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16/01/2018

Vers le retour d’une grande coalition en Allemagne ? Trois questions à Michaela Wiegel

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Vers le retour d’une grande coalition en Allemagne ? Trois questions à Michaela Wiegel
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Les élections législatives allemandes du 24 septembre dernier ont obligé le parti d’Angela Merkel à rechercher un nouveau partenaire de gouvernement. Le 19 novembre, l’échec des négociations en vue de former un gouvernement avec les écologistes et les libéraux a plongé le pays dans une crise politique inédite. Alors que l’Europe est tournée vers l’Allemagne, habituellement gage de stabilité, c’est avec le SPD que la chancelière est parvenu à un premier accord dans la nuit du 11 au 12 janvier, ouvrant la voie au maintien de leur coalition. Que contient cet accord ? Que signifie-t-il pour l’Allemagne et pour l’Europe ? Michaela Wiegel, correspondante à Paris du Frankfurter Allgemeine Zeitung, nous livre son analyse. 

Le retour d'une grande coalition a été accueilli en Europe avec satisfaction, mais est-ce une bonne nouvelle pour le paysage politique allemand ? 

Il n’est pas encore certain que l’on assiste au retour d’une grande coalition en Allemagne. L’accord conclu entre la CDU/CSU et le SPD le 12 janvier dernier n’est en réalité qu’un pré-accord. Un long chemin doit encore être parcouru. Il débutera le 21 janvier avec le vote des délégués de la SPD à Bonn, puis par un second vote de tous les membres du parti. Si le pré-accord est validé à ces deux reprises par une majorité, les véritables négociations de coalition pourront commencer. 
 
Le Sondierung de 28 pages auquel ont abouti les négociations le 12 janvier a pour vocation de définir les grandes lignes d’un possible accord, ce qui signifie que son contenu est assez vague et volontairement ouvert. Des possibilités sont mentionnées mais il faudra attendre les véritables négociations de coalition pour entrer dans le détails des mesures. 
 
En Allemagne comme en France, les dirigeants des partis traditionnels sont en fin de vie politique et leur légitimité est contestée par une grande partie de leur base. C’est le cas de Martin Schulz (SPD), d’Angela Merkel (CDU) et de Horst Seehofer (CSU). Ce dernier a déjà annoncé son retrait du poste de Ministre-président de Bavière. Le retour d’une grande coalition n’est pas un signe de renouvellement mais plutôt une position d’attente, précédant un renouvellement comme celui qui s’est produit en France. Il n’y a pas d’autre solution pour l’instant mais il faut éviter que cette période intermédiaire de la vie politique allemande ne dure trop longtemps. 
 
Si tout se passe comme prévu nous aurons un nouveau gouvernement à Berlin le 1er avril prochain. Mais, même si ce n’est pas l’option la plus probable, le processus peut encore dérailler.  

Angela Merkel entame-t-elle ce nouveau mandat en étant affaiblie politiquement ?

Ce long processus de formation d’un gouvernement affaiblit Angela Merkel, cela en dépit du résultat honorable qu’elle a obtenu le 24 septembre dernier pour quelqu’un qui est au pouvoir depuis douze ans (33 %). Sa difficulté à former un gouvernement, à trouver des partenaires, a indéniablement entamé son pouvoir politique. La question de sa succession est aujourd’hui de plus en plus posée, ce qui n’est jamais bon pour un dirigeant politique
 
Concernant le pré-accord, il reprend la majorité des positions de son parti. Il n’est donc pas exclu qu’elle puisse parvenir à les mettre en oeuvre.
 
Il faut toutefois constater qu’il est difficile de définir précisément l’ambition européenne d’Angela Merkel, qui n’a jamais eu le goût des grands discours programmatiques. Cependant, dans les moments décisifs, la chancelière a toujours fait le choix de l’Europe. Ce fut le cas lorsque la question du maintien de la Grèce dans la zone euro s’est posée ou à l’occasion des récentes négociations gouvernementales avec la FDP. Une des raisons majeures de l’échec de ces discussions était le manque d’engagement du parti libéral vis-à-vis de la question européenne. Christian Lindner, président fédéral du FDP, désirait inscrire dans le contrat de coalition qu’il était opposé à l’idée d’un budget de la zone euro, à l’image de ce qui a été fait lors des négociations gouvernementales aux Pays-Bas. Angela Merkel souhaite, quant à elle, laisser toutes les portes ouvertes pour entamer des négociations avec Emmanuel Macron sur l’avenir de l’Europe. En acceptant l’échec des négociations avec la FDP, elle a montré que l’Allemagne ne pouvait pas tourner le dos à l’Europe et rejeter en bloc les propositions de la France.  

Que contient exactement le pré-accord de coalition concernant la politique européenne ?   

On peut être étonné des formulations un peu vagues de ce pré-accord. Cela s’explique par le fait que ce document a pour premier objectif d’exprimer la volonté de négocier des deux partis et ne constitue pas un véritable accord de coalition. 
 
Il est à noter que les thèmes européens figurent dans la première partie du document, alors qu’ils apparaissent habituellement à la fin dans les précédents accords. L’Europe est donc présentée comme la priorité et pourrait être la marque de fabrique du futur gouvernement. Il est fait mention d’un possible budget pour la zone euro dont le rôle serait d’intervenir dans les situations de crise pour stabiliser certains pays. Cela va dans le sens de ce qu’Emmanuel Macron suggère. Il y a donc une volonté d’aller de l’avant concernant la zone euro. 
 
Le pré-accord insiste également sur la nécessaire coopération entre la France et l’Allemagne. Il est cependant timide sur les questions de défense et de sécurité. Cela peut clairement être imputé à la SPD qui est très réticente par rapport à l’interventionnisme et l’augmentation des budgets militaires.
 

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