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13/11/2012

Le Japon après Fukushima  : quels enseignements pour une politique européenne de l’énergie ?

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Le Japon après Fukushima  : quels enseignements pour une politique européenne de l’énergie ?
 Iana Dreyer
Auteur
Chercheuse associée à l’Institut Montaigne



Les évolutions de la politique énergétique au Japon méritent d’être suivies de près en Europe, car elles sont porteuses de leçons. Une politique énergétique efficace doit concilier au mieux trois impératifs : fournir de l’énergie à des prix compétitifs, s’assurer d’approvisionnements sûrs et réduire les nuisances environnementales. Elle doit également être garante du fait que tout changement rapide et radical dans le bouquet énergétique d’un pays doit être soumis à un examen lucide de ses conséquences, de ses avantages et de ses coûts.

Une stratégie énergétique bousculé

L’accident nucléaire de Fukushima-Daiichi de mars 2011 a déstabilisé la stratégie énergétique japonaise. Le pays tâtonne encore pour trouver une voie viable économiquement mais aussi acceptable dans une société qui rejette désormais majoritairement l’énergie nucléaire. Le gouvernement a récemment annoncé qu’il souhaitait préparer le pays à une possible sortie du nucléaire dans les années 2030[1]. La stratégie définitive du pays, cependant, ne sera arrêtée qu’en 2013.

La stratégie énergétique japonaise de 2010 avait mis l’accent sur deux priorités :

  • la réduction des émissions de CO2 (30 % d’ici 2030 par rapport à 1990) ;
  • l’accroissement de l’indépendance énergétique de 38 % en 2010 à 70 % en 2030.

Grande île disposant de très peu de ressources fossiles sur son territoire, le Japon dépend en effet massivement d’importations de pétrole et de gaz, ainsi que de charbon, pour alimenter ses transports et générer de la chaleur et de l’électricité. Il est fortement exposé à la volatilité et à la hausse des prix des matières premières.


L’abandon possible du nucléaire : des enjeux économiques forts

Source d’électricité produite localement, à prix compétitifs et non émettrice de CO2, l’énergie nucléaire, en 2010, était au cœur des dispositifs proposés pour permettre d’atteindre ces objectifs. Fournissant 30 % de la production électrique, l’objectif de la stratégie de 2010 était d’augmenter cette part à 50 %, tout en tâchant de développer des sources d’énergies renouvelables et de promouvoir l’efficacité énergétique.

Les décisions prises après Fukushima ne rendent plus crédibles les objectifs de réduction d’émissions de CO2 et d’indépendance énergétique. L’arrêt de la plupart des centrales nucléaires en 2011 et 2012 a entraîné une forte hausse des importations de pétrole et de gaz liquide (GNL). En 2011, pour la première fois depuis des décennies, la balance commerciale du pays s’est trouvée déficitaire. Afin de réduire la facture énergétique et de diversifier ses sources d’importations, le Japon espère pouvoir importer à l’avenir du GNL issu de gaz de schiste des Etats-Unis, mais à ce jour aucun accord n’a été trouvé.

Actuellement, le rationnement partiel de l’électricité dans l’industrie fait peser un risque de délocalisations de sites de production alors même que l’industrie japonaise fait face à une forte concurrence coréenne ou taiwanaise. Les industriels demandent l’accélération de la remise en marche des centrales nucléaires – mais l’agence de sûreté nucléaire japonaise récemment réformée n’a pas encore définitivement établi les critères permettant d’autoriser un tel redémarrage. Les entreprises énergétiques, elles, réclament la fin des prix administrés de l’énergie pour pouvoir faire face à la hausse des coûts des matières premières et investir dans de nouvelles capacités de production.


Vers une politique énergétique de l’innovation

L’introduction au printemps 2012 de tarifs d’achat, sur le modèle de ceux pratiqués en France, en Allemagne et ailleurs, pour soutenir le déploiement des énergies renouvelables, suscite de nombreuses interrogations : quel sera l’effet sur la facture des ménages ? Comment adapter les réseaux électriques ? Enfin, le pays devra investir massivement dans l’innovation pour promouvoir l’efficacité énergétique, le stockage d’électricité et développer des villes et réseaux électriques "intelligents".


L’Europe fait face à des dilemmes proches

En Europe, l’Allemagne, qui a décidé en 2011 d’accélérer sa sortie du nucléaire, fait actuellement face à des dilemmes similaires à ceux du Japon. En France, la volonté de réduire la part du nucléaire de 75 % aujourd’hui à 50 % dans moins de quinze ans suscitera inévitablement les mêmes interrogations. La politique européenne de l’énergie commence à faire débat : fortement axée sur la question climatique, elle est accusée de ne pas tenir compte de ses coûts. De plus, sans nucléaire, les objectifs en termes d’émissions de CO2 semblent peu tenables et la sécurité des approvisionnements énergétiques et électriques est en jeu.

Toutes ces questions sont abordées dans une nouvelle note de l’Institut Montaigne, publiée à l’occasion du 3e Forum Franco-Allemand de Genshagen les 8 et 9 novembre derniers.

Aller plus loin :
- Lire et télécharger la Note "Faire de la transition énergétique un levier de compétitivité"
- Télécharger le sondage franco-allemand sur la relation entre les deux pays et sur leur politique énergétique
- Télécharger la note de synthèse de l'enquête
- Télécharger le programme du 3e forum de Genshagen

Notes

[1] A titre de comparaison, le taux d’indépendance énergétique de l’Union européenne est de près de 46 % actuellement.

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