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Note
Juillet 2019

Agir pour la parité, performance à la clé

Auteures
Aulde Courtois

Aulde Courtois est Directrice Générale Adjointe de Spallian et rapporteure du groupe de travail sur la sécurité nationale à l'Institut Montaigne.

Mahaut de Fougières
Responsable du programme Politique internationale

Mahaut de Fougières était responsable du programme Politique internationale jusqu'à Février 2023. Dans ce cadre, elle pilote les travaux de l'Institut Montaigne sur la défense, la politique étrangère, l'Afrique et le Moyen-Orient, et mène des projets transversaux au sein du pôle international. Auparavant, elle était chargée d'études sur les questions internationales, depuis 2018.

Diplômée de King's College London et de University College London (UCL) en relations internationales, elle a également étudié à l'université américaine de Beyrouth (AUB).

Le saviez-vous ?

  • Une entreprise sur cinq fonctionne avec un conseil d’administration exclusivement masculin ;
  • En France, 12 entreprises du CAC 40 ne comptent aucune femme au sein de leur plus haute instance de direction, et neuf comptent moins de 10 % de femmes parmi les plus hauts dirigeants ;
  • Si 58,2 % des élèves à l’université - toutes filières confondues sauf DUT - sont des femmes, celles-ci ne représentent que 38,7 % des effectifs des formations scientifiques ;
  • L’écart entre le salaire des femmes et celui des hommes est de 4,8 % en moyenne, et il ne cesse de progresser tout au long de la carrière;

Malgré des avancées légales importantes, l’égalité femmes-hommes peine à s’incarner dans la réalité de la société. Comment agir enfin efficacement pour soutenir cette cause ?

Afin de ne pas répéter les analyses nombreuses déjà produites sur ces enjeux, c’est par l’angle économique que l’Institut Montaigne a choisi de s’attaquer au sujet :  au-delà de la RSE, le "gender fairness" est un concept bon pour l’économie, bon pour l’intérêt général.
 

Agir pour la parité : performance à la clé

La diversité de genre comme facteur de performance

La diversité de genre - en d’autres termes, la présence de femmes à tous les échelons d’une organisation - n’est pas seulement un enjeu d’égalité mais aussi un enjeu de performance et un levier de croissance. C’est ce que démontrent de nombreuses études très peu connues en France. L’une d’elles - réalisée par McKinsey - révèle que sur un échantillon de 300 entreprises dans le monde, celles comptant le plus de femmes dans leurs instances de direction sont à 47 % plus rentables que celles qui n’en ont aucune. 

Cette performance n’est pas liée à de supposées vertus naturelles des femmes qui les différencieraient des hommes, telles que la douceur et l’empathie, - un préjugé sexiste qui les cantonne souvent à des postes de ressources humaines ou de communication. Alors comment l’expliquer ? 

  • Un certain nombre de comportements spécifiques positifs (aversion aux risques, planification, etc.) encore surreprésentés chez les femmes ;
  • L’impératif désormais incontournable pour les entreprises de ressembler à la société au sein de laquelle elles se développent et aux consommateurs auxquels elles s’adressent ;
  • La traditionnelle surreprésentation masculine qui a provoqué un comportement d’adaptation chez les femmes, amenées à "surperformer" pour se hisser aux mêmes rangs.
     

Où en est la France ?

En France, la loi sur la parité pour l’égalité professionnelle, la loi visant à réduire les écarts de salaire (plus de 40 ans après la loi sur l’égalité salariale !), la loi contre le harcèlement, la loi Copé-Zimmermann, qui impose 40 % du sexe le moins représenté dans les conseils d’administration des plus grandes entreprises : toutes ont favorisé des avancées dans le domaine. Aucune n’a néanmoins permis d’assurer une réelle égalité entre les femmes et les hommes dans le monde professionnel. 

Pour preuve : 

  • 12 entreprises du CAC 40 ne comptent aucune femme dans leur instance de direction ;
  • 9 comptent moins de 10 % de femmes parmi les plus hauts dirigeants ; 
  • aucune femme n’occupe la fonction de présidente-directrice générale au sein d’une de ces entreprises ;
  • la fonction publique n’est pas plus exemplaire (les femmes représentent 54 % de l’effectif total et seulement 26 % des emplois de direction) ;
  • les inégalités se retrouvent également dans les écarts de salaires. Ils sont d’environ 25 % tous postes confondus dans le secteur privé, et de 12 % dans le secteur public.

Que faire ?

Pour porter remède à cette injustice persistante, il convient de réinventer la notion de pouvoir telle qu’elle est incarnée aujourd’hui dans les institutions et les entreprises. Poursuivre le partage du pouvoir et l’inclusion réelle des femmes implique d’accompagner la transformation de la société : revoir la gestion du temps d’absence comme de présence, gérer les parcours professionnels différemment, et lutter contre les stéréotypes dès l’école.

Par ailleurs, une responsabilisation de l’ensemble des acteurs est nécessaire, car rien n’est jamais acquis en matière d’égalité femmes-hommes. Les dirigeants, directeurs d’administration, responsables politiques, tous doivent être impliqués, sous la vigilance de la société civile. D’où l’importance de la mise en place d’outils de mesure, de contrôle et de transparence.

