Tous les pays qui ont massivement développé l’apprentissage au niveau des formations secondaires ont consacré des moyens considérables à ménager des périodes de transition ou de sas entre l’état scolaire (ou l’état de décrochage scolaire) et l’apprentissage. Tout simplement parce que l’apprentissage est une voie particulièrement exigeante en termes de maturité, de savoir-être et de savoirs de base (mathématiques, littératie…). La majorité des jeunes de 15-17 ans en cours de scolarité ou en situation de décrochage scolaire sont inemployables, quelles que soient les primes à l’embauche que l’Etat pourra créer pour inciter à leur recrutement. Les propositions qui suivent ont pour but d’instaurer des passerelles vers l’apprentissage, véritables chaînons manquant dans le système français.
Généraliser les DIMA au collège
Des Dispositifs d’initiation aux métiers de l’alternance (DIMA) ont été institués par la loi "Cherpion" du 11 juillet 2011. Ils établissent des cursus spécifiques de préparation à l’apprentissage, accessibles aux jeunes âgés d’au moins 15 ans, indépendamment de leur origine scolaire. Ils constituent des passerelles d’aide à l’orientation vers l’apprentissage, entre le collège et la formation professionnelle, permettant aux élèves de découvrir un environnement professionnel correspondant à un projet d'entrée en apprentissage, tout en conservant leur statut scolaire. Ils se fondent sur une pédagogie inductive et participent ainsi à la prévention au décrochage scolaire, en apportant une réponse adaptée à l’ennui que rencontrent certains collégiens en classe.
En DIMA, les jeunes collégiens volontaires ont surtout accès à un parcours de découverte des métiers renforcé, à travers des enseignements d’ouverture au monde du travail et plusieurs stages d’initiation ou d’application en entreprises.
Cependant, les DIMA restent aujourd’hui anecdotiques. Selon l’Onisep, sur les 977 CFA recensés par la DEPP, seulement 430 proposent ce dispositif de préapprentissage.
Une cause de cet échec est la complexité de mise en œuvre et de suivi d’un DIMA qui nécessite une coopération étroite entre les CFA et les collèges. Le dispositif requiert donc un accompagnement soutenu des chefs d’établissement, et, au préalable, des efforts de communication, de sensibilisation et d’incitation à l’apprentissage que l’Education nationale n’assume pas au collège.
Par ailleurs, si les DIMA étaient initialement ouverts dès l’âge de 14 ans, la promulgation de la loi de refondation de l’Ecole en 2013 a retardé leur accès aux jeunes de 15 ans révolus, et sous condition d’avoir réalisé au préalable une année entière de troisième. Ces conditions nouvelles d’âge et de scolarité ont eu pour conséquence de limiter considérablement l’accès et l’aide à l’orientation des jeunes vers l’apprentissage. Durant l’année scolaire 2016-2017, 5 169 collégiens ont eu accès aux DIMA, ils étaient 6 670 en 2012-2013.
Créer une voie de préparation à l’apprentissage pour certains jeunes en décrochage scolaire
Afin de remédier aux problèmes d’insertion socioprofessionnelle des jeunes "décrocheurs" du système d’éducation et de formation professionnelle - les NEET - il est indispensable d’instaurer une passerelle préparatoire dédiée à l’insertion par l’apprentissage, logée auprès des missions locales, et d’y consacrer des financements spécifiques qui permettent notamment de rémunérer les jeunes sur le modèle de la "Garantie Jeunes". La formation intégrerait, entre autres, des enseignements visant à un renforcement des compétences de base, un coaching personnel afin d’accompagner les jeunes dans leur projet académique et professionnel, des stages de découverte des métiers, ainsi qu’un ensemble d’ateliers leur permettant d’acquérir les codes et les comportements de l’entreprise.
Deux options sont envisageables pour la prise en charge de cette filière de préparation à l’apprentissage. Ces deux options sont compatibles et non exclusives :
- Option 1 : octroyer le monopole de cette filière aux missions locales ;
- Option 2 : transférer cette compétence ainsi que les financements associés aux Conseils régionaux et les laisser libres de choisir les opérateurs de cette préparation à l’apprentissage.
La mission générale des Conseils régionaux en faveur de l’insertion des jeunes, qui les positionne à la croisée des chemins des différents acteurs impliqués sur le sujet, les rend parfaitement légitimes pour assumer cette compétence. Les régions pourraient externaliser la prise en charge de ces formations via une procédure d’appel à projets. Un tel dispositif permettrait d’exiger des résultats, notamment en termes d’accès à l’apprentissage.
Cette filière de préparation à l’apprentissage représente un coût budgétaire important. Toutefois, elle pourrait être financée pour partie par le redéploiement d’autres dispositifs d’insertion confiés aujourd’hui aux missions locales et pour partie par une part de l’enveloppe budgétaire consacrée au financement des contrats aidés, progressivement supprimés par le gouvernement en raison de leur inefficacité.
Permettre aux jeunes d’effectuer une première année en CFA sans contrat d’apprentissage
Afin de lutter contre le phénomène de déperdition d’apprentis en cours de parcours, il serait souhaitable et logique de créer une première année en CFA, qui serait l’équivalent de la seconde professionnelle en bac pro, et constituerait une année de préparation à l’apprentissage pour tout élève désireux de s’orienter vers cette voie. Toutefois, et sans pour autant se dérouler sous le statut d’apprenti, cette formation comporterait déjà un lien très étroit avec les entreprises, sous la forme de stages professionnels.
La mise en œuvre de cette "passerelle vers l’apprentissage" nécessiterait de légiférer sur la question, afin d’en définir le statut et les modalités de financement.