palette d’outils soit limitée et qu’aucun pays n’ait mis entièrement fin au risque de nouveaux cas, chacun présente certaines particularités dans sa réponse.

  • La Chine frappe par la puissance de sa mobilisation industrielle et la sévérité du confinement de la ville de Wuhan. 
  • La Corée du Sud a une utilisation intéressante des dépistages, via des enquêtes épidémiologiques ciblées et une mise à disposition facile d’accès du dépistage. 
  • Taiwan ouvre des réflexions importantes sur l’usage de l’outil numérique dans un système démocratique, mais aussi sur l’importance de quarantaines individuelles strictes pour éviter un confinement général. 
  • Le Japon pose la question de l’hospitalisation obligatoire pour tous les malades infectés par le Covid-19, une contrainte légale que le gouvernement devra assouplir.
  • Singapour offre une option remarquée de traçage rétrospectif des contacts via l’application TraceTogether et son enregistrement des interactions sociales d’un individu via la fonction Bluetooth. 
  • Enfin, Hong Kong est un modèle de réaction rapide, et de responsabilités prises par la population pour se protéger par le port de masques. 

Pas de recette magique, mais des ingrédients clés

Si les mesures prises par les six gouvernements sont désormais citées en exemples, il convient néanmoins de rester prudent car l’objet de ce travail est une cible mouvante. La perspective d’une deuxième vague de cas ne les épargne pas. Des pays comme Singapour ou le Japon, qui étaient parvenus, grâce à l’efficacité de leurs mesures préventives, à éviter l’option du confinement, ont dû adopter une approche de plus en plus contraignante pour leurs populations au début du mois d’avril 2020. 

Pourtant, le nombre de cas recensés dans cette région du monde reste bien inférieur aux centaines de milliers de cas constatés en Europe et aux Etats-Unis. Les recettes magiques n’existent pas, mais certains des ingrédients sont encourageants. L’importance accordée par ces pays à des mesures ciblées, centrées sur les individus et le suivi des patients au cas par cas, constitue en cela une alternative intéressante aux efforts visant à “aplanir la courbe” des contagions - une stratégie propre aux Etats qui doivent gérer en priorité le risque de saturation de leurs services d’urgence, après avoir laissé s’installer l’épidémie

Les mesures qui ont permis d’éviter le confinement en Asie du Nord-Est et à Singapour, comme la fermeture en Chine de Wuhan avant la réouverture de la mégapole, sont pertinentes dans le cadre des réflexions sur la sortie du confinement ailleurs, notamment en Europe. 

Cette note souligne six enseignements en particulier  : 

  • l’importance des procédures de réaction standardisées ;
  • les opportunités offertes par des outils numériques adossés à des gardes-fous démocratiques
  • une mise en application stricte de la quarantaine comme alternative au confinement ;
  • l’enjeu d’une maîtrise de l’approvisionnement en matériel médical stratégique pour la gestion de la crise ;
  • le rôle des masques comme première ligne de défense contre les maladies respiratoires infectieuses ;
  • et la nécessité de penser stratégiquement l’après-crise pour minimiser les séquelles économiques de cette pandémie. 

Alors que les pays européens réfléchissent aux stratégies de déconfinement les plus efficaces, tant du point de vue sanitaire qu’économique, l’analyse de la gestion de crise en Asie orientale est primordiale pour alimenter les réflexions des gouvernements européens, contenir la pandémie et éviter ainsi de nouveaux confinements. 

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