Nos propositions

1
Poursuivre le partage du pouvoir
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Proposition 1
L’État actionnaire et l’État investisseur doivent chacun prendre leur part de développement des politiques publiques en matière de diversité de genre :

  • L’Etat investisseur doit donner à Bpifrance mandat de vérifier et soutenir la diversité de genre dans les entreprises dans lesquelles elle investit et veiller à ce que les femmes entrepreneures ne soient pas discriminées.
  • L’Etat actionnaire doit donner mandat à l’APE de fixer et mesurer des objectifs clairs sur la place des femmes au sein des organes de direction des sociétés de son portefeuille, de la même manière qu’elle suit les rémunérations.

Bpifrance et l’APE devraient produire annuellement un rapport sur leurs actions et résultats en matière de diversité de genre des investisseurs ou des organes de direction des entreprises dans lesquelles elles détiennent une participation. Ce rapport devrait être consultable par le grand public.


Proposition 2
Appliquer la loi Pénicaud sur l’égalité salariale à l’ensemble du secteur public, avec obligation de publication, sur le modèle britannique du Gender Pay Gap Act qui contraint autant le secteur public que le secteur privé.


Proposition 3
Dans l’esprit de la loi Copé-Zimmermann, avec les mêmes modalités de seuils et de mise en œuvre raisonnables, instaurer un objectif minimal de 40 % du sexe le moins représenté au sein des instances exécutives des sociétés du SBF 120, d’ici cinq ans, à leur rythme.

A ce stade, cette mesure doit être inscrite, non pas dans la loi, mais comme un engagement de chaque entreprise donnant lieu à une publication annuelle. Notre recommandation s’appuie donc sur une démarche volontaire plutôt qu’un passage par la loi. Compte tenu des évolutions rapides de l’opinion sur ce sujet, il ne fait pas de doute que la loi viendrait suppléer une absence d’actions.

En ce qui concerne les entreprises de taille intermédiaire, fixer annuellement des objectifs de réduction d’écarts de représentation entre les sexes dans les instances exécutives des sociétés. Ces objectifs seront fixés par les instances de gouvernance et leur suivi devra faire l’objet d’une publication en début d’année et à l’issue de chaque exercice.

De manière générale, appliquer systématiquement des listes équilibrées de candidats et s’assurer à la fin de l’année qu’en moyenne, autant d’hommes que de femmes ont été nommées ou recrutés.
 

2
Dégenrer les problématiques subies par les femmes pour accompagner l’évolution de la société
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Proposition 4
Octroyer un certain nombre de jours de congé post-naissance (en dehors des huit semaines de repos obligatoire) aux parents comme un "droit de tirage", indifféremment de leur sexe ou de leur statut hiérarchique, afin de ne pas discriminer et stigmatiser en fonction du sexe.


Proposition 5
Encourager les recherches en matière de biais cognitifs pour développer les outils à l’école, dans les universités et au sein des environnements de travail. Lutter contre les stéréotypes de genre dès l’école par des actions très concrètes ouvrant le champ des possibles - cours de code informatique dès le primaire, cours de récréation non genrées, travail de groupe (mixtes), etc. - et contribuer ainsi à créer un vivier équilibré dans toutes les filières.


Proposition 6
Dans les univers à plus de 70 % masculins, confier aux référents en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes que sont contraintes de nommer les entreprises employant au moins 250 salariés, une mission de garantie des conditions de travail des femmes présentes. Cela afin que ces dernières puissent librement s’épanouir dans ce métier considéré comme "masculin" qu’elles auraient choisi.

3
Responsabiliser l’ensemble des acteurs
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Proposition 7
Rapprocher le Haut Conseil à l’Egalité et le Conseil Supérieur de l’Egalité Professionnelle entre les femmes et les hommes, clarifier leurs missions et mettre en commun le peu de moyens dont ils disposent. Confier à cette structure ainsi unifiée une mission de service public, de communication et d’accompagnement des entreprises et des administrations aux lois d’égalité. Cette structure pourrait entretenir et développer le site internet reprenant les obligations légales en matière de représentation et de traitement, et assurer une mission d’accompagnement au diagnostic et à la mise en conformité. Ce site pourrait en effet être renforcé par un système interactif de FAQ animé par un modérateur. Il pourrait également proposer des "formations" en ligne ou en organiser sur demandes collectives.


Proposition 8
En ce qui concerne le champ d’application de la loi Copé-Zimmermann pour le secteur privé, donner, par exemple, mandat à la Direction générale des entreprises (DGE) de Bercy de récolter les données des entreprises soumises à la loi, de veiller à l’application des sanctions, et de publier l’état des lieux tous les ans.

En ce qui concerne le champ d’application de la loi Sauvadet pour le secteur public, mandater officiellement une structure du ministère de l’Action et des Comptes publics pour récolter les données des entreprises publiques, en collaboration avec l’Agence des participations de l’Etat (APE) pour les entreprises dont l’Etat est actionnaire, et de la fonction publique, en collaboration avec la Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP). Cette structure du Budget sera chargée de veiller à l’application de la loi et devra publier tous les ans un état des lieux des établissements publics concernés en la matière, ainsi que la liste des éventuelles sanctions financières.


Proposition 9
Mettre en place une base de données du gender fair sous forme de site et d’application interactifs et consultables par tous, afin de développer la transparence. Financée par des fonds privés (collectif d’entreprises) ou des organisations à but non lucratif (fondations, associations, etc.), elle se dotera de règles de gouvernance et de financement permettant de garantir son indépendance.
 

